1: ste 4 * LATE MONUMENTS MODERNES PA PERSE MONUMENTS MODERNES PORC MP EI SE MESURES, DESSINÉS ET DÉCRITS PAR PAS OAI COS ARCHITECTE OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR COMMANDEUR DE L'ORDRE DU LION ET DU SOLEIL DE PERSE, MEMBRE DE L'ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS DE MARSEILLE CORRESPONDANT DE CELLES DE PARIS, DE LONDRES ET DE ROME PUBLIÉS PAR ORDRE DE SON EXCELLENCE LE MINISTRE DE LA MAISON DE L'EMPEREUR ETADES BEAUX-ARTS A. MOREL, LIBRAIRE-ÉDITEUR 13, RUE BONAPARTE, 13 MADIGIEC SLA YA ANNE RROROSNIDE NE UNREUIR Lorsque, en 1839, le gouvernement français jugea à propos d'envoyer une mission diplomatique extraordinaire auprès de Mohammed-Chah, alors régnant en Perse, l’Académie des beaux-arts résolut de profiter de cette circonstance pour renseigner avec exactitude l'Europe savante sur la position, sur l’état actuel & sur la forme des monuments de l'antiquité persane. À cet effet, elle obtint du ministère des affaires étrangères qu'on adjoignit à la Mission deux artistes. Connu déjà par mon ouvrage sur l'architecture arabe du Caire, je fus désigné pour en faire partie, avec M. Eugène Flandin, peintre. Les deux artistes, munis d'instructions nécessaires, partirent avec la Mission. Aussitôt arrivés en Perse, nous nous mimes à l’œuvre, explorant successivement les débris des anciens monuments disséminés dans ce pays, & les résultats de nos travaux incessants, pendant les deux années que dura notre séjour, furent publiés en 1844, aux frais du gouvernement & sous le titre de : Monuments anciens de la Perse. Cet ouvrage comprenait les dessins de tous les monuments encore debout, depuis les temps les plus anciens de la monarchie jusqu’à la fin du règne des Sassanides, au vu° siècle de notre ère. Quelque laborieuse que füt déjà en elle-même cette tâche tracée par l’Institut, je pus encore mettre à profit mes moindres loisirs pour examiner, étudier & relever les monuments de l'architecture persane, depuis le commencement de lépoque musulmane jusqu'au règne de Feth-Ali Chah, bisaieul du monarque actuel; c’est ainsi que je pus rapporter à mon retour en France un album de dessins exécutés sur les lieux, & je n'attendais plus qu’une occasion favorable pour offrir au public ce recueil inédit, complément du grand ouvrage mentionné plus haut. Cette occasion ne tarda pas à se présenter. En 1852, mon Album attira l'attention de feu M. Fortoul, alors ministre de l'instruction publique. Peu de temps après, grâce à sa bienveillante intervention, j'eus l’insigne honneur de mettre à Saint-Cloud mon ouvrage AVANT-PROPOS DE L'AUTEUR. sous les yeux de l'Empereur. Sa Majesté daigna consacrer plusieurs instants à l’examen de mes dessins; Elle me témoigna sa satisfaction, & autorisa M. Fortoul à s'entendre avec un des ministres ses collègues au sujet de la publication de ce recueil. La mort subite de M. Fortoul ajourna l'exécution de la volonté de l'Empereur. Ce ne fut que quelques années plus tard, en 1861, que Son Excellence le maréchal Vaillant, ministre de la maison de l'Empereur & des beaux-arts, reprenant avec sa sollicitude éclairée & bienveillante la proposition de M. Fortoul, accorda une subvention sur les fonds de son département & chargea de ce travail un éditeur, M. A. Morel, dont les nombreuses publications ont contribué si. puissamment au progrès des études artistiques & architecturales dans ces derniers temps. Notre orientaliste, M. de Biberstein Kazimirski, attaché en 1839 à la mission diplomatique de M. le comte de Sercey, a bien voulu se charger d'écrire le texte explicatif des monuments reproduits dans cet ouvrage. PAsSIC'A: COTE ARCHITECTE Paris, le 1* juin 1867. Le ASE OBAEECSAIOUN L'histoire & la littérature des peuples de l’Asie, les cultes dont celle-ci a été le berceau, les doctrines philosophiques & religieuses qui ont agité à différentes époques les sociétés de l'Orient, ont toujours excité un vif intérêt en Europe, & ne cessent encore d’être l’objet des recherches & des spéculations des savants & des philosophes. Le domaine de l'art asiatique seul était resté longtemps inexploré, &, — pendant que l'Europe moderne s'éprenait d'une admiration enthousiaste ou raisonnée pour les arts de l'antiquité classique, pendant que, plus tard, les arts du moyen âge chrétien ouvraient un champ nouveau & vaste au goût, aux études, à limitation, — on ignorait à peu près complétement l'existence de l'art oriental; bien plus, on était assez porté à le nier & à refuser à l'Orient toute aptitude pour les arts. Cette ignorance ou ces préventions se laissent assez facilement expliquer. Les œuvres de l'esprit, Îles conceptions de l'imagination se transmettent par mille voies & se propagent presque d’elles-mèmes ; les productions de l'art, au contraire, sont la plupart du temps attachées au sol qui les a vues éclore; &, quand on songe à tous les obstacles qui ont, pendant des siècles, entravé les communications & les rapports pacifiques entre l'Europe & l'Asie, on cesse de s'étonner du petit nombre des matériaux propres à faire connaître & juger tout ce que l'Orient a pu & a dü produire en fait d'arts. D'autres raisons encore contribuaient à restreindre nos connaissances à cet égard. Chez la plupart des peuples orientaux, les arts n’ont jamais pris le développement & lessor qu'ont su leur donner les peuples de l'antiquité classique & quelques-uns des peuples modernes : la sculpture & la peinture y ont été ou inconnues, ou peu cultivées, ou même frappées d'anathème, & quelques arts portés souvent à un très-haut degré dans les objets de luxe ou d'utilité journalière disparaissaient avec la matière fragile ou permutable sur laquelle ils s'exerçaient. I y a plus, le plus utile & en apparence le moins caduc des arts, l’architecture n’a jamais pu résister longtemps aux bouleversements continus de cette vaste contrée qui commence sur les bords de la mer Noire & s'étend au delà du Gange; &, fait curieux à noter, que ce soit l'effet de l’action destructive des I % INTRODUCTION hommes ou des convulsions de la terre, cette Asie antique, berceau des peuples de l'Europe, patrie de tant d’autres peuples qui ne l'ont jamais quittée, ne saurait nous offrir aujourd’hui, — sauf les quelques spécimens d'architecture conservés dans les hypogées de Flnde, — un seul monument debout qui ait l'âge du Parthénon, du temple de Thésée, ou de la plupart des constructions de la Rome des Césars. Cependant les arts y ont existé : quelques-uns même ont dû être portés à un degré de perfection & de magnificence sans exemple ailleurs, si ce n’est peut-être en Égypte. Du reste, si le reproche de n'avoir pas cultivé les arts est parfaitement justifié quand il s'adresse à la race sémitique de l'Asie, aux Hébreux & aux Arabes, il ne peut s'appliquer aux peuples de race arienne. Le doute n'était plus possible du jour où, grâce aux voyageurs européens du xvn°, du xvin® & du xx° siècle, on eut devant les yeux la vue des ruines de Persépolis & celle des bas-reliefs de ses palais; il l'est moins encore aujourd’hui, depuis que les découvertes, faites depuis vingt ans à Ninive, nous ont prouvé que le palais de Cyrus, à Persépolis, n'était pas le monument isolé d'une architecture imposante & de l’art symbolique particulier à l'Asie. Les monuments de Ninive, retrouvés sous des débris accumulés par des siècles, arrachés par fragments au sol, sont-ils le produit d'un art éclos spontanément au delà du Tigre & du Taurus, ou sont-ils des emprunts modifiés, des reflets de l'art égyptien? — C'est là une question que nous n’entreprendrons pas de discuter : mais, ce qui nous parait incontestable, c’est que cette partie de l’Asie, qui a presque toujours formé la vaste monarchie perse ou persane, a eu dans les arts, à différentes époques, un passé tout particulier & propre à elle. Ce passé, sous le rapport de l’art, est d'autant plus digne d’être étudié, que, depuis son origine qui remonte à la plus haute antiquité, la monarchie persane n’a presque jamais cessé d’exister & qu’elle résume en elle certains caractères inaltérables du monde asiatique. De la mer Caspienne jusqu’au golfe Persique & à la mer de l'Inde, des chaînes du Taurus jusqu'aux bords de Flndus, quels que soient les peuples & les races qui la composent, quelles que soient les dynasties qui y règnent, que son berceau ou sa capitale soit à l’est ou à l'ouest, au sud ou au nord, à Echatane ou à Balkh, à Ctésiphon ou à Gazna, à Tébriz ou à Mérv, à Chiraz ou à Téhéran, il y a toujours eu dans l'Asie nul une monarchie perse, un empire d'Iran, formant en quelque sorte contre-poids à l'empire de Chine, à celui de l'Inde & à celui de Rome. La puissance de cet empire s'affaisse & son nom s’éclipse parfois pour un certain temps, mais ce nom & souvent cette puissance ne tardent pas à renaitre, comme s'il était dans leur destinée de perpétuer en Asie le souvenir & les traditions d’un État qui fut toujours pour le monde occidental, tant ancien que moderne, le foyer du luxe asiatique, le modèle des splendeurs de la royauté & le type du pouvoir le plus absolu. En effet, — à l'exception de la période des successeurs immédiats d'Alexandre le Grand, sous lesquels la Perse se morcelle, & du siècle des premiers khaliphes, où elle fait partie de leur vaste empire, — nous retrouvons toujours une monarchie pérsane, se reconstituant dans les limites qui lui paraissent naturelles, depuis le Tibre jusqu'à l'Indus; l’épithète d'Empire éternel (Ebedpeivend) consacrée dans le style de la chancellerie persane n'est pas une simple hyperbole, & le souverain actuel de la Perse ne fait qu'obéir au sentiment national, quand, à l'exemple de tous ses prédécesseurs, pour renouer sans cesse la chaine du temps, il s'intitule Chehinchah, roi des rois, titre que portaient, du consentement du monde ancien, les Darius, les Artaxercès & les Cosroés. Malgré cette continuité d'existence & cette identité de limites, deux grandes époques, bien différentes sous le rapport religieux & social comme sous celui de l’art, partagent toute l'histoire de la Perse. La première commence à l’origine de la monarchie, comprend son passé fabuleux, puis héroïque & enfin historique, & finit à la INTRODUCTION 3 chute de la dynastie des Sassanides, succombant, vers 640 de notre ère, sous les coups de linvasion mahométane ; la seconde commence à cette dernière invasion & continue jusqu à nos jours. Trois sources historiques nous initient à la connaissance quelquefois très-détaillée, mais la plupart du temps très-fragmentaire de cette époque. Ces trois sources sont : quelques livres de la Bible, les historiens grecs & romains antérieurs & postérieurs à Alexandre le Grand, & enfin les traditions populaires recueillies dans le x° siècle de notre ère par un poëte persan, Ferdowci, auteur du Chahnameh (Livre des Rois). Ces sources différentes d'âge, d’origine & de langue, nous offrent des données, sinon tout à fait contradictoires, du moins fort différentes sur la Perse ancienne; & c’est en vain qu'on à essayé jusqu'ici de les concilier & d'établir des synchronismes, soit qu’on n’ait pu encore trouver la clef des noms des dynasties & des princes nommés dans les unes & dans les autres, soit que les récits des auteurs hébraïques, grecs & persans, se rapportent à des événements connus des uns & ignorés des autres. Ainsi, tandis que les historiens grecs nous parlent des dynasties mède & perse, de la famille des Achéménides, des Seleucides, des Parthes & des Arsacides, le Chahnameh nous raconte les règnes des Pichdadiens, des Keïaniens, des Achkaniens, & l'accord entre les historiens persans, grecs & romains ne s'établit, du moins pour les noms des souverains, qu’à l’avénement de la dynastie des Sassanides. La seconde époque, l'époque musulmane, n'offre plus d’incertitudes. En effet, nous avons l'histoire régulière de toutes les dynasties qui se sont succédé en Perse depuis 640 jusqu’au xvn° siècle : les Soffarides, les Samanides, les Bouides (Déilemites), les Ghaznévides, les Seldjoukides, les Atabeks, les Mongols, les Ilkhaniens, les Mozafférides, les Timourides, les dynasties du Mouton noir & du Mouton blanc, les Séfis, la domination des Afghans, le règne de Nadir Chah, la dynastie des Zend, & enfin la dynastie régnante des Kadjars. L'époque musulmane embrasse un espace de temps si considérable, il entre successivement dans l'empire de l'Iran tant d'éléments divers, que l'étude attentive de l’art y fait tout d'abord reconnaitre l'existence de plusieurs genres & de plusieurs styles; mais un fait majeur domine toute cette seconde grande époque : c’est l’islamisme, religion commune à toutes les dynasties arabes, turcomanes, persanes, mongoles & turques. Les Monuments anciens de la Perse (publiés en 1842) ont donné une idée suffisante du genre d'architecture de Ia première grande époque; le but des Monuments de la Perse moderne est de faire connaître au public, dans les plus grands détails, un grand nombre d'édifices empreints du caractère général de la seconde. Il est diffcile d'établir une comparaison entre les édifices & habitations privés de l’ancienne Perse & ceux de la Perse moderne, attendu qu'il ne nous reste de la première aucun vestige appréciable; mais dans les monuments publics, le fait le plus frappant c'est le goût du grandiose, qui se perpétue dans la Perse à travers plusieurs siècles. Tout monarque persan, sous l'impression de la tradition qui lui rappelait avec admiration les splendeurs des palais des Cosroés, cherche à les égaler au moins; mais tandis que l’ancien culte persan se bornait à élever des pyrées, simples abris du feu sacré, le culte musulman se fait une gloire de construire des mosquées somptueuses ou des mausolées consacrés à la mémoire de saints personnages. Chez le musulman point de sculpture : le Coran, d'accord en ceci avec le sentiment général du monothéisme sémitique, lui défend toute représentation en relief d’un être animé; la peinture même se réduit dans ses édifices à une ornementation fantastique; les lignes droites de la Perse antique, les arcs des Sassanides sont remplacés par l'ogive & par les dômes d’une forme particulière; les dômes rappellent la tente arabe ou turcomane ou kurde ; logive représente assez bien l'ouverture d’entrée d'une tente, en sorte qu'on est autorisé à voir dans les dômes & dans les portes des mosquées, comme dans celles des habitations, la reproduction de la forme des habitations primitives des peuples nomades. Une observation se présente involontairement à l'idée de quiconque a suivi, dans ses variations politiques, A INTRODUCTION d'histoire de lAsie. Ces chefs de peuples nomades, Arabes, Kurdes, Turcomans, Mongols, habitant éternellement sous la tente, & qui n'avaient jamais connu dans leurs déserts que des abris de peau ou des huttes, ne sont pas plutôt en possession d'un pays conquis sur les habitants sédentaires, héritiers de quelques monuments, qu'ils rivalisent aussitôt de magnificence à qui construira pour lui & pour ses hordes les plus riches palais & les résidences les plus somptueuses. C’est ainsi que les Arabes ont rempli l'Égypte & l'Espagne de monuments sans pareils; c’est ainsi que la Perse doit à ses conquérants de l'Arabie & d’au delà de l'Oxus de beaux échantillons d'architecture publique & privée. Le présent ouvrage ne comprend les édifices que d’une partie de la Perse : il n’épuise pas tout ce que la contrée peut contenir de remarquable; mais ce qu'il offre sufhra, croyons-nous, pour faire apprécier le goût, l'élégance & souvent la grandeur de cette architecture. Le vaste empire de llran devient de plus en plus accessible à l’Europe; ses richesses naturelles engagent, dans son propre intérêt, à hâter l'établissement de rapports plus fréquents avec nous : des lignes télégraphiques sillonnent déjà la Perse; l'établissement de chemins de fer y est à l'étude; de grands personnages commencent à construire sur les penchants de l’Elborz des palais à l’européenne. Qui sait si, grâce à la tendance qui nous porte aujourd'hui à rechercher & à réunir les trésors de l’art de tous les siècles & de tous les pays, & à reproduire dans la construction de nos demeures tous les genres & tous les styles, quelques-unes de nos planches ne suggéreront pas à nos artistes l'idée de faire d’heureux emprunts à l'architecture quelquefois imposante & toujours élégante des Sefis & des Kadjars. A. DE BIBERSTEIN KAZIMIRSKI. MONUMENTS MODERNES EEE OP E RS E ISPAHAN De toutes les villes de la Perse, Ispahan est, sans contredit, la plus grande, la plus illustre & la plus célèbre. De même que dans l'antiquité Ecbatane, Suse, Persépolis, Rhagès, Ctésiphon, semblent inséparables des noms des Déjocès, des Assuérus, des Cyrus, des Darius & des Cosroës : de même, presque dès le moyen âge, le nom d'Ispahan s’identifie, pour ainsi dire, avec le vaste royaume des Chahs, ces monarques de la Perse que l'Europe se plaisait à appeler, il n’y a pas longtemps encore (très-improprement, du reste), du nom de Grands Sophis. Pour beaucoup de personnes même, Ispahan est toujours la capitale de la Perse, tant le nom de Téhéran, ville dépourvue de tout prestige historique & de tout éclat, & capitaie depuis quatre-vingts ans seulement, a de la peine à se fixer dans l'esprit du public occidental. Cette illustration & cette célébrité, Ispahan les doit, en Orient, à sa position géographique centrale, aux avantages incontestables de son climat, à son étendue, à ses ressources, à une suite d'événements qui s'y sont passés dès l’origine de l’islamisme, & enfin au grand nombre d'hommes illustres & savants, parmi les musulmans, qui y fleurirent à toutes les époques. En Europe, Ispahan doit sa renommée aux relations d’un grand nombre de voyageurs qui, attirés successivement par la curiosité, par l'esprit d'aventure ou de spéculation, quelquefois aussi par des motifs politiques ou religieux, à une époque où le vaste royaume de Perse brillait de quelque éclat, nous ont laissé des descriptions très-détaillées de cette ville & de ses splendeurs d'autrefois, bien évanouies aujourd'hui. Pour ne citer que les plus connus de ces voyageurs, nous nommerons ici Mandelslo, Texeira, Jean de Laet, Thomas Herbert, Oléarius, Pietro della Valle, Kaempfer, Tavernier, Thévenot, Chardin, Corneille Le Bruyn, le père Krusinski, Deslandes. De nos jours, Olivier, Dupré, Ker Porter, Sir William Ouseley, Buckingham, le D’ Brugsch, ont revu cette capitale & attesté son éclat d'autrefois. Comparée à cette longue série de voyageurs européens fournie par les trois derniers siècles, la liste des voyageurs & des géographes orientaux connus en Europe qui, depuis le xn° siècle de notre ère, ont donné une description d'Ispahan, est insignifiante tant par le petit nombre que par le peu de valeur des matériaux qu'ils nous ont 2 6 MONUMENTS MODERNES laissés. C'est donc dans les historiens orientaux seuls, Arabes ou Persans, que nous pouvons retrouver le passé de cette ville, depuis la conquète musulmane, & noter les vicissitudes qu'elle à subies, dans les temps où l'Europe n'avait presque point de rapports directs avec la Perse. Selon la division de la terre, suivie par les géographes orientaux, Ispahan est situé dans le IV° climat, & selon la division administrative adoptée en Orient depuis le règne des Khaliphes, elle fait partie de la province appelée l'Irak persan (Iraq Adjémi); limitrophe, à l'ouest, de l'Irak Arabique, dont la capitale est Bagdad; au nord, du Tabarestan, dont la capitale était Reï; au sud, du Fars avec sa capitale Chiraz, et à l’est, de la province de Yezd. Autrefois, & peut-être de temps immémorial, Ispahan donnait son nom à tout un territoire comprenant plusieurs cantons, bourgs & villages, dont les noms sont encore conservés dans quelques-uns de ses quartiers, de ses faubourgs & de ses portes. Yakout, auteur d’un dictionnaire géographique, composé dans la moitié du xur° siècle de notre ère (1), dit que l'étendue du territoire d'Ispahan était alors de 8o farsakhs er & que ce territoire renfermait seize cantons, comprenant trois cent soixante villages, sans compter les nouveaux, c'est-à-dire ceux qui venaient de se former presque de son temps. La ville elle-même, située d’après Olivier par 32°2434" de latitude nord & 40°30' au méridien de Paris, est assise dans une plaine qui s'étend à vingt lieues à lorient, à trois ou quatre à l'occident, à douze au nord & à deux seulement au midi; les montagnes, qu'on aperçoit de la ville, paraissent avoir peu d’élévation & elles ne sont, en effet, que des contre-forts de hauteurs plus considérables. Cette plaine est arrosée par le Zendéroud, rivière qui coule de l’ouest à l’est, passe au sud-ouest de la ville & la sépare de quelques-uns de ses faubourgs, entre autres de celui de Djulfa qui constituait, avec les autres parties de cette grande cité, la Tétrapole (comme l'appelle Pietro della Valle) de lIspahan d’Abbas le Grand. La rivière que nous venons de nommer s'appelle proprement Zaiendéroud (fleuve qui enfante, qui vivifie), mais la forme abrégée de Zendéroud (fleuve vivant) a prévalu dans le langage usuel & même chez des poëtes & des écrivains en prose persans. Les auteurs arabes ont altéré encore davantage la forme de ce nom qu'ils écrivent Zérenroud ou Zérinéroud (fleuve d’or), nom justifié, disent-ils, par les richesses qu’il répand sur son parcours. Chardin s'est trompé en disant que le Zendéroud prend sa source au nord d’Ispahan. Le Zendéroud a sa source au sud-ouest de cette ville, dans les montagnes du Grand Louristan, habitées par la tribu guerrière & barbare des Bakhtiaris. Sorti de la montagne appelée Kouhi Zerd (montagne jaune), canton de Djou-i-Serv, il passe sur le territoire bakhtiari de Roudbar, & de 1à à Firouzan, d’où il se dirige vers Ispahan. Telles sont les indications les plus précises d’un auteur, Hamdallah Mostowfi Kazwini, dans son chapitre sur les fleuves de la Perse. Sir William Ouseley (Travels, etc., 3 vol., 1821-1823), a ajouté à ces renseignements des informations qui introduisent quelques nouveaux noms propres dans le tracé du parcours du Zendéroud. D'après une note persane qui lui avait été communiquée, c’est dans les montagnes de Chamekha qu'il place la source de cette rivière; mais nous soupçonnons fort que ce mot chamekha, qui est arabe & qui signifie élevées, n’est ici qu'un adjectif & non pas un nom propre, & que c’est réellement le Kouhi Zerd qui donne naissance au Zendéroud, à un endroit appelé Tchar Tchechmeh (quatre sources). À la distance de 12 farsakhs de ces montagnes, poursuit la note communiquée à Sir William, on trouve, jeté sur le Zendéroud, le Pont des Crânes (Pouli Kelleh) construction très-élevée, à trois arches, située dans le territoire bakhtiari de Tchar Mahall (quatre places). Le Zendéroud traverse ensuite le district de Lindjan où l'on trouve un autre pont nommé Pouli Vargan : la distance entre ces deux ponts est de 6 farsakhs. Après trois autres farsakhs de parcours, le Zendéroud arrive à un endroit éloigné d’un demi-farsakh d’Ispahan, & passe sous le pont appelé Pouli Marnoun; puis il longe la ville, & se dirige dans la direction sud-est, vers le canton de Berahan; de là le fleuve coule vers Roui-Dechr, canton agricole, & enfin, après avoir traversé le village de Vardixeneh, dans ce même canton de Roui-Dechr, il disparait dans le sol, à un endroit appelé Gar-Khani. Le parcours total du Zendéroud, depuis sa source jusqu'à l’endroit où il se perd, serait, selon Olivier, d'environ soixante lieues. L'opinion généralement reçue & accréditée par les géographes orientaux est que le Zendéroud, après avoir ainsi disparu sous terre, reparaît dans la province de Kerman, d’où il poursuit son cours jusqu'au golfe Persique, & ces mêmes géographes ajoutent qu'on a acquis la certitude de ce fait en jetant dans la rivière, à Gav-Khani, un roseau reconnaissable à certaines marques, lequel a reparu au bout d'un certain temps, à l'endroit où la rivière elle-même reparaît dans le Kerman. Mostowfi Kazwini qui rapporte, après les autres, cette version, élève des doutes sur la valeur 1. Publié par M. Barbier de Meynard, 1861. 2. Le farsakh représente la valeur d’une bonne heure de marche à cheval. DEMI AMERSIE 7 de cette épreuve. Les voyageurs européens, toujours très-rares dans cette partie de la Perse, n’ont rien pu préciser, du moins que nous sachions, à cet égard. Comme tous les fleuves & les rivières de cette partie de l'Asie, le Zendéroud n’a pas un grand volume d’eau, & ce volume, qui varie selon les saisons, qui grossit considérablement après les pluies & diminue tout autant pendant l'été, est encore amoindri par les innombrables dérivations & les saignées que les Persans, très-entendus dans ce genre de travaux, pratiquent pour les besoins de leurs récoltes & de leurs nombreux jardins, bassins, canaux & jets d’eau, dans la ville & dans les campagnes. Aux époques de grandes pluies, le Zendéroud est aussi large que la Seine à Paris. Quoique la ville d'Ispahan trouve dans ses puits, creusés au milieu même des rues & dans l’intérieur des maisons, de l'eau excellente à boire, on vante généralement celle du Zendéroud : eau légère, salubre & possédant, à ce qu’on assure, la propriété de rendre le fil le plus dur aussi souple & aussi lisse que la soie. Un poëte arabe, aïigri sans doute contre les habitants de la ville, « ne regrettait en quittant Ispahan que cette eau douce, limpide & abondante qui coule au pied de la Grande Mosquée. » Un autre poëte, s'éloignant, probablement par les mêmes motifs, d'Ispahan, lui adressait ces adieux : « Je ne regrette d’Ispahan que son eau douce & limpide, le souffle de ses zéphyrs, les rafales de ses vents & son ciel toujours exempt de nuages. » Le témoignage flatteur, qui ressort de cette expression des regrets des poëtes, n’est point infirmé par les relations des voyageurs modernes. L'air &, en général, le climat d'Ispahan sont, encore plus que l’eau du Zendéroud, l'objet d’unanimes éloges. Les saisons y sont bien tranchées; l'hiver, sans être excessivement rigoureux, s'y fait assez vivement sentir; il commence en janvier & dure jusqu’à la fin de mars, avec des intermittences de neiges, de glaces & de vents : ces derniers règnent surtout en mars. Dès le mois d'avril, malgré les matinées très-fraiches, le printemps amène un soleil chaud & étend sur les rues, sur les jardins, sur les parterres un tapis de verdure & de fleurs. Mai & juin sont assez chauds, cependant chaque jour, dans laprès-midi, un vent léger empêche la chaleur d’être accablante. Les fortes chaleurs n’y viennent qu’en juillet & en août; néanmoins, même à cette époque de l’année, on en tempère l’action à l’aide des arrangements convenables pris dans toutes les maisons pour les aérer, les abriter contre les rayons du soleil ou les rafraîchir au moyen de jets d’eau. Les Persans racontent que Balkis, la reine de Saba, dont il est question dans le Koran (chap. xxvir, la Fourmi), se trouvant atteinte d’une maladie rebelle à tous les traitements, faisait rechercher, mais en vain, dans toutes les contrées du monde un climat favorable; heureusement le Livre de Sagesse de Salomon lui révéla qu’elle ne guérirait que dans un pays où toutes les saisons seraient bien tranchées, où les chaleurs & les froids, le beau temps & les pluies se succéderaient presque à jour fixe. On lui indiqua Ispahan comme étant ce pays heureux, & c’est dans le voisinage de cette ville que recouvra la santé cette reine éprise de la sagesse de Salomon. Les pluies ne commencent à Ispahan qu’au mois de novembre; les orages & les commotions des éléments, ainsi que les tremblements de terre, y sont rares. Un fait remarqué par tous les voyageurs & que les auteurs de cette publication ont pu constater eux-mêmes, c’est la grande sécheresse de l'air à Ispahan. On n’y connaît ni brouillards ni rosées, & un morceau de flanelle, laissé à l'air pendant toute la nuit, est retiré au jour aussi sec qu'il l'était la veille. Chardin, qui a habité Ispahan pendant dix ans, dit expressément que le fer n’y connait pas la rouille. Le blé, que lon conserve dans les silos, n'y contracte aucune humidité & n’est pas attaqué par les charançons; les pommes sy conservent bonnes toute l'année, & la viande cuite peut être gardée pendant plusieurs jours sans se gâter. On entend souvent dire aux Persans que l'air d’Ispahan est tellement sec que les cadavres s'y dessèchent plutôt qu'ils ne tombent en putréfaction. Ceci n’est pas tout à fait une métaphore, ce dicton paraît s'appuyer sur un certain nombre d'observations; car Yakout, géographe du x siècle, après avoir vanté l'air sec d'Ispahan, ajoute que, ayant questionné à ce sujet des personnes dignes de confiance, on lui a répondu : qu'en effet, dans un cimetière d'Ispahan, situé au Mocçella, près de Takhu-Poulad, les corps des morts se conservaient intacts, depuis des siècles peut-être; mais que cette observation ne s’appliquait pas également à toutes les localités de la ville. Cette remarque de Yakout mérite d’être notée. La conservation des corps morts serait, dans ce cas, due à quelque propriété particulière du terrain, & Ispahan ne serait pas le seul lieu où ce phénomène ait été observé. Une autre circonstance qui confirmerait assez l'opinion qu'on a généralement de la salubrité de l'air d’Ispahan, c’est que des cimetières ont toujours existé dans l’intérieur de la ville sans que l'air en füt vicié. La ville d'Ispahan & le territoire qui l'entoure sont extrêmement favorisés sous le rapport des produits végétaux de toutes sortes. Les jardins, les vergers, les champs, fournissent avec une abondance constante des fleurs, des fruits, des légumes, des céréales, fait qui paraîtrait au premier abord incompatible avec la rareté 8 MONUMEMTS MODERNES des pluies & le peu d'humidité du terroir, si lon ne savait pas que les Persans en général & les habitants d'Ispahan en particulier y suppléent par des irrigations pratiquées sans cesse avec soin & intelligence, & qu'ils ont grand soin de fumer leurs terres avec toutes sortes d'engrais. Chaque jour, dès le matin, au printemps & en été, les jardins & les parterres d’une maison sont inondés & couverts d’une nappe d'eau qui descend dans le sol, y active la végétation des arbres, des plantes & des fleurs, & les fait grandir dans l’espace de quelques jours. Quant aux engrais, indépendamment de ceux des bestiaux & des matières que fournit la ville & que les habitants n'ont jamais manqué d'utiliser, on y tire grand parti de nombreux colombiers entretenus dans ce but aux environs. Kinneir (Geografical Memoir of Persia) assure que dans le canton de Lindjan on a vu tel colombier rapporter à son propriétaire 7$,000 francs par an. Il ajoute que c’est sur les terrains fumés avec de la fiente de pigeons que vient cette espèce de melons d'Ispahan si renommée pour son parfum exquis. La liste des produits végétaux d’Ispahan est assez longue; à l'exception du seigle & de l’avoine qui sont inconnus en Perse, presque tout y réussit à merveille; les champs produisent le blé, le riz, le tabac (moins bon cependant que celui de Chiraz), le sésame, la garance, le coton, toutes sortes de légumes & une grande variété de fruits. Les melons & les melons d’eau, tous les deux à chair verte, blanche ou rose, parfumés & sucrés, n’ont pas leurs pareils; les figues, les cerises, les prunes, les poires, les amandes, les pistaches, les châtaignes, les noix, y sont très-communes; les pommes, dont une variété a dix côtes alternées, cinq plus hautes que les cinq autres; les pêches & les abricots, d’une espèce particulière, y sont très-vantés, & les coings sont, de laveu d'Olivier, préférables à ceux du midi de la France. En effet, les coings d’Ispahan peuvent se manger au couteau comme les poires. Les citrons & les oranges ne viennent pas à Ispahan, le froid en hiver y étant trop vif pour ces deux fruits, & les grenades n’y sont pas aussi bonnes qu'à Sava, ville plus rapprochée de Téhéran; mais cette particularité même, comme le font observer les auteurs persans, est une preuve à l'appui de la bonté de l'air d'Ispahan; car Sava, où ce fruit réussit le mieux, est connu pour son air malsain. Le raisin compte à Ispahan plusieurs variétés très-estimées. Parmi les végétaux d’Ispahan, n'oublions pas de nommer le platane (rchenar), arbre magnifique, orgueil de la ville, & dont on voit encore des avenues entières plantées du temps d’Abbas le Grand, au commencement du xvii siècle. Le règne animal n’y offre rien de remarquable, bien que le gros bétail y réussisse mieux que sur d’autres points de la Perse. La plaine autour d’Ispahan, comme celle de Sultanieh, abonde en gerboises que les Persans appellent mouchi sahhraü, rat de plaines. Les environs d’Ispahan sont riches en gibier de toute espèce; les bêtes féroces y sont assez rares, sauf les chacals qui ne manquent jamais aux alentours des grandes villes. Si vous habitez la lisière de la ville, à la tombée de la nuit, des cris pareils aux vagissements des enfants nouveau-nés vous arrivent de tous les côtés à la fois & se prolongent pendant un certain temps: ce sont les cris des chacals qui hantent les cimetières. Les insectes & les reptiles sont assez rares à Ispahan. Ispahan a compté de tout temps parmi les villes renommées pour la fabrication de certains articles de commerce qui trouvent un débouché dans les contrées limitrophes. Les sabres d'Ispahan ont passé longtemps pour les meilleurs, le cuivre y est encore bien travaillé & en grande quantité; les étoffes de soie : damas, satins, brocarts, velours, taffetas, étoffes rayées, s'y fabriquent encore, malgré la concurrence de Kachan dans tout ce qui concerne les soieries; les mousselines, les étoffes grossières & fines de coton, les perses (kalemkari) bon teint & à dessins variés; les cosmétiques & les articles de toilette; les voiles & voilettes pour femmes; les draps, le papier, le verre de couleur pour vitrages, le sucre, les tuyaux de pipes, les kalians ou pipes à la persane; les ustensiles de ménage, &c., y emploient bien des bras, car l’usage des machines à vapeur n’y a pas encore pénétré, & l'outillage reste encore ce qu'il était il y a des siècles. Tous ces articles constituent l'industrie d’Ispahan & des environs. On y fabrique aussi avec beaucoup de goût les écritoires (kalemdans), les boîtes, les étuis & les couvertures de livres, ouvrages particuliers aux Persans, ornés de peintures ou de fleurs, & connus sous le nom de djuyy-kéchi. Ce genre de travail, dans lequel les Persans excellent, n’a jamais pu être imité avec succès en Europe. De tous temps, Ispahan a été célèbre par ses calligraphes. On cite les plus beaux manuscrits arabes & persans comme exécutés dans cette ville. N'oublions pas les faïences d'Ispahan, industrie aujourd'hui ruinée, mais qui à fourni, il y a deux siècles, toutes ces briques émaillées de diverses couleurs qui donnent tant d'éclat aux édifices de ces temps. Tous ces avantages de la position & du climat, toutes ces ressources qui paraissent, depuis un temps immémorial, avoir attiré l'attention des contrées d’alentour, ont donné à Ispahan une renommée & une . . . : z . ns . À À pese Qrex supériorité incontestables; &, l'exagération habituelle aux Orientaux se mêlant à un amour-propre local justifié DE LA PERSE 0 en quelque sorte par l'adhésion des étrangers, les Ispahanais se sont crus autorisés à dire: Esfahan nesfi djehan, « Ispahan est la moitié du! monde, » & à affirmer que « l'on trouve tout à Ispahan, même les choses introuvables dans le reste de l’univers, même du lait d'oiseau, & l'âme humaine (l’immatérielle, l'insaisissable). » Der Esfahan chiri morgho djani adem peida michèvèd; ce sont les mots dans lesquels on leur entend souvent résumer les éloges de leur ville. A côté de ces dictons, si expressifs dans leur exagération même, on trouvera bien modestes & bien froids les éloges que prodigue à lIspahan du xn° siècle un des célèbres poëtes persans, Khakani, qui s’'écrie : « Le Nil est moins que le Zendéroud, & la capitale de l'Égypte ne vaut pas Djeï (nom antique d’Ispahan); le Caire n’est qu'une brebis amenée en offrande au souverain d’Ispahan. » Bien avant la plus brillante période de son existence, celle du xvi° & du xvu° siècles, Ispahan était déjà considérée comme une ville très-considérable & jouissait d’une grande renommée. Benjamin de Tudèle, qui la visitée au xn° siècle, en parle comme d’une grande capitale de douze milles d’étendue, & Ebn-Batouta, voyageur arabe africain du xiv° (1), qui a parcouru le monde depuis les extrémités de l'Afrique jusqu'aux confins de la Chine, la considère comme une des plus grandes & des plus belles villes. Mais il fait observer que la majeure partie est déjà en ruines par suite des discordes qui régnaient entre les deux sectes des sunnites (les orthodoxes) & des rafézis (les hétérodoxes), se combattant sans cesse avec acharnement, comme le faisaient un siècle auparavant, du temps de Yakout, les chaféites & les hanéfites, deux rites de la même secte. Ces querelles continuelles ne parlent pas beaucoup en faveur du caractère des habitants d'Ispahan, & si tous les voyageurs & les écrivains orientaux & européens s'accordent dans l'éloge qu'ils font de la position, du climat, des ressources & des agréments de la ville, les opinions varient sur le caractère de ceux qui l'habitent (2). D'après la croyance des musulmans du moyen äge, l'antechrist (Dedjdjal) doit paraître à Ispahan, & c’est sans doute à cette légende que le panégyriste déjà cité d’Ispahan, le poëte Khakani, fait allusion lorsqu'il s'écrie : « L'antechrist est relégué au fond du puits, c’est Jésus le Messie qui se promène dans les rues d'Ispahan (3). » Ce qui est certain, c’est que de tout temps les Ispahanais ont été turbulents, mutins, portés au désordre & aux rixes, & nous verrons, dans le résumé historique qui va suivre, qu'ils ont plus d’une fois expié ces défauts par de sanglants sacrifices ou par de cruels châtiments. En dehors de tout motif politique, Ispahan a vu d’abord aux prises, les uns avec les autres, les partisans du rite chaféite & ceux du rite hanéfite, tous deux, comme nous venons de le dire, orthodoxes; plus tard, c'étaient les sunnites & les chiites qui se combattaient avec acharnement, & lorsque, après l’avénement de la dynastie de Sefis, presque toute la Perse fut convertie à la croyance chiite, on a vu surgir à Ispahan des querelles & même des luttes sanglantes entre deux partis appelés, lun Name ou Na’mer-Oullahi, l'autre Heideri, partis qui existent encore aujourd’hui. Les Na’meri & les Heïderi sont deux sectes de derviches : les premiers appelés ainsi du nom d’un santon, Naœmert-Oullah, dont le tombeau est un objet de vénération dans le Kerman; les seconds probablement aussi du nom d'un autre ascète appelé AHeïder. Il a sufh sans doute que, dans une circonstance quelconque & à propos d’un sujet futile, une partie de la population prit le parti des derviches Na’meti, pour que la partie opposée se prononcçàt en faveur des Heideri, Il ne se passait presque aucune fête ou réjouissance publique sans que le concours du peuple, mettant en présence les deux partis, donnûât lieu à une rixe qui dégénérait bientôt en bataille réglée. Telle de ces querelles a coûté la vie à des centaines de personnes. La plupart du temps ces combats se livraient à la fronde, arme que les gens du peuple, en Perse, savent, même de nos jours, manier avec une dextérité étonnante. L'auteur de l'Histoire des révolutions de Perse, qui a résumé dans son ouvrage les récits du père Krusinski, appelle les deux factions opposées à Ispahan du nom de Peleng & Feleng, & dit (4) qu'en 1714 il s’éleva entre elles une rixe tellement violente, qu'on fut obligé d'employer la troupe pour les séparer, & que trois cents personnes succombèrent avant qu'on eüt pu rétablir la tranquillité. Le nom d’Ispahan s'écrit & se prononce en persan, d'après une orthographe arabisée, Esfahan, sauf que les Ispahanais, qui donnent invariablement à la syllabe an la prononciation de oun, le prononcent Esfahoun. L'étymologie du nom est loin d'être certaine. Yakout, que nous avons eu déjà l'occasion de citer, rapporte plusieurs opinions à ce sujet. Maïs si l'on se décidait à expliquer ce nom d’après les formes du persan moderne, l'explication la plus plausible serait que sepahan signifiait soldats, armée, & que la grande ville a été bâtie sur (x) Vol. IT, p. 43, édit. Défrémery & Sanguinetti. (2) Il y en a même qui la signalent comme une ville où le relâchement de mœurs a été porté au dernier degré. (3) V. le texte dans Spicegel, Chrestomathia persica. (4) Vol. I, p. 53-56. 10 MONUMENTS MODERNES l'emplacement d'un camp. Le livre le plus ancien où il soit fait mention d'Ispahan est le Bundeïech, livre sacré en langue pehlevie du temps des Sassanides; il y est dit : « La montagne Bakhran est dans Sepahan, & le Khreiroud (ancien nom du Zendéroud) est dans Sepahan. » Ce qui prouverait non-seulement que le nom de la ville est ancien, mais encore que, comme plus tard, ce nom s'étendait aussi à tout un territoire. Les auteurs de l'antiquité classique, dans lesquels on retrouve les noms de plusieurs villes de la Médie, de la Parthie & de la Perse, ne font aucune mention d’Ispahan; seul Ptolémée, dans ses Tables, cite Aspadana, en la plaçant par 33° 38’ latitude nord (1). Cette latitude diffère de celle que nous avons indiquée plus haut, ia véritable (32°24 34"); mais, ainsi que le fait observer Karl Ritter (2), la différence est trop petite entre les deux pour qu'il ne soit pas permis de considérer la latitude de Ptolémée comme s’appliquant à Ispahan. Ptolémée écrivait au n° siècle de notre ère, & ce serait, en effet, au début du règne des Sassanides qu'Ispahan commencerait à compter parmi les principales villes de la Perse. Les Persans, qui aiment à faire remonter la fondation de leurs villes à des souverains de la plus haute antiquité, donnent pour fondateur à Ispahan Djemchid, lun des Pichdadiens; mais il est presque inutile de dire que leurs assertions ne reposent sur aucune autorité. Ferdowci, auteur du Chahnameh, qui vivait au xi° siècle de notre ère, & que l’on doit citer quand on ne peut produire sur lancienne histoire de Perse aucune autorité plus positive, raconte que, lorsque la tyrannie de Zohac exaspéra tous ses peuples, ce fut un forgeron d'Ispahan nommé Kaveh qui, arborant son tablier en guise d'étendard, rallia autour de lui les insurgés, chassa l’oppresseur & fraya le chemin du trône à Fereïdoun, rejeton des anciens rois (3). C'est en souvenir de cet acte patriotique, dit Yakout, que le tablier de Kaveh fut conservé pendant des siècles comme une relique, & que, sous les Sassanides (depuis le n° jusqu'au vn° siècle), le droit de le déployer à la guerre appartint au contingent fourni par la ville d’Ispahan. Ces données sur l'antiquité du nom d’Ispahan s'accordent peu avec d’autres dont il est nécessaire de tenir compte, & que nous allons reproduire d’après Yakout : « Ispahan, dit-il, était anciennement la ville connue sous le nom de Djei, sur l'emplacement de laquelle s'élève maintenant le Chehristan, l’un des faubourgs. Bakht-Nasz (c'est ainsi que Nabuchodonosor est nommé par les Arabes), après la prise de Jérusalem, transporta en ce lieu tous les prisonniers juifs, & ceux-ci construisirent auprès de l'antique ville de Djei un quartier qu'ils habitèrent, & qui reçut, pour cette raison, le nom de Yehoudiièh, la Juiverie. Après un nombre considérable d'années, Djei fut ruinée, & il n’en resta qu'une petite portion, tandis que Yehoudiièh s'agrandit & devint la ville moderne d'Ispahan. » Voilà tout ce que les auteurs arabes & persans nous apprennent sur les origines d'Ispahan. Djei a été effectivement le nom d'Ispahan ou d'une partie d'Ispahan, à tel point que les deux noms s'employaient indistinctement chez les poëtes persans pour désigner lspahan plus moderne, comme nous lavons vu par un vers de Khakani, cité plus haut. À notre avis, on peut admettre presque avec certitude que le nom d'Ispahan est ancien, qu'il date du temps des Sassanides ou même d'avant cette dynastie; que les noms de Djei & d’Yehoudiièh désignaient deux grandes divisions d'Ispahan, & que le premier, s'appliquant à un quartier composé plus exclusivement de Perses, s'employait aussi pour dénommer toute la ville. Les écrivains arabes les plus anciens, en parlant de la conquête de la Perse par les musulmans, nomment expressément Djei & Yehoudiièh; mais cette distinction paraît se perdre bientôt pour faire place au seul nom d'Ispahan. Sir W. Ouseley nous fait connaître un détail qui se rapporte à l'époque de cette conquête, & qu'il a puisé dans un ouvrage arabe fort rare, intitulé : « Livre des conquêtes, » composé par Ebn A’cim de Koufa. Cet auteur, qui a vécu au vin* siècle de notre ère, dit que, lorsque le dernier souverain des Sassanides eut à combattre l'invasion des Arabes à Nehavend, son armée, sur ce champ de bataille, se montait à cent cinquante mille hommes, et qu'Ispahan, probablement y compris son territoire, lui avait fourni un contingent de vingt mille combattants. La conquête d'Ispahan eut lieu, sous le khaliphe Omar, selon les uns en 19 (641 de J.-C.), selon d'autres en 23 de l’hégire (645 de J.-C.). Après la bataille de Nehavend, racontent les historiens arabes de Koufa (4), Abed-Oullah-ben-Otbah, lun des généraux arabes, se dirigea vers Djeï, où s'était renfermé le gouverneur de cette ville nommé Kadouskan. Après plusieurs combats, ce prince proposa, dit-on, au chef arabe un combat singulier qui devait décider du sort de la ville. Abed-Oullah accepta ce duel, fut désarçonné, 1) Ptolémée, VI, cap. vi. (1) (2) Asie, vol. IX. (3) Chahnameh où Livre des Rois. publié & traduit par M. J. Mohl. Vol. I. (4) Yakout, p. 46. DEP ÉSRIERISE 11 mais se releva aussitôt & proposa de recommencer la lutte; mais Kadouskan, reconnaissant probablement combien il était inutile d’opposer une plus longue résistance à une invasion déjà victorieuse à Kadeciah & à Nehavend, offrit de se soumettre moyennant certaines conditions. Elles furent plus douces que celles que les conquérants imposaient ordinairement aux villes emportées de vive force. Ispahan consentit à payer dorénavant, au trésor des khaliphes, le kharadj ou impôt foncier, au lieu d’une capitation (djexüeh), &, de plus, tous ceux qui désiraient émigrer pour ne pas embrasser l’islamisme, en obtinrent la permission. À partir de cette époque, lirak persan & sa capitale Ispahan étaient administrés par des gouverneurs- lieutenants des khaliphes, d’abord Ommiades, ensuite Abassides. Lorsqu'en 186 de l'hégire (803 de J.-C.), Haroun-er-Rechid résolut de partager son empire entre ses deux fils Amin & Mamoun, Ispahan devait échoir à ce dernier avec tout le Fars, le Kerman & toutes les provinces situées au nord & à l’est de l'Irak persan. Mamoun ayant succédé ensuite à son frère comme khaliphe, Ispahan & tout lIrak furent de nouveau administrés par des gouverneurs envoyés de Bagdad, & cet état de choses dura jusqu'à la moitié du mm° siècle de Fhégire (vers 860 de J.-C.), époque à laquelle, par suite de l’affaiblissement de l'autorité des khaliphes, commencèrent à s'élever de tous côtés des dynasties éphémères plus ou moins puissantes, se succédant les unes aux autres jusqu’à la grande invasion des Tartares. La première de ces souverainetés, qui reconnaissaient toutes cependant la suprémaie des khaliphes, fut celle des Soffarides. Le second prince de cette dynastie, Amr, fils de Leïs, s’empara d'abord d’Ispahan, comme il l'avait fait du Fars & du Khorassan; mais jugeant ensuite à propos de légitimer son autorité, il se réconcilia avec le khaliphe Mo’temed-billah, & obtint de lui un diplôme qui la lui conférait régulièrement; maïs Ispahan ne paraît pas avoir été la capitale des Soffarides : le centre & le pivot de leur puissance se trouvaient dans le Seistan, d'où ils tiraient leur origine. Ceci se passait en 267 de l'hégire (880 de J.-C.). Ce même Amr, fils de Leis, attaqué par Ismaïl, premier prince de la dynastie des Samanides, qui venait de sélever dans le Maverannahr (la Transoxiane), fut fait prisonnier & envoyé à Bagdad au Kkhaliphe Mo’tazed-billah, qui s'empressa de donner à Ismail l'investiture d’Ispahan en 279 de lhégire (892 de J.-C.), exactement comme Mo’temed lavait accordée aux Soffarides. Les Samanides, occupés constamment dans les pays voisins du Djeïhoun (lOxus), ne paraissent pas avoir retenu longtemps l'autorité dans lIrak persan; car dans l'année 292 de l’hégire (008 de J.-C.), nous trouvons à Ispahan Mozaffer, fils de Yakout, gouverneur de cette ville pour le compte du khaliphe Moktedir-billah, & ce gouverneur en est bientôt chassé par un chef alors très-entreprenant du Tabarestan, nommé Merdavidj, lequel, à son tour, cède la place à Aboul-Hassan-Ali, fils de Boweih (ou Bouia), premier prince de la dynastie des Bouides. Aboul-Hassan-Ali, décoré par le khaliphe du titre de Émad-oud-Dowleh (colonne de l'empire), fut donc, en 324 de l’hégire (036 de J.-C.), en possession d’Ispahan, ainsi que du Fars; & sa famille, partagée en trois branches issues des trois fils d’Abou-Choudja”-Boweih (Bouia), gouverna avec éclat pendant cent ans toutes les provinces persanes, depuis la mer Caspienne jusqu’au golfe Persique, sans parler des territoires conquis dans l’ouest. Cette dynastie s'appelle aussi Deïlemite, du pays montagneux de Deïlem, voisin de Kazwin Émad-oud-Dowleh, s'étant établi à Reï, envoya son frère Rocn-oud-Dowleh à Ispahan. C’est ce dernier prince, mort en 366 de lhégire (076 de J.-C.), qui entoura Ispahan d’un mur d'enceinte, probablement le même qu'on voit encore autour de cette ville. Son fils Azad-oud-Dowleh-Fenakhosrow ayant succédé à toute son autorité, la ville d’Ispahan, avec son territoire, fut plus spécialement la résidence de Moueïid-oud-Dowleh, le plus jeune des fils de Rocn-oud-Dowleh, mais elle n'était pas la capitale des États des Bouïdes, Reï, Chiraz & Hamadan se partageant tour à tour cet honneur. Lorsque, au commencement du v°siècle de l’hégire, Mahmoud le Ghaznevide, un des célèbres conquérants de lAsie, s'empara successivement de tout le Khorassan & de l'Irak persan, Ispahan se soumit à son autorité & fut donnée pour résidence à son fils Masoud en 421: de l'hégire (1030 de J.-C.). C'est de là que ce dernier se rendit en toute hâte à Ghazna pour disputer le trône à son frère après la mort de Mahmoud. C'était en 424 de lhégire (1033 de J.-C.). Mas’oud, en s’éloignant d'Ispahan, confia le gouvernement de ce pays à Ala-oud-Dowleh, fils de Kakou & oncle maternel du Bouide Medjd-oud-Dowleh, à l'autorité duquel Mahmoud venait de mettre fin trois ans auparavant. Mais les Deïlemites avaient trop d'influence dans toutes ces contrées pour que Ala-oud-Dowleh se contentât d’un rôle subalterne. Aussi, pendant que Masoud est occupé du côté de Ghazna, les Deïlemites s'emparent d'Ispahan, & nous trouvons cette ville sous l'autorité d'Abou-Mansour, fils d’Ala-oud-Dowleh, au moment où le puissant monarque seldjoukide Toghroul-beg (le Tangrolipix des chroniqueurs byzantins) se présenta sous ses murs en 422 de l'hégire (1050 12 MONUMENTS MODERNES de J.-C.). Après un siége qui dura toute une année, Toghroul-beg y entra le premier jour de l'an 443 de lhégire (roçi de J.-C.), & ïl fut tellement ravi de l'aspect d'Ispahan, qu'il y établit sa capitale. Elle continua à jouir de cette prérogative sous les quatre premiers Seldjoukides, Toghroul, Ouloup-Arslan (1), Melek-Chah & Barkiarok. Le cinquième prince seldjoukide Mohammed, mort en $11 de lhégire (1117 de J.-C.), résidait aussi à Ispahan. Sultan Sandjar, sixième prince seldjoukide, fils de Melek-Chah, succédant au trône, trouva dans son neveu Mahmoud un compétiteur & le défit; quand, cependant, Mahmoud reconnut l’autorité suprême de son oncle, le magnanime Sandjar lui laissa l'Irak persan avec Ispahan, à condition seulement que dans les prières publiques son nom füt prononcé avant celui de Mahmoud. A cette époque, Ispahan ne fut plus la capitale du prince suzerain, Sultan Sandjar étant forcé, à cause de ses fréquents démêlés avec des tribus turcomanes, de résider tantôt à Balkh, tantôt à Merv. Sandjar meurt en $$2 de l’hégire (1157 de J.-C), & c’est de cette époque que date le déclin de la puissance des Seldjoukides de l'Asie orientale. Mas’oud & ses successeurs ne sont plus que des princes de lIrak persan, & résident tantôt à Ispahan, tantôt à Reï, & tantôt à Hamadan. Cette branche des Seldjoukides finit de nom à Toghroul, $oo de lhégire (1194 de J.-C.); mais son autorité avait été déjà depuis longtemps éclipsée par celle des Atabeks, tuteurs des derniers Seldjoukides, qui appelaient même à leur aide contre leur maître les Chahs du Kharezm. Un de ces princes, Tekech-Khan, cinquième prince de Kharezm, envahit en ç90 de l'hégire l'Irak persan, & confia le gouvernement d’Ispahan à un des Atabeks, Koutlouk-Inanedj, & plus tard à un de ses propres petits-filss On peut donc regarder Ispahan comme relevant à cette époque de la souveraineté des Chahs du Kharezm, souveraineté bien éphémère dans cette partie de la Perse, car ces princes commençaient déjà à lutter, pour leur propre existence, contre le torrent de l'invasion de Djenguiz-Khan. Elle finit bientôt, en effet, dans la personne du plus héroïque de ses princes, Djelad-oud-din Monogbourni (2). Infatigable dans la lutte, ne se laissant pas abattre par des revers mélés, il est vrai, de succès, ce prince, à peine refoulé au delà de l’Indus, revient bientôt en Perse, y réunit un corps de troupes & la conquiert en grande partie. En 622 de lhégire (122$ de J.-C.), Ispahan est sa capitale, & lorsque, à la suite d’une bataille livrée dans l'Azerbaïdjan aux Tartares, en 62$ de l'hégire (1228 deNeC)Eil est mis en fuite, il se rend avec précipitation à Ispahan & y punit quelques officiers qui avaient manqué à leur devoir, en les faisant promener à travers la ville en habits de femme. Mais les Tartares envahissent successivement toutes les contrées de la Perse; la lutte devient impossible : Monogbourni disparait de la scène, sans qu'on sache exactement où & de quelle manière il a terminé son étonnante carrière. L'invasion des Tartares, qui laissa partout sur son passage des ruines & des flots de sang, n'épargna pas Ispahan. Cette ville subit, en 637 de lhégire, un affreux massacre où périt un poëte renommé alors, Kemal Ismaïl. Les contrées du Fars & de l'Irak persan, par conséquent Ispahan & Chiraz, restèrent encore pendant plus de quarante ans sous lautorité des Atabeks de la famille de Solghour; mais ces princes n'étaient en réalité que des vassaux de Houlakou & de ses descendants. À l'extinction de la lignée des Atabeks Solghour, en 686 de l'hégire (1287 de J.-C.), Ispahan n'était qu'une ville de province administrée par des gouverneurs qu'y envoyaient les Djenguizkhanides, dont la capitale était Bagdad ou Meragha, Tebriz ou Sultanieh. Lorsque la dynastie de Houlakou, petit-fils de Djenguiz-Khan, fit place, de fait, à celle des Ilkaanis, Melek- Achraf, successeur de Cheikh-Hassan le Grand, porta ses vues sur les provinces de l'Irak persan, &, en 748 de lhégire (1347 de J.-C.), à la tête de cinquante mille chevaux, se dirigea vers Ispahan pour s'en emparer. A cette époque, cette ville reconnaissait l’autorité d'un Djenguizkhanide, Cheikh-Abou-Ishak, maître de Chiraz. Deux de ses généraux ayant réussi à tenir encore pendant quinze jours contre les forces de Melek-Achraf, ce dernier traite avec la ville aux conditions suivantes : le nom du souverain légitime Nouchirvan, au nom duquel Melek-Achraf était censé stipuler, devait être toujours prononcé le premier dans les prières publiques ; en outre, les Ispahanais consentaient à donner à l'ilkaani Melek-Achraf la somme de dix mille dinars d’or, ainsi que des produits les plus précieux de leur industrie pour la valeur d’une somme de dix mille dinars, ce qui, pour une ville aussi considérable, pouvait être regardé comme une contribution très-modérée. Melek- Achraf s'éloigna alors du côté de l'Azerbaïidjan. Le second prince ilkaani, Aveis, neveu de Melek- Achraf, qui succéda à son père, Cheïkh Hassan le (1) L'orchographe Alp-Arslan est depuis longtemps adoptée en Europe, mais elle est incorrecte, c’est Ouloup-Arslan qu’on dit toujours en Perse. (2) L'orchographe Mangberni, adoptée ordinairement dans les ouvrages européens, est également incorrecte. Il faut prononcer ce nom Monogbourni, mot turc qui signifie un homme qui a une loupe au nez. DE LA PERSE 13 Grand, en 757 de lhégire (1357 de J.-C.), établit bientôt son autorité dans une grande partie de llrak persan, & ly conserva jusqu'à sa mort, en 776 de l'hégire (1374 de J.-C.); mais ce ne fut pas sans avoir à combattre les princes de la dynastie des Mozafférides qui, s'étant rendus maîtres du Fars vers l'an 754 de lhégire (1353 de J.-C.), cherchaient à étendre leurs conquêtes dans l'Irak & dans lAzerbaïdjan. Le premier prince de cette dynastie, l’'émir Mohammed, s’empara d’Ispahan avec l’aide de son fils Chah-Choudjà en 758 de lhégire (1356 de J.-C.). Il en fit sa capitale; il termina même sa vie dans la citadelle, nommée Taberek, où l'avaient jeté ses fils & un de ses cousins, aigris par ses procédés durs & blessants. Chah-Choudjà, son fils aîné, qui lui succéda, choisit Chiraz pour sa capitale. Il mourut après vingt-cinq ans de règne, en 786 de Fhégire (1384 de J.-C.). À cette époque le fameux Timour-Beg, plus connu en Europe sous le nom de Tamerlan, avait déjà conquis la plus grande partie de lAsie orientale; & comme il était évident qu'il ne manquerait pas, en marchant sur les traces de Djenguiz-Khan, d'envahir toute la Perse, Chah-Choudjà, se sentant au déclin de la vie, lui adressa une lettre touchante dans laquelle il lui recommandait sa postérité menacée dans ses États par les Ikaniens. Timour se montra très-sensible à cette démarche, & aurait sans doute étendu sa protection sur les Mozafférides, si ceux-ci n'avaient pas eux-mêmes accéléré leur ruine par leur hostilité envers le conquérant du monde. Aussi la dynastie des Mozafférides cessa-t-elle d'exister en 790$ de l’hégire (1393 de J.-C.). À cette hostilité se rattache un événement mémorable dans l’histoire de la ville d'Ispahan. Lorsque Timour s’approcha de l'Irak persan, il envoya auprès de Chah Zein-oul-A’bedin un agent chargé de rappeler à ce prince certaines conditions convenues avec son père Chah Choudjà, en y joignant l'invitation de se rendre à une entrevue. Mais Zein-oul-A bedin non-seulement chercha sous différents prétextes à éluder cette invitation, mais encore il emprisonna l’envoyé de Timour. Le conquérant de l'Asie n'eut pas plutôt été informé d’un procédé aussi étrange, qu’il résolut la conquête du Fars & se mit aussitôt lui-même, en automne de 789 de l’hégire (1387 de J.-C.), en marche vers Ispahan. Dès qu'il parut devant cette ville, le gouverneur Seiid-Mozaffer Cachi (de Cachan), oncle maternel de Zein- oul-A’bedin, accompagné de notables, s’empressa de lui offrir ses hommages & fut accueilli avec bonté. En même temps la citadelle Taberek fut remise à Timour, qui y plaça une garnison, & retourna dans son camp établi dans le voisinage de la ville. Là, il ordonna que tous les chevaux & toutes les armes qui se trouvaient à Ispahan fussent livrés à ses officiers, & que les portes de la ville fussent occupées par ses troupes. Les autorités municipales se rendirent bientôt après au camp afin de convenir de la somme que la ville aurait à payer. Les conditions ayant été acceptées de part & d'autre, les Ispahanais demandèrent qu'on désignât aussitôt les ofliciers chargés de percevoir la somme convenue. Timour retint les notables dans son camp & envoya quatre de ses généraux, pour surveiller la perception de la contribution. Mais il arriva que les agents subalternes chargés dans les différents quartiers de la ville de faire rentrer les sommes, mettant une rigueur excessive dans l'exécution des ordres reçus & y ajoutant encore des injures & des insultes, la population exaspérée de ces excès courut aux armes, &, sous la conduite d’un de ses concitoyens, Ali Koutchehpa, résolut de châtier les oppresseurs. Un certain nombre des agents de Timour furent victimes de la fureur populaire; quelques-uns trouvèrent cependant protection auprès des habitants plus réfléchis. Ce ne fut pas tout : bon nombre de soldats & d’autres individus du camp de Timour s'étant, sur ces entrefaites & sans se douter de ce qui se passait, aventurés dans la ville, se trouvèrent cernés par les insurgés, coupés du reste de l’armée & mis en pièces; leur nombre se montait à trois mille, parmi lesquels un général. Les postes que Timour avait fait placer aux portes de la ville furent chassés & la population se mit en mesure de les fortifier. Le lendemain, dès que Timour apprit ces événements, son indignation ne connut plus de bornes; il fit marcher aussitôt ses troupes contre la ville pour la châtier. Les habitants de leur côté résolurent de se défendre & déployèrent dans cette circonstance une grande énergie, beaucoup de courage & de dévouement. Ils tuèrent un grand nombre de soldats de Timour &, entre autres, deux chefs d’un rang élevé. À la fin, toutefois, la ville fut prise, & Timour, ayant admis seulement une exception en faveur des mollahs & des quartiers de la ville où ses agents avaient trouvé protection contre la fureur du peuple, ordonna le massacre général. Et pour que ses ordres ne fussent pas éludés, chaque détachement de l'armée, depuis celui de dix mille hommes jusqu'à celui de cent, devait produire sa part proportionnelle de têtes coupées, ce dont les contrôleurs & autres officiers du commissariat devaient tenir une note exacte. C'est en s'appuyant sans doute sur des documents officiels de ce genre, qu'on a évalué le nombre des habitants massacrés dans cette journée (le 6 de Zilkàdeh 789 de lhégire — 16 nov. 1387 de J.-C.), à soixante-dix mille. Le lendemain, selon lusage 4 14 MONUMENTS MODERNES datant probablement de l'invasion de Djenguiz-Khan, mais qui s’est conservé en Perse jusqu’à ce jour, on dressa, en vue d'Ispahan, des pyramides avec les crânes des victimes de la veille. Un certain nombre d'habitants étaient parvenus dans la nuit à s'échapper de la ville pour se réfugier dans les ravins des alentours, mais la neige qui tombait précisément cette nuit, laissant deviner par l'empreinte de leurs pas la direction qu'ils avaient prise, les Timouriens les poursuivirent jusque dans leurs retraites & les immolèrent tous à leur vengeance. Après avoir ainsi apaisé sa colère, Timour s'éloigna en laissant à Ispahan, comme gouverneurs, deux de ses généraux. Il est presque inutile d'ajouter que la dynastie des Mozafférides ne rentra plus en possession d'Ispahan; bien plus Timour résolut de la détruire dans le Fars, comme il venait de la détruire dans l'Irak; mais ce ne fut que six ans plus tard que cette dynastie finit dans la personne de Chah Mansour, 790$ de l'hégire (1393 de J.-C.), tué dans une bataille qu'il avait témérairement livrée à Timour. Ispahan fut alors gouvernée par des généraux de Timour ou donnée avec le reste de l'Irak persan à l’un de ses fils, entre autres à Omar Cheikh. Lors de la mort de Timour, arrivée en 807 de l’hégire (140$ de J.-C.), Chahrokh lui ayant succédé dans la souveraineté de toute la Perse, il n’y eut dans l'Irak persan & dans le Fars aucune opposition ouverte à son autorité. Les trois frères, Pir Mohammed à Chiraz, Roustem à Ispahan, Iskender à Hamadan, vivaient d’abord en bonne harmonie entre eux; mais cette bonne harmonie fut troublée en 809 de l’hégire (1408 de J.-C.). À la suite d’une longue contestation entre les trois frères, contestation où Ispahan subit tour à tour l'autorité de chacun d'eux, Chahrokh remit le gouvernement de cette ville à Roustem Mirza, qui gouverna le pays d'Ispahan avec habileté & modération jusqu'à la fin de sa vie, qui eut lieu vers 845 de l’hégire (1441 de J.-C.). Vers cette époque nous trouvons le gouvernement d’Ispahan donné à l'émir Saadet, fils de Khavend-Chah, neveu de Firouz-Chah, premier ministre de Chahrokh. Mais dans cette mème année, Sultan Mohammed Mirza, fils de Baisangar Mirza, fils de Chahrokh, qui n'avait été investi que du gouvernement d’une partie de lIrak persan, marcha contre Ispahan & jeta en prison l’'émir Saadet. Comme cette prise de possession, contraire aux dispositions de Chahrokh, indiquait de la part de Sultan Mohammed Mirza quelque velléité d'indépendance attentatoire aux droits souverains de son grand-père, Chahrokh marcha aussitôt contre Ispahan, & n’y trouvant plus le prince réfractaire, qui s'était enfui vers Chiraz, fit mettre à mort les émirs qui s'étaient rendus complices de l’usurpation momentanée de Sultan Mohammed, en 8$o de l’hégire (1446 de J.-C.). Cette même année fut la dernière du règne & de la vie de Chahrokh. Par le résumé succinct qui précède, on voit que, depuis l’invasion de la Perse par Timour, Ispahan n’a joué qu'un rôle secondaire dans l'empire des Timourides. Chahrokh, qui avait établi sa capitale dans la splendide & riche Hérat, n’a fait qu'un séjour passager dans Ispahan. Nous entrons maintenant dans une période de troubles & de guerres continuels dont l'Asie, & en particulier la Perse, ont été le théâtre pendant la seconde moitié du xv° siècle de notre ère. Les descendants de Timour, tout comme les Djenguizkhanides avant eux, se disputaient sans cesse le pouvoir suprème, cherchaient à s’'évincer réciproquement des provinces qui leur avaient été assignées par les dernières volontés de Chahrokh, & se liaient même avec les ennemis de leur famille, les Turcomans du Mouton-Blanc & du Mouton-Noir. Cet état de choses dura en Perse jusqu’à l’avénement de la dynastie des Séfis, dans la personne de Chah Ismaïl, en 883 de l’hégire (1478 de J.-C.), & quoique ce prince & ses successeurs eussent à se défendre contre des ennemis du dehors, les Turcomans, les Uzbecks & les Turcs Ottomans, & à combattre quelques tentatives de rébellion à l’intérieur, on peut dire que, pendant le xvi° siècle de notre ère, la Perse, ayant enfin obtenu des princes vers lesquels la portaient ses sympathies religieuses, a joui d'une tranquillité relative qui lui était inconnue depuis longtemps. Pendant toute cette période, Ispahan n'occupe qu'un rang secondaire, les premiers Séfis ayant fixé d'abord leur résidence à Tebriz & ensuite à Kazwin; mais lorsque Chah Abbas [*, monté sur le trône en 094 de lhégire (1585 de J.-C.), fit dIspahan sa capitale, non-seulement son ancienne importance lui revint, mais elle acquit une prospérité & une splendeur qui dépassèrent celles de ses plus beaux jours sous les Bouides & sous les Seljoukides. Abbas I" passe à bon droit pour un des plus grands monarques que la Perse ait jamais eus. Ombrageux à l'excès, dès qu'il s'agissait des intérèts de son pouvoir, au point de sacrifier à ses méfiances son propre fils, il se montra, pendant toute la durée de son règne de quarante-cinq ans, aussi entreprenant à la guerre que préoccupé du bien-être de ses sujets. C'est cette sollicitude constante qui l’engageait à s’entourer d'artisans européens, à les attirer par ses largesses, à leur assurer la plus complète liberté religieuse. C’est sous son règne que cinq couvents catholiques purent s'établir à Djulfa, & ce prince, DELA PERSE 1$ qui prit Ormouz aux Portugais, choisit lui-même pour les moines portugais une habitation au centre de la ville musulmane, en dépit des murmures des mollahs outrés d’un tel voisinage. Deux siècles & demi environ se sont écoulés depuis la mort d’Abbas I* & son souvenir vit encore en Perse, non-seulement dans les annales & dans la tradition orale de ce pays, mais aussi dans de nombreux travaux & des monuments qui attestent une intelligence & un caractère rares parmi les princes orientaux, parmi ceux surtout qui ont pu succéder à une souveraineté bien établie au lieu d’avoir à la fonder eux- mêmes. La capitale de son choix, Ispahan, eut naturellement la plus grande part dans ses munificences, dans son goût pour les édifices luxueux & splendides. Pietro della Valle, qui datait ses lettres d'Ispahan en LONe assistait, pour ainsi dire, à la naissance, à l'exécution, à l'achèvement des plans & des travaux dont Ispahan était l'objet de la part de Chah Abbas, & le jugement qu'il porte sur la ville agrandie & embellie par ce prince a d'autant plus de valeur que ce voyageur se reporte toujours par la pensée vers l'Europe, & que, sur les bords du Zendéroud, il est encore sous le charme des souvenirs de Florence, de Rome, de Naples & de Constantinople. / Voici ce qu'il dit : « Au demeurant, je resterai comme je reste encore ici pour voir & pour jouir d’Ispahan, qui est une ville grande, belle, populeuse, telle, en un mot, que je n'en ai vu de plus belle dans tout le Levant, telle qu'on peut en dire que, sauf la position exceptionnelle de Constantinople, Ispahan non-seulement égale cette dernière ville sous bien des rapports, mais la surpasse même, à mon avis. Quant à l'étendue, cette partie de la grande cité qu'on appelle proprement Ispahan ne sera pas moins grande, ou à peu près, que Naples; mais il y a d’autres parties construites par le roi actuel autour d'Ispahan. L'une est le nouveau Tebriz habité principalement par les populations transportées ici de cette dernière ville, & auquel le roi a donné le nom d’Abbas-Abad; une autre est la nouvelle Djulfa habitée exclusivement par les chrétiens arméniens transportés de Djulfa, ville de l'Arménie, tous adonnés au commerce & très-aisés… La troisième partie est habitée par les guèbres, les adorateurs du feu. L’'intention du roi, comme on peut déjà en juger dès à présent, paraît être de réunir toutes ces trois parties à Ispahan, de manière que les quatre ne forment qu’un seul tout. On y travaille avec ardeur (e ci si attende gagliardamente), & l'œuvre est tellement avancée qu'il manque peu de chose pour qu’elle soit achevée, le roi donnant lui-même, à qui en a besoin, le terrain, & fournissant de l’argent pour la bâtisse. Lorsque tout sera achevé, Ispahan sera plus grand que Constantinople & que Rome. » L'œuvre a été effectivement achevée depuis Pietro della Valle, & Ispahan put être appelée une tétrapole, c'est-à-dire une cité formée de quatre villes : Ispahan, Abbas-Abad, Djulfa, Guebr-Abad. Sous les successeurs d’Abbas le Grand la Perse a joui, à l'extérieur comme à l'intérieur, d’une tranquillité à peu près continuelle. À l'extérieur ses armes ont été en général victorieuses, & à l’intérieur le peuple persan, par reconnaissance, & en souvenir des trois premiers Séfis : Ismaïil, Tahmasp & Abbas I”, voua réellement à toute leur postérité un attachement mêlé de vénération. Parmi ces princes, il n'y en eut pas un seul qui füt remarquable par l'intelligence ou par le caractère. Le pouvoir absolu qu'ils exerçaient, dans toute l’accep- tion du mot & avec tous les traits particuliers à l'Orient, préparait seulement pour lavenir des calamités & des ruines; les cruautés de Séfi, d’Abbas Il, de Soleiman n'’atteignaient, la plupart du temps, que les com- pagnons de leurs déréglements; mais, au total, la masse du peuple, qui se trouvait en dehors de la sphère où s’accomplissaient ces excès passagers & individuels, puisait dans la tranquillité générale du royaume une somme suffisante de bien-être. Le règne éminemment pacifique d’Abbas I], celui de Soleiman, celui de Chah Sultan Hussein, le penchant commun à tous ces princes pour des relations avec l’Europe, leur tolérance religieuse, leurs habitudes raffinées, l'amour de la magnificence & du luxe, tout cela contribuait beaucoup à développer la richesse du pays. Leur capitale Ispahan fut la première à recueillir le fruit de ces dispositions favorables au bien-être de toute société, & il n'est pas étonnant que, comme nous l’assurent tous les voyageurs européens du xvi* siècle, cette ville, comptant environ six cent mille habitants, fût une des plus magnifiques & des plus agréables. Soleiman Chah construisit à l'ouest d’Ispahan, dans un interstice séparant deux montagnes, un pavillon de plaisance pour sa résidence d'été, appelée Takhti Soleiman (Trône de Soleïman), & son successeur, Chah Sultan Hussein, bâtit derrière Djulfa une magnifique résidence qu’il nomma Farah-Abad (Séjour de la joie), & qu'il affectionna particulièrement. Ainsi, pendant cent ans, Ispahan ne cessa de s’agrandir, de s’embellir, de s'enrichir sous les auspices de ses souverains, & grâce à l’activité, à l'industrie de ses habitants musulmans & juifs, chrétiens & guèbres; 16 MONUMENTS MODERNES mais le moment vint où cette ville devait perdre sans retour cette prospérité & expier cruellement l’apathie de ses princes, l’avilissement de ses chefs, la mollesse engendrée par une longue période de paix. rour nous renfermer dans les limites étroites que nous trace notre cadre, nous nous bornerons à dire ici que la province de Kandahar, aujourd’hui l’un des trois États de l'Afghanistan & peuplé en grande partie par les Afghans, appartenait, au xvi siècle, à la Perse, & était administrée par des gouverneurs envoyés d'Ispahan. La faiblesse bien connue du gouvernement persan sous Chah Sultan Hussein fit concevoir à un chef habile de cette peuplade guerrière, Mir Veïss, le projet de se rendre indépendant, & il n'eut pas beaucoup de peine à y réussir, ayant appris pendant son séjour à Ispahan, où il avait été envoyé comme prisonnier, qu'il pouvait tout tenter contre un souverain, jouet des plus basses intrigues des mollahs, des eunuques & des grands, jaloux les uns des autres. Mir Veiss obtint plusieurs succès sur les Persans, mais c’est à son fils Mahmoud que fut réservé l'honneur, non-seulement de venger toutes les humiliations dont ses compatriotes étaient l’objet de la part des Persans comme sujets & comme sunnites, mais encore de conquérir à son tour la Perse & de s'élever au trône des Séfis. Il tenta cette entreprise à la tête d’une armée peu nombreuse, & quoiqu'il füt battu dans la première campagne, celle qu'il entreprit en 1721, il revint à la charge l’année suivante, tant il était persuadé, par tout ce qu'il avait appris de son père Mir Veïss, que les efforts des plus habiles généraux qu'eüt alors la Perse se briseraient contre l’apathie ou les intrigues de la cour. Au mois de janvier 1722 donc, Mir Mahmoud quitta pour la seconde fois Kandahar, traversa le désert du Kerman, prit la ville de ce nom, & bien que repoussé de Yezd, il n’en continua pas moins sa marche vers Ispahan. Son armée ne se montait pas tout à fait à vingt mille hommes, en majeure partie cavalerie, & son artillerie ne se composait que de zembourek ou couleuvrines montées sur des chameaux & se chargeant de boulets pesant environ deux livres. Avec cette force, Mir Mahmoud défit l'armée persane à Golnabat, village situé à cinq lieues d’Ispahan, & parut devant la capitale dont il n’était plus séparé que par le Zendéroud & les murailles qui pouvaient offrir une résistance sérieuse à une artillerie d’un calibre tel que celui que nous venons de dire. La défaite de Golnabat répandit dans Ispahan une consternation d'autant plus grande, qu'on sy était habitué à parler avec dédain d’une poignée de barbares & de rebelles. La cour se mit à délibérer sur les mesures à prendre. Tandis qu'à l'approche des Afghans, les ministres & les généraux discutaient sur ‘à gravité de la situation, Chah Sultan Hussein répondit à leurs instances par ces étranges paroles : « C'est votre affaire, vous avez des armées, pourvoyez-y; quant à moi, pourvu que ma maison de Farah-Abad me reste, je serai content. » On décida que la cour ne quitterait pas la capitale & que celle-ci se défendrait. À cette époque, Ispahan comptait, dit-on, six cent mille habitants, & ses murailles étaient hérissées de quatre cents canons. Le premier point que Mir Mahmoud eut à occuper pour attaquer la ville fut cette même résidence de Farah- Abad dont nous venons de parler, car elle offrait un abri, une place d'armes & au besoin une position forte dans ses murailles, flanquées de distance en distance de tours. De Farah-Abad, les Afghans s’étendirent à Djulfa & de là cherchèrent à traverser les ponts du Zendéroud; mais ces premières attaque. furent infructueuses, grâce à l’habileté avec laquelle un Arménien, Yakoub, dirigea le feu sur les assicgeants. Les échecs réitérés éprouvés par Mir Mahmoud lengagèrent à changer de tactique. Instruit par les intelli- gences qu'il avait dans la place, il aima mieux ménager ses hommes & prendre la ville par la famine. En exécution de ce plan, après un succès obtenu sur le pont d'Abbas-Abad appelé aussi pont de Marnoun, il passa le Zendéroud & cerna toutes les issues de la capitale, de telle manière que l'entrée des vivres y devint tout à fait impossible. Le siége régulier commença à la fin de mars 1722 & continua jusqu’au mois d'octobre. Après deux mois de ce blocus hermétique, en juin, la cherté était encore tolérable; en juillet & en août, on en vint à manger les chameaux, les mulets, les ânes & les chevaux; en septembre, on fut réduit à manger des chiens & des chats. Le blé étant déjà très-rare en septembre, la livre de pain se vendait vingt-cinq francs pendant ce mois & cinquante francs en octobre. Les feuilles & l'écorce des arbres se vendaient à la livre, & on les mélait, ainsi que les herbes & les racines sèches, à du son pour en faire du pain. Il n'y eut pas jusqu'aux cuirs des chaussures dont on ne fit usage en les ramollissant dans l’eau bouillante. On en vint à la fin à manger de la chair humaine. Il est vrai que ceux que l’on surprenait à le faire étaient aussitôt assommés À coups de massue par la police, mais la sévérité déployée à cet égard n’empècha pas, dit-on, quelques mères dénaturées de manger de la chair de leurs propres enfants. Une grande mortalité s’ensuivit & le nombre de . . , Eu f 4 14 Le cadavres qui, après avoir séjourné quelque temps dans les rues, furent enfin jetés dans le Zendéroud, était TU 4 : DE LA PERSE 17 tel que, pendant un an entier après le siége, on s’abstint de boire de l'eau de cette rivière & d’y pêcher du poisson; & si cette agglomération de corps morts, privés de sépulture, n’engendra aucune maladie pestilentielle, c'est, dit-on, à l'air excellent d'Ispahan qu’on doit l’attribuer. Les horribles détails que nous venons de retracer sont puisés dans les récits des témoins oculaires, en partie dans ceux du père Krusinski, qui ne quitta Ispahan qu’en 1725, & en partie dans les mémoires du cheikh Mohammed-Ali-Hazin (1). Ce n’est pas que, pendant ce temps-là, des négociations entre la cour & Mir Mahmoud n'eussent eu lieu; mais celui-ci trainait ces négociations en longueur jusqu'à ce que Chah Sultan Hussein, voyant l'enceinte de son palais même atteinte par le manque de vivres, consentit enfin à abdiquer & à installer pour ainsi dire lui-même son ennemi sur le trône, sans lui rien faire perdre de ses trésors, ce qui aurait infailliblement eu lieu si la ville avait été prise d'assaut & livrée au pillage des troupes assiégeantes. Le 23 octobre, Chah Sultan Hussein sortit de son palais au milieu d’un morne silence & s’achemina, sur un cheval envoyé par Mir Mahmoud (1 n’en restait plus à Ispahan), vers cette même résidence de Farah-Abad qui faisait ses délices un an auparavant. Le 24, Mir Mahmoud entra dans la ville & prit tranquillement possession de lautorité souveraine. La manière dont le siége avait été conduit & dont le changement de dynastie s'était opéré, épargna à la ville les calamités qui accompagnent souvent l'occupation ennemie. Il y eut des dégâts & des actes de vandalisme, mais il n'y eut pas de ruines, & la discipline sévère qui régnait dans l’armée afghane préserva la population de nouvelles calamités; le siége cessant, les vivres ne tardèrent pas à abonder, mais Ispahan eut bientôt à supporter une nouvelle & terrible épreuve. Furieux de la défaite que la vaillante population d’un petit bourg du voisinage, Isfahanek (2), avait fait subir à un détachement des Afghans, & du massacre d'un autre corps afghan qu'il avait envoyé en garnison à Kazwin, Mir Mahmoud résolut de se venger sur la population de la capitale, & dans ce but il invita, le 2$ janvier 1723, à un festin royal trois cents personnes choisies tant parmi les grands de la Perse que parmi les notables d'Ispahan. Tous ces invités furent cruellement massacrés à leur arrivée & leurs cadavres jetés sur la grande place Meïdani-Chahi. Mir Mahmoud fit égorger ensuite tous leurs enfants, puis, se portant vers les medrecèhs ou colléges, il en fit tirer les jeunes élèves, les fit conduire hors de la ville, & là, les poussant vers la campagne, il leur fit donner la chasse comme à des bêtes fauves, avec des flèches & des javelots. Peu après, les gardes de Chah Sultan Hussein furent égorgés à un repas auquel on les avait conviés dans une des cours du palais. Les jours suivants furent marqués par d’autres massacres. Sous prétexte que le complot de Kazwin pouvait avoir des ramifications dans Ispahan, les Afghans firent des perquisitions dans les maisons & y mirent à mort un grand nombre d'habitants. La famine de 1722 & les massacres de janvier 1723 dépeuplèrent tellement Ispahan que Mir Mahmoud, pour combler les vides faits par ces deux calamités dans sa capitale, y fit venir, d’un bourg voisin de Hamadan, une peuplade nombreuse appelée Derguezin, dont la fidélité ne devait pas lui être suspecte, soit qu’elle füt de la secte sunnite, comme le dit le P. Krusinski, soit qu’elle püt encore passer, comme au x1n1° siècle de notre ère (V. Yakout), pour professer les doctrines communistes de Mazdak, fameux sectaire persan d’avant l’islamisme : elle était dans tous les cas hostile à la religion & à la société persanes. L'histoire de Mir Mahmoud & de son cousin & successeur Achraf & le sort de la famille des Séfis ne nous intéressent ici qu'autant qu'ils se rattachent à la ville d’Ispahan; nous nous bornerons donc à dire que Chah Sultan Hussein rentra, après son abdication, dans le palais de ses aïeux & y mena, sous la surveillance du roi afghan, une vie de reclus dont il parut du reste se contenter. Son fils Tahmasp, qui avait réussi pendant le siége à s'échapper d'Ispahan, se maintenait tantôt dans le Mazenderan, tantôt dans le Khorassan, où grandissait déjà en renommée & en autorité son général Tahmasp-Kouli-Khan, plus tard Nadir-Chah. L'existence seule de Tahmasp rendait la souveraineté de Mir Mahmoud précaire, & l'irritation maladive qu'il en ressentait fut telle qu’un jour il fit égorger à Ispahan trente-neuf princes du sang, &, voulant immoler à sa fureur les deux plus jeunes enfants du vieux Chah Sultan Hussein qui les couvrait de ses bras, frappa d’un coup de poignard le monarque détrôné. On dit que le remords qu'il ressentit à la suite de cet acte de violence, aggrava sa maladie, donna plus dinten- sité à ses paroxysmes de folie furieuse autorisa son cousin Achraf à mettre fin, du consentement de sa propre mère, à ses souffrances & à sa vie (en 172$). Achraf lui succéda comme roi de Perse. Il fit construire à Ispahan (1) Voyez l’autobiographie de ce cheikh publiée en persan & en anglais par Balfour. (2) Krusinski l’appelle Ben-[spahan. 18 MONUMENTS MODERNES un fort qui porte son nom. Son règne eut même quelques instants de gloire (en 1729); mais il ne fut pas de longue durée. Tahmasp-Kouli-Khan défit les Afghans dans une bataille mémorable livrée à Mourtcheh-Khar, à quinze lieues d’Ispahan. Achraf ne s'arrêta dans sa capitale que pour commettre un nouvel acte d’atrocité sur la personne de Chah Sultan Hussein qu'il tua de sa propre main, & s'enfuit vers Chiraz où il fut bientôt tué à son tour. Tahmasp, ramené à Ispahan par son triomphant général Nadir, fut accueilli par la population, si longtemps dévouée aux Séfis, avec des transports de joie. Quel ne fut pas son étonnement lorsque, en rentrant dans ses appartements, il vit se jeter dans ses bras sa propre mère qui, depuis quelques années, sous le règne des Afghans, y vivait déguisée en esclave! Tahmasp remonta donc sur Île trône de ses aïeux; mais l’ascendant que donnaient à Nadir ses talents, son énergie & le prestige de ses victoires, ne laissait au roi qu'une souveraineté nominale; & cette ombre même. s'évanouit lorsque le puissant général, indigné des conditions défavorables d’un traité conclu par Tahmasp avec les Turcs, détrôna son souverain, se fit déclarer tuteur de son jeune fils Abbas IT & relégua Tahmasp dans une ville du Khorassan où il fut plus tard assassiné. En 1736, Nadir fut proclamé lui-même roi dans la plaine de Tchowal-Moghan, située dans la province de Chirvan, & entra, quelque temps après, à Ispahan comme souverain de toute la Perse, rétablie bientôt, grâce à ce même Nadir-Chah, dans ses limites depuis Bagdad jusqu'à l’Indus. Pendant tout le règne de Nadir-Chah jusqu'en 1747, où il fut assassiné, Ispahan demeura la capitale de la Perse; mais son souverain, occupé sans cesse de guerres & d’expéditions lointaines, car il alla jusqu'à Dehli, ne séjourna que peu de temps dans Ispahan. La mort de Nadir-Chah ouvrit de nouveau en Perse une période de déchirements & de troubles occasionnés par les guerres entre plusieurs prétendants successifs, fils ou neveu ou ministres du conquérant. En 1750, nous trouvons à Ispahan, comme gouverneur de cette ville, au nom de Chah- Rokh, un certain Abou-1-Feth-Khan; mais, dans cette même année, un chef de la tribu des Bakhtiaris, Ali-Merdan- Khan, prit possession d’Ispahan, &, voulant faire agréer son usurpation par la population de cette ville, éleva au trône un représentant de la famille de Séfis, âgé de huit à neuf ans & proclamé sous le nom de Chah-Ismail. A cet effet, il groupa autour de lui plusieurs chefs puissants parmi lesquels nous remarquons Kerim Khan, chef d'une tribu persane, aussi distingué par son jugement & sa justice que par son caractère doux & honnête. Kerim Khan saperçut bientôt que son collègue, jaloux de sa popularité, préparait sa ruine; il quitta donc Ispahan, mais Ali-Merdan-Khan ayant été assassiné sur ces entrefaites, Kerim Khan resta maître de tout le midi de la Perse, les provinces du nord, de l'est & de l’ouest étant toujours sous la domination de divers chefs aspirant à l'autorité suprême sur tout l'empire iranien. Ce n’est pas cependant à Ispahan qu'il établit sa capitale; il la fixa à Chiraz, situé plus près des demeures de la tribu Zend à laquelle il appartenait. Kerim Khan a régné vingt ans sur presque toute la Perse, mais il ne prit d'autre titre que celui de vekil (régent), comme sil reconnaissait que le trône appartenait tou- jours à ce fantôme de roi, 1ssu des Séfis, qu'Ali-Merdan Khan avait suscité à Ispahan, sous le nom de Chah-Ismail. | La mort de Kerim Khan, qui eut lieu en 1779, fut le signal de nouveaux troubles & d'une guerre entre les proches parents de Kerim, qui se disputaient le trône. Ispahan a dü se ressentir de ces déchirements & payer, par la perte de son repos & de son bien-être, l'honneur d’être successivement choisie pour capitale par Zeki Khan, Sadik Khan, Ali Mourad Khan, Djafar Khan & Lotf Ali Khan, tous princes de la famille de Kerim. Mais nous touchons au moment où la dynastie Zend, qui avait pour centre de sa puissance le midi de la Perse avec les deux villes principales d'Ispahan & de Chiraz, allait faire place au fondateur de la dynastie des Kadjars, actuellement régnante. Aga Mohammed-Khan, qui s'était déjà fait connaître comme l'ennemi le plus redoutable de la famille de Kerim Khan & comme aspirant à la royauté, avait une si haute idée des talents d’Ali Mourad que, lorsque ses compagnons l'engageaient à quitter la province d’Asterabad, siége de son autorité, & à entre- prendre une expédition contre Ispahan, il répondait : .« Attendons que nous ne trouvions plus sur notre chemin Al Mourad Khan.» En effet, deux mois ne s'étaient pas encore écoulés depuis la mort de Mourad, qu'Aga Mohammed forçait Djafar-Khan de fuir d’Ispahan & s'emparait de cette ville. Battu par Djafar-Khan quelque temps après, vainqueur de nouveau en 1786 (1200 de l'hégire), chassé encore une fois d'Ispahan par Lotf Ali Khan, fils de Djafar-Khan, en 1788, puis y rentrant définitivement en maître, Aga, Mahommed-Khan ne tarda pas établir son autorité dans toute la Perse & fonda la dynastie des Kadjars, dont le souverain actuellement régnant, Nassir-oud-din-Chah, est le quatrième prince. Les Kadjars, qui étaient établis depuis le Chah-Tahmasp dans le Mazenderan & particulièrement à Asterabad, DE LA PERSE 19 devaient être, pour un prince sorti de leurs rangs, un appui naturel; aussi nous voyons Aga-Mohammed-Khan établir sa résidence à Téhéran. La ville d’Ispahan semble, du moins aussi longtemps que régnera la dynastie actuelle, devoir renoncer à l'honneur d’être la capitale de la Perse & se contenter du rang d'une ville considérable de l'Irak. Les annales de cette ville pendant les dernières soixante-dix années n'ont été marquées par aucun événement important. Dans cette période, si elle n'a pu reprendre son ancienne splendeur, elle doit à Feth- Ali-Chah, mais surtout à la munificence d'un de ses gouverneurs, Hadji Mohammed Hussein-Khan, décoré du titre d'Eremad oud dowleh (confiance de l'empire), l'entretien, la conservation ou la restauration de quelques-uns de ses plus beaux édifices. Sous le règne de Mohammed-Chah, père du roi actuel, Ispahan avait été pendant quelque temps le théâtre des excès d'une bande de voleurs qui rançonnaient la population avec une audace incroyable, à tel point que, pour y mettre fin, le Chah jugea nécessaire de s’y rendre en personne & de faire procéder à une enquête & au châtiment des coupables. Ces exécutions eurent lieu en 1840, & depuis ce temps l’ordre & la tranquillité n'ont pas été troublés sérieusement dans cette ville, qui est toujours gouvernée par un grand personnage, envoyé de Téhéran. Tel est l'aperçu rapide des événements les plus importants dont la ville d’Ispahan a été le théâtre dans l'espace d'environ douze cents ans, c’est-à-dire depuis l'époque où l'on peut établir avec précision la date de ces événements. Un voyageur qui approche d’Ispahan, n'importe de quel côté, s'aperçoit aussitôt qu’il a devant lui quelque vaste & belle cité. S'il y arrive en été, les jardins du dehors & de l'intérieur de la ville noient tout dans la verdure de leur feuillage & dérobent à la vue les constructions, en général peu élevées; mais les minarets des nombreuses mosquées, disséminées sur tous les points, dressant leurs élégants sommets dans les airs, lui permettent de juger, du premier coup d'œil, de l'étendue de la ville. La vue panoramique d'Ispahan, prise du côté du sud (planche I-H), présente encore cet aspect qui a dü produire & produisait, en effet, à l'époque de la splendeur de cette ville, sur tous les voyageurs européens, une impression que tout, à l'intérieur, venait justifier & compléter. Aujourd’hui, cette première impression favorable fait place à un désappointement mêlé de tristesse, lorsque, en pénétrant dans la ville, le voyageur traverse souvent des quartiers entiers en ruine, n'offrant à l'œil que des rues désertes, bordées de maisons à moitié écroulées, de masses de terre avec des traces de portes & de fenêtres. On dirait qu'un tremblement de terre, un vaste incendie, un bombardement ou quelque autre fléau ont passé sur ces demeures. Il n’en est rien. Les Persans ont lhabitude d'attribuer ces dévastations à l'invasion des Afghans du commencement du siècle passé; elles ne sont pas, directement du moins, leur œuvre. À notre avis, ces ruines sont en grande partie la conséquence naturelle du dépeuplement graduel, arrivé à la suite de la translation de la capitale d'abord à Chiraz & ensuite à Téhéran, & des guerres continuelles entre les divers prétendants au trône dans la seconde moitié du xvin° siècle; en partie aussi, elles résultent de la nature des matériaux de construction; les murs bâtis en briques cuites au soleil ne résistent pas longtemps aux pluies violentes & à l'action du temps, surtout dans un pays où linsouciance & l'incurie publiques & privées lui viennent puissamment en aide, où la restauration des anciennes constructions n'est ni dans les goûts, ni dans les habitudes des gens du pays, où un homme aisé aime mieux bâtir à grands frais une maison à lui que de relever & d'entretenir celle où vécurent ses pères. Du reste, cet état de délabrement & de ruine n’est pas pour la première fois, de nos jours, signalé à [spahan,; il la été à plusieurs époques de son histoire; d’autres villes, considérables autrefois, offrent çà & 1à le même aspect de ruines partielles; ce qui, dans beaucoup de cas, n'exclut pas le bien-être & l’aisance des quartiers habités. Kæmpfer, qui a visité [spahan dans la seconde moitié du xvn° siècle, nous dit qu'il lui était impossible de faire, à cheval, le tour de la ville dans l'espace d’une journée, à cause des sinuosités créées par les jardins & les fossés. Selon Chardin, Ispahan n'avait pas moins de douze lieues de tour. La population, selon les uns, ne se montait pas, au xvu° siècle, à moins de six cent mille habitants, & selon d'autres, au double même de ce chiffre. « Les mémoires, ajoute Chardin, qu'on m'avait donnés étaient fort différents sur cela, mais ils étaient assez semblables sur le nombre des édifices, qu'ils faisaient monter à trente-huit mille deux à trois cents; savoir : vingt-neuf mille quatre cent soixante-neuf dans l'enceinte de la ville & huit mille sept cent quatre-vingts en dehors : tout compris, les palais, les mosquées, les bains, les bazars, les caravansérails & les boutiques. » Bien que des données précises nous manquent pour fixer le chiffre de la population actuelle d'Ispahan, il est certain qu'il n'approche pas même du quart de celui que Chardin considère comme le plus modéré & le plus probable. D’après le plan d'Ispahan, levé il y a environ trente ans & représenté à la planche III, en additionnant 20 | MONUMENTS MODERNES le nombre des maisons habitées, on arrive au chiffre de huit mille à peine, & en comptant dix personnes par maison, on ne dépasse pas le chiffre de quatre-vingt mille âmes. Nous n’entrerons pas dans la description détaillée de la ville. Ceux qui voudraient se faire une idée exacte de ce qu'elle était à la fin du xvu° siècle, peuvent recourir au Voyage de Chardin, écrivain consciencieux & exact, au moins en tout ce qu'il voyait lui-même & ce qui se passait de son temps. Il nous assure que d’après les relevés qui lui avaient été fournis, Ispahan comptait cent soixante-deux mosquées, quarante-huit colléges, dix-huit cent deux caravansérails, deux cent soixante-treize bains publics & douze cimetières; que dans la ville on tuait chaque jour deux mille moutons & quinze cents dans les faubourgs, sans compter ce que l’on en tuait pour la cuisine du roi. De nos jours, l'étendue d'Ispahan est réduite à 17 kilomètres de pourtour, sans compter les faubourgs, dont l'étendue est de 12 kilomètres. La ville est entourée d’un mur d'enceinte construit en briques cuites au four. Les treize portes qui donnent entrée dans la ville sont également flanquées de tours. Les rues sont Ja plupart du temps étroites & tortueuses & débouchent parfois dans des bazars ou dans de vastes places plantées d'arbres. Dans un grand nombre de rues, tant dans la ville elle-même que dans le faubourg de Djulfa, coule, au milieu de la voie, un ruisseau ombragé d'arbres; malheureusement, ces petits canaux sont très-mal entretenus & les rues ne sont pas pavées. Les maisons des particuliers n'ont à Ispahan, pas plus que dans “le reste de l'Orient, aucune façade régulière sur la rue, & le corps principal de logis est toujours précédé d’une cour ou d’un jardin. Les portes d'entrée sur la rue sont généralement basses & étroites dans les habitations des classes moyennes, elles sont très-grandes dans celles des grands personnages. Dans les grandes maisons comme dans les palais, les principaux appartements sont toujours, au rez-de-chaussée, élevés de trois à quatre marches au-dessus du sol de la cour. Les distributions intérieures sont bien entendues & une grande symétrie règne dans les détails. Dans l'intérieur des appartements, les murs sont enduits de plâtre blanc, les arêtes très-bien dressées; les corniches & les moulures sont aussi en plâtre blanc bien profilées, relevées par des filets peints en rouge, bleu, jaune 8 or. Les Persans ne connaissent, en fait d'ameublement, ni chaises, ni canapés, ni tables, ni consoles; quelques objets d'utilité ou d'ornement qu'on y trouve sont placés dans des niches peu profondes, pratiquées dans le mur & disposées avec goût & symétrie, quelquefois sur toute la hauteur. Les plafonds sont de bois & à compartiments ornés, peints & quelquefois dorés. La menuiserie des portes est à un ou deux vantaux, à panneaux ferrés sur cadre de bois peint en couleurs & les panneaux ornés de fleurs. Les fenêtres sont formées de châssis ouvrant à coulisses, avec des combinaisons de petites pièces de bois très-artistement disposées & ornées de vitres de diverses couleurs, ce qui produit un effet très-agréable à l'œil. Ces fenêtres à châssis, appelées arouci, coùtent souvent très-cher & constituent un article de luxe chez les Persans. Les toitures sont plates, en terrasse, avec une légère pente pour l'écoulement des eaux de pluie. Les constructeurs ne connaissent pas l’art du trait de la charpente, & ne font, par conséquent, aucun assemblage par tenon & mortaise; les pièces de bois ne sont maintenues entre elles que par des clous ou par des étriers CNRC On emploie, pour la construction des édifices publics & des maisons, des briques cuites au soleil & des briques cuites au four; ces dernières sont d’une couleur jaune doré, ce qui a fait croire à quelques voyageurs qu'elles étaient peintes. L’ornementation extérieure se fait, en général, avec des briques émaillées de formes & de couleurs variées représentant des fleurs, des rinceaux, des oiseaux, des vases, des cartouches & des inscriptions; dans ces dernières c'est le bleu qui prédomine sur les autres tons. La planche I-I] présente un panorama d’Ispahan, ou vue générale prise de la terrasse du couvent des derviches situé vers la partie sud de la ville, dans le grand cimetière de Takhti-Poulad. La planche II offre le plan général d’'Ispahan; on y a marqué par une teinte noire les édifices qui sont décrits dans cet ouvrage & qui ont été mesurés avec soin. Quelques mots encore pour orienter le lecteur sur le plan général. Nous nous plaçons au sud du Zenderoud & du faubourg de Djulfa : nous voyons, à notre gauche, les ruines de Farah-Abad. Cette résidence, construite par Chah Sultan Hussein, & dont nous avons parlé dans notre récit historique, se composait d’un palais de plaisance & de jardins, le tout entouré d’un mur flanqué de tours. Ce prince consacra à ce palais des sommes énormes, non-seulement parce qu'il y déploya un luxe & une magnificence qui étaient dans les goûts de sa famille, mais encore parce que, l'endroit étant dépourvu d’eau, il fallait ly faire venir de loin au moyen d'aqueducs en pierre. Ce Farah-Abad, grandement dévasté par les Afghans, en 1722, ne doit pas être confondu avec une DE LA PERSE: 21 autre résidence de plaisance du même nom, le Farah-Abad dans le Mazenderan où mourut Chah-Abbas le Grand. À droite de notre plan, on voit les ruines d’un couvent des derviches. Ce couvent était aussi un édifice splendide bâti par Chah Sultan Hussein; la porte principale en était, dit-on, tout entière d'argent. Après avoir traversé le Zenderoud, on voit, à droite, la citadelle Tabarek, construite probablement sous les Sedjoukides & rappelant par son nom la forteresse de Tabarek près de Rey. | 4 Rat On traverse le Zenderoud sur quatre ponts pour se rendre à Ispahan : 1° celui qui est le plus à l'ouest s'appelle le pont de Marnoun, nom corrompu, selon Kæmpfer, du mot Maranban (charmeur de serpents); il est en dehors de l'enceinte de la ville; 2° le pont d’Allah-Verdi Khan, dont on verra la description détaillée plus loin, ce pont s'appelle aussi pont de Djulfa & pont d'Ispahan; 3° le pont de Hassan-Abad, ou Baba Rocn-oud-Din, ou bien Pont des Guèbres, parce que Chah Abbas II l'avait fait construire exprès pour que les. Guèëbres qui venaient des alentours aux marchés de la ville pussent s’en retourner chez eux sans passer par le Tcharbagh & par le pont d'Allah-Verdi Khan. Ce pont s'appelle aussi pont de Hadjou, pont de Chiraz où pont Royal. Il existe encore un quatrième pont qui sert d’aqueduc. L’enceinte du palais du temps des Séfis ‘avait trois quarts de lieue de pourtour & six portes. On en trouve aussi la description détaillée dans Chardin. Nous venons de jeter un coup d'œil général sur Ispahan & de nommer les points qui frappent la vue tout d'abord quand on embrasse du regard le panorama de cette ville. Nous allons maintenant en franchir les murs, & essayer de décrire les principaux monuments qui embellissent encore lancienne capitale de l'Iran. LA MOSQUÉE DU VENDREDI APPELÉE AUSSI MOSQUÉE DE LA CONGRÉGATION ET LA VIEILLE-MOSQUÉE Tout lieu consacré à l'adoration & à la prière est appelé par les musulmans du nom générique Ma’bed; ils distinguent ensuite, par des dénominations spéciales plus précises, les temples des ignicoles ou des idolâtres, les synagogues des juifs, les églises des chrétiens. Un endroit consacré exclusivement au culte musulman s'appelle Mesdjid, lieu où l’on se prosterne devant Dieu, & c’est de ce mot écrit par les Italiens Meschira, & parsles Espagnols Mexquira, que vient le mot français Mosquée. On sait que le vendredi est chez les musulmans, comme le dimanche chez les chrétiens & le samedi chez les juifs, le jour férié de la semaine. Ce jour-là les mosquées se remplissent de fidèles qui font la prière en commun sous la direction d'un iman, & toute mosquée assez vaste pour contenir un certain nombre de peuple réuni dans ce but devient alors une mosquée de la Réunion ou du Vendredi, Mesdjid-i-djun’a; le mot djum'a signifiant à la fois réunion & jour de réunion, lequel est vendredi. C'est dans ce sens que Chardin, & après lui d’autres voyageurs, emploient le mot de la Congrégation, pour désigner la mosquée dont nous nous occupons. Cette mosquée n’est pas & n'a pas toujours été la seule où sesoit faite la prière du vendredi; mais ce nom lui est resté peut-être depuis l'époque où elle fut le plus considérable &, sans aucun doute, le plus splendide temple musulman d'Ispahan. Elle est appelée aussi la Vieille-Mosquée, pour la distinguer des grandes & belles mosquées plus modernes. La longueur totale de cette mosquée est de 141 mètres sur 124 mètres de largeur; la cour intérieure a 6$ mètres de long sur $$ mètres de large; elle n'a qu'un dôme : c’est celui du sanctuaire principal, de 14 mètres de diamètre; il est flanqué de deux hauts minarets. Les portiques sur la cour sont formés de gros piliers carrés, & les voûtes de l'intérieur des portiques sont soutenues les unes par des colonnes & d’autres par des piliers. : | Neuf portes facilitent lentrée & la sortie de cette vaste mosquée. Le sanctuaire principal est précédé d'un porche à grande arcade qui se répète aux quatre axes de la cour, mais chaque fois avec des dimensions différentes. La construction est toute de bonnes briques cuites au four; quelques parties des parements sont recouvertes à l'extérieur de briques émaillées de diverses couleurs & de stuc à l'intérieur. On y voit un grand nombre 6 22 MONUMENTS MODERNES d'inscriptions, dont quelques-unes en caractères employés ordinairement pour la décoration des monuments, & appelés souvent improprement cufiques. Toute la surface du sol est pavée de fortes dalles de pierre dure, & le socle pourtournant la cour & les grandes arcades est en beau marbre de Tebriz. Cette mosquée est très-fréquentée, indépendamment du jour de la prière en commun, par les professeurs & les étudiants de théologie musulmane, qui y passent la journée sous les galeries fermées par des grilles en bois, pour n'être pas troublés dans leurs études ou leurs méditations. Au centre de la cour se trouve un grand bassin destiné aux ablutions; au-dessus de ce bassin se dresse, soutenu par des piliers, un oratoire pour faire la prière. Il y a dans cette même cour plusieurs autres bassins & une vasque en marbre contenant de l’eau à boire pour ceux qui viennent sy désaltérer pendant l'été. On entretient cette eau très-fraîche, en y jetant de temps en temps de la glace ou de la neige. La partie la plus ancienne de cette mosquée est une chapelle souterraine dont les voûtes sont soutenues par de gros piliers carrés : on y fait la prière publique pendant l'hiver. Chardin suppose, d’après quelques inscriptions qu'il s’est fait traduire, que cette petite mosquée a été fondée par le Khaliphe Abbasside Almansour vers 755 de Jésus-Christ, & qu’elle a été ensuite agrandie par des annexes successives construites sous différents princes, tels que Melek-Chah, prince seldjoukide, les Chahs Tahmasp & Abbas II, princes séfis. Le fait est que lon reconnait facilement dans ce vaste édifice des constructions appartenant à différentes époques : la chapelle souterraine & le sanctuaire du dôme, où se trouvent les belles inscriptions cufiques, nous ont paru les plus anciennes. La planche V donne une vue de la cour de cette mosquée dont la planche IV représente le plan général. MEIDANI-CHAHI, PLACE ROYALE Pietro della Valle & Chardin parlent avec admiration de cette grande place, & avouent qu’ils ne trouvaient en Europe rien de comparable au Meïdani-Chahi d'Ispahan. Cette place (planche VI-VII) est située presque au centre de la ville : c’est un parallélogramme orienté du Nord au Sud, ayant 386 mètres de long sur 140 mètres de large. Ses quatre côtés sont ornés de deux rangs d’arcades formant un bâtiment à deux étages & double, dont l’un faisant partie du bazar. Le rez-de-chaussée contient deux boutiques, l'une sur la place & l’autre sur le bazar. Le premier étage est destiné aux logements, & l'arcade sur la place sert de balcon avec des voussures peintes par des filets de couleur qui encadrent des ornements. Le bazar voüté pourtourne ainsi le Meïdani-Chahi en dehors. Tout autour de la place, à 15 mètres de distance des façades, régnait, du temps de Kæmpfer, de Chardin, de Le Bruyn, un canal formé de grandes dalles de pierre de 3 mètres ço centimètres de large sur 2 mètres de profondeur & rempli d'eau courante, & sur la largeur qui sépare le canal des façades était planté un rang de platanes dont l’ombrage protégeait les promeneurs contre les rayons du soleil & ajoutait considérablement, comme le remarque Chardin, à la beauté de la place. À l'époque où cette place a été dessinée, en 1840, le canal ne contenait plus d’eau & les platanes avaient complétement disparu. Olivier, voyageur du commencement de ce siècle, constate leur absence. Mais on nous assure que depuis quelques années on a planté des arbres autour de la place & réparé le canal. Pour rompre la monotonie qui résulte de cette suite d’arcades, on a construit sur les quatre côtés de la place des édifices qui divisent, d’une manière très-agréable à l'œil, la ligne continue du bazar & des arcades. Vers la face Nord se trouve une grande arcade qui prend la hauteur de deux étages, ayant de chaque côté deux pavillons dont le haut se termine en galeries qu'on appelle Nagareh-Khaneh, orchestre où la musique militaire royale se faisait entendre, non-seulement les jours de fète & de grandes cérémonies, mais encore, comme l'assure Chardin, chaque jour, après le coucher du soleil & à minuit. Cette musique se composait de longues trompettes & d'énormes timbales. Pietro della Valle dit qu'une de ces galeries était réservée à la DE LA PERSE. 23 musique persane, l’autre à la musique turque, toutes les deux favorisées également par Abbas I, qui, tout souverain éminemment national qu'il fût, parlait souvent en turc & avait de nombreux régiments turcs dans son armée. Cette arcade du côté nord s'appelle Kaïçarieh. C'est par la grande arcade du Nagareh-Khaneh que lon entre dans le bazar des tailleurs, le plus grand des bazars de la ville. Sur la face Est l'on voit le parvis, la porte & le dôme de la mosquée Cheikh-Lotf-Oullah, richement ornée de briques émaillées aux vives couleurs. À la face Ouest, une vaste arcade donne entrée au bazar des chaudronniers, qui est très-grand. Vient ensuite, sur cette même face, la grande porte, la Porte élevée, Aali-Kapou. C'est encore une vaste arcade, au centre d’un fort soubassement en saillie sur la place, supportant un portique très-élevé, orné de dix-huit colonnes en bois & d’un plafond peint & doré. Ce portique se trouve adossé à la grande tour carrée dont la terrasse très-élevée domine toute la ville & offre à celui qui y monte un magnifique panorama d'Ispahan. C'est sous ce portique que les rois de la dynastie des Séfis rendaient la justice & assistaient aux fêtes qui se donnaient sur la place. À peu de distance d'Aali-Kapou se trouve la porte du sérail, c’est-à-dire du palais royal; là on voit encore aux angles des murs deux chapiteaux sassanides en beau marbre blanc placés Ià en guise de marchepied pour monter à cheval. Ces deux chapiteaux sont les seuls restes d’antiquités non musulmanes que nous ayons rencontrés à Ispahan. Vers la face Sud s'élèvent majestueusement la porte, le dôme & les minarets de la mosquée royale, Mesdjid-i-Chah, toute resplendissante de ses briques émaillées aux mille couleurs. L'aspect de cet édifice & de toute la place, vue du côté Nord, est vraiment admirable. Au centre de la place s'élève un mât de près de 40 mètres de hauteur, servant aujourd’hui à exécuter par la strangulation les coupables qui ont encouru cette peine. Le cadavre du supplicié reste là exposé pendant huit jours pour servir d'exemple & intimider les voleurs qui infestent les bazars & la ville. Le grand mât planté au centre de la place servait, du temps de Chardin, à tirer à la tasse, comme cela se fait, dit-il, ordinairement dans les solennités. Deux fontaines à goulots aspirants se trouvent à l'Est & à l'Ouest de la place pour désaltérer ceux qui n'ont pas le moyen de payer le verre d'eau à la glace que des marchands offrent pour de largent aux passants plus aisés. La partie voisine de la façade Nord de la place est occupée par des marchands ambulants qui étalent chaque jour sur des nattes ou sur de vieux tapis leurs marchandises de quincaillerie, de friperie & des denrées les plus communes & les plus nécessaires. Ces marchands s’abritent contre le soleil & la pluie à l’aide de parasols tournant sur pivots. C’est encore dans cette partie de la place que se groupent les saltimbanques, les escamoteurs, les écrivains publics, les chanteurs & même les prédicateurs derviches qui, en racontant l’histoire de la famille d'Ali & ses malheurs, exaltent & entretiennent, par des paroles chaleureuses & des gestes passionnés, l’ardeur sectaire des chiites. Le bazar qui entoure en dehors, comme nous lavons dit, le Meidani-Chahi, est voüté & éclairé par de petites ouvertures pratiquées au haut de la voûte. L'on y voit les selliers qui vendent des harnais, les vendeurs de bâts de bêtes de somme, les marchands de bonnets fourrés & de fourrures; des ateliers de serruriers & de forgerons; des boutiques de traiteurs qui vendent du kebab rôti, du pelau ou riz, de la romaine assaisonnée au vinaigre & au miel, du mast qui est la crème caillée, du thé, & ce compagnon inséparable de tout Persan, le kalian ou pipe persane. Ensuite viennent les barbiers (dallak), les bains publics à la mode des pays orientaux, c’est-à-dire les bains à vapeur, les caravansérails ou hôtelleries, les changeurs de monnaie & les ateliers des artistes peintres & dessinateurs. Outre ce grand bazar royal, chaque quartier de la ville a le sien, où l'on trouve ce qui est nécessaire à la consommation ou à l’usage de la population de ce quartier. Pour ne rien omettre de ce qui peut donner une idée de l'aspect qu'offrait cette place sous les Séfis, nous ajouterons, d’après Chardin, que, contre ces magnifiques édifices de la mosquée Royale & du marché, on dressait des échafaudages de perches minces qui montaient jusqu'en haut & qui étaient destinées à porter de petites lampes en terre, au moyen desquelles on faisait des illuminations dans les réjouissances publiques. Les maisons de la place en étaient aussi couvertes sur leurs façades, depuis le premier étage jusqu'à la terrasse ; à chaque arcade il y en avait environ cent vingt; de la sorte, la place pouvait en compter une cinquantaine DS "1 MONUMENTS MODERNES de mille, & comme ces lampions étaient très-petits, l'effet de lillumination n’en était que plus considérable. Abbas le Grand, dit Chardin, aimait beaucoup ce genre de spectacle, & s'en donnait souvent le plaisir. Du temps de Chardin, le long du portail du palais, à cent dix pas de chaque côté, régnait une balustrade de bois peint entourant cent dix pièces de canon, la plupart pièces de campagne, sauf deux qui étaient de gros mortiers que les Persans appelaient des Chameaux. Ces canons, marqués aux armes d’Espagne, provenaient de la forteresse d'Ormouz, île qu'Abbas le Grand conquit sur les Portugais. Il y avait encore, sur la place Royale, du temps de Chardin, le Pavillon de l'Horloge, bâtiment jeté en hors- d'œuvre & construit pour la récréation d’Abbas Il, à son avénement au trône. Cette horloge contenait un mécanisme qui, en carillonnant à chaque heure du jour, faisait mouvoir de grandes marionnettes, des oiseaux & des bêtes en bois peint, & des têtes, des bras & des mains attachés à des figures peintes sur le mur, tenant des instruments de musique; ouvrage grossier, mais qui faisait, au dire de Chardin, la grande admiration du peuple. MESDJID-I-CHAH. MOSQUÉE ROYALE OÙ MOSQUÉE DU CHAH ABBAS La mosquée Royale est située vers le côté Sud (planche VI-VI), comme nous l'avons dit plus haut, du Meïdani-Chahi. Sa construction date de la fin du xvi° siècle, & elle est due tout entière à Chah Abbas le Grand, dont elle porte aussi le nom. Le terrain sur lequel elle a été bâtie était une melonnière qui appartenait à une vieille femme, laquelle ne consentit à la vendre au roi que lorsque les mollahs lui en eurent fait un grand cas de conscience. On raconte qu'Abbas, n'ayant pas assez tôt à son gré le marbre nécessaire pour sa mosquée, voulait enlever celui de la vieille mosquée du Vendredi & ne renonça à cette idée que sur les instances & les supplications des mollahs, qui vinrent se jeter à ses pieds pour le détourner de la destruction d'un monument aussi remarquable par son architecture que respectable par son antiquité. Ce qui contribua plus encore peut-être que ces prières des mollahs à sauver la Vieille Mosquée, c'est que presque en même temps on vint apprendre au roi que dans l’Ardestan, canton situé entre Ispahan & Cachan, on venait de découvrir des carrières de marbre à veines blanches & rouges, qu'on employa aussitôt à la nouvelle construction. Ce marbre, dit Chardin, est si tendre, que le couteau lentame aisément. La porte principale de cette mosquée se trouve dans l'axe de ja place (planche VIT); elle est précédée d'un parvis & d’un grand bassin octogone dont le centre correspond au bazar qui entoure le Meïdani-Chahi. Le porche d'entrée de la mosquée, qui a 10 mètres de large sur $°ÿof de profondeur, se termine, vers sa partie supérieure, en voussure formée de petites niches superposées les unes sur les autres (planche IX). La face de ce porche est encadrée par une belle inscription & les tympans sont ornés d’arabesques. Cet entourage a 14" 80° de largeur sur 25" 80° de hauteur. De chaque côté de cette façade s'élèvent deux minarets de 42 mètres de haut sur 2° 8o° de diamètre à la base, ornés à la partie supérieure d’une galerie couverte en bois soutenue d’une corniche en encorbellement avec frise d'inscription. Le reste de la façade en pan coupé a 14 mètres d'élévation, & le retour est décoré de deux rangs d’arcades terminées vers le haut par une grande inscription. L'ouverture de la porte d'entrée a 2"70° de large sur 4”40° de haut; sa fermeture en bois de cyprès à deux vantaux est revêtue de lames d'argent massif ciselées & dorées. L'on entre d'abord dans un vestibule de 13" $o° de long sur 7 mètres de large, surmonté d'une coupole. Dans ce vestibule se trouve une vasque de porphyre remplie d'eau pour désaltérer les passants. Vers Îles extrémités de ce vestibule sont deux passages voûtés qui donnent accès dans la grande cour de la mosquée. Ici l'architecte persan s'est tiré avec adresse d’un retour d'angle vers l'ouest, direction de la mosquée; car on nignore pas que cest une des conditions, dans la construction des mosquées, que le sanctuaire où se trouve le Mehrab (niche) soit dans la direction du temple vénéré de la Mecque, qu'on appelle la Caaba. Il est D'ESAPAMPIERSIE 25 plus que probable que la place Royale, qui est orientée du nord au sud, était déjà construite lorsque Abbas le Grand fit élever cette mosquée. | La grande cour-a 67" ço° de long sur $2"$o° de large (planche X-XI). Dans le centre se trouve le grand bassin servant aux ablutions. | | Le sanctuaire qui est à l'axe de la cour est formé d’une salle carrée de 21" $o® sur chaque face, supportant une coupole de 37 mètres de hauteur, à partir du sol jusqu’à l'intrados de la voussure soutenue par des pendentifs qui se rattachent par des arcades à la partie du diamètre de la coupole intérieure. Au-dessus s'élève une seconde coupole qui forme le dôme que lon voit à l'extérieur, & dont la hauteur, à partir du sol du sanctuaire, est de 49" jo°. Ce dôme est surmonté d’un croissant doré haut de 4" $ço', ce qui donne une élévation totale de 54 mètres. e. Les A droite de la.niche (Mehrab) se trouve la chaire (Member), élevée de quatorze marches & faite en manière de trône, qui sert de siége; la dernière marche est plus large & plus haute que les autres. À droite & à gauche du sanctuaire sont deux grandes salles de 38 mètres de long sur 19 mètres de large, dont les voûtes sont soutenues par des piliers octogones; l’on y fait aussi la prière. La salle du sanctuaire est précédée d’une grande arcade de 8 mètres de large sur 19 mètres de haut, & d'un porche de 17" fo" de large sur 13 mètres de profondeur, & 28 mètres de hauteur, formant une demi-coupole voussure supportée par des pendentifs. L’extérieur du porche est formé d’une grande arcade encadrée & ornée sur une hauteur de 33 mètres, & large de 26"6o°. Aux deux angles de cet encadrement s'élèvent deux minarets de 48 mètres de haut, pourvus vers la partie supérieure d’une galerie en bois & couverte. C'est là que le mouezzin monte pour annoncer l'heure de la prière. Cette galerie est soutenue par une corniche à encorbellement avec une frise d'inscription. Les trois autres façades de la cour ont au centre une grande arcade encadrée & ornée, dont la voussure intérieure se termine par une demi-coupole, comme celle du sanctuaire, mais d’une moindre dimension, n'ayant que 13"60° de large sur 19"70° de haut sous voussure. Les deux arcades de l'Est & de l'Ouest précèdent deux autres sanctuaires ou chapelles surmontées d’une coupole surbaissée, n'ayant que 19" 60° de hauteur. Ces deux chapelles ont aussi leur niche (Mehrab), & au centre une vasque en marbre gris remplie d’eau fraîche pour désaltérer les personnes qui viennent y faire leurs dévotions. Le restant des façades de cette cour est orné de deux rangs d’arcades jusqu'à la frise qui les encadre; la hauteur totale n'est que do L'on voit dans cette mosquée quelques salles avec les ouvertures fermées par des grilles en bois où l'on va prier pendant l'hiver. Des logements des Mollahs sont au premier étage au second rang des arcades; c’est là qu'ils enseignent le Koran. Outre la principale porte (planche IX) qui donne sur la place Royale (Meidani-Chahi), il y en a deux autres que l’on ouvre le vendredi & les jours des grandes solennités. L'une est au Sud & l'autre à l'Est. Elles précèdent une cour de 46 mètres de longueur sur 23" ço° de large, ornée de portiques, de bassins & de jets d’eau. À gauche du vestibule de l'entrée principale se trouve un passage votté qui conduit aux latrines & à un grand bassin qu'une machine hydraulique ne cesse de remplir d'eau. Chaque latrine a une petite auge alimentée par un conduit d’eau servant aux ablutions qui sont de rigueur en pareils endroits. Tout le sol de cette mosquée est pavé en fortes dalles de pierre calcaire dure. Le socle qui pourtourne tout l'édifice est en beau marbre agatisé, provenant des carrières de Tebriz. Toute la construction de l'édifice est en bonnes briques cuites au four, posées sur un bon mortier de chaux & de sable. Tous les parements extérieurs & intérieurs des murs, des voütes, des minarets & du dôme sont revêtus de briques vernissées d’un émail beau & brillant de diverses couleurs, formant des rinceaux, des rosaces & des fleurs variées très-artistement composées & entrelacées autour de compartiments couverts de mosaique & d'inscriptions. Parmi les variétés de couleurs, le bleu turquoise & le bleu lapis dominent dans cette ornementation qui fait le plus grand honneur aux artistes persans du temps d’Abbas le Grand. On pourra se faire une idée de l'éclat & de la variété de cette décoration par la vue de la planche en couleurs (planche XII-XIIT) qui reproduit les détails d’un tympan & d'un minaret. Outre les planches VI à XI dont il a été déjà fait mention plus haut, & afin de se rendre plus 7 26 MONUMENTS MODERNES facilement compte de la courte description qu'il vient de lire, le lecteur pourra également se reporter aux planches XIV-XV, & XVI-XVII, dont l'une reproduit la coupe de la mosquée sur la ligne À B du plan (planche VIT) & l’autre, une coupe du même monument sur la ligne C D du même plan. MEDRECEH OÙ COLLEGE DE CHAH-SULTAN HUSSEIN Parmi les nombreux colléges (medreceh ou medresseh) que possède encore Ispahan, celui que fit construire Chah-Sultan Hussein, en 1710, est le plus grand & le plus somptueusement décoré, & il joint à cette magnificence extérieure l'avantage d'être situé sur la grande & belle avenue Tcharbagh. Cet édifice, dont notre planche XVIII présente la vue extérieure, a 06 mètres de longueur sur 88 mètres de profondeur. La cour principale a 62 mètres de long sur 54 mètres de large; les façades sont ornées de deux rangs d’arcades sur la hauteur. L'entrée principale, qui est sur l’avenue Tcharbagh (planche XIX-XX), est formée d’une grande arcade de 6 mètres de large, 3 mètres de profondeur & 12" jo‘ de haut, & terminée en forme de demi-coupole ornée de petites voussures superposées qui se rattachent par des pendentifs à la partie carrée. Le soubassement est en grandes plaques de marbre de Tebriz; le cadre de l'arcade est orné d’une triple torsade soutenue par de petites colonnes en marbre, en forme de balustres. Cette ouverture est fortement encadrée, ornée & terminée par une belle inscription en lettres blanches sur fond outremer foncé. Le reste de la façade est décoré de deux rangs d’arcades sur la hauteur; celles du premier étage formant balcon rentrant, avec des ouvertures de portes & de fenêtres qui éclairent le passage des cellules. La porte sous ce porche d'entrée, de 2" $o® de largeur sur 4" 2$° de haut, est à deux vantaux en bois de cyprès, revêtus à la face extérieure de lames d'argent massif, très-élégamment ciselées & dorées. Le vestibule, qui a 6 mètres de large, 12 mètres de long & 13 mètres de haut, est orné d’une coupole surbaissée & de deux demi-coupoles aux deux extrémités du vestibule, où se trouvent les passages pour entrer dans la cour principale. Là se trouve une vasque en marbre, remplie d’eau fraîche bonne à boire (planche XXT). Les arcades des façades sur la cour sont au nombre de 36 au rez-de-chaussée, & d’un pareil nombre au premier étage. Celles du rez-de-chaussée précèdent une avant-salle & une arrière-salle. D'abord, l’arcade forme un porche de 2 mètres de profondeur sur 3" 10° de largeur; c'est là, en été, que le mollah (professeur) enseigne le Koran aux élèves. En hiver, il professe dans l’avant-salle, & l’arrière-saile sert de dépôt aux manuscrits dont les élèves & le professeur peuvent avoir besoin. Le premier étage a les mêmes dispositions, & la seule différence consiste en ce que l’arcade sur la façade forme balcon, & l'arrière-salle devient un corridor pour communiquer à toutes les salles d'étude. L'on arrive au premier étage par de petits escaliers placés dans les épaisseurs des murs des quatre petites cours octogones situées aux angles du corps des bâtiments. Ces escaliers conduisent aussi sur les terrasses. Deux de ces cours octogones communiquent aux cours des latrines & à la grande cuisine. À l’époque de la fondation de ce collége, les professeurs & les élèves recevaient des rations de riz, de pain & quelquefois de rôti (kebab). L’axe des quatre façades de la cour principale est pourvu de quatre grandes arcades; celle de l'Est donne \ entrée à une salle à coupole surbaissée, servant de chapelle; celle du Nord précède la sortie du collége dans le bazar, par deux passages communiquant au vestibule à coupole surbaissée & au porche qui donne sur ledit bazar; celle de l'Ouest correspond au vestibule de la porte principale; celle du Sud, enfin, qui est plus grande & plus haute que les trois autres, forme un grand porche de o mètres de large sur 9 mètres de profondeur &' 14" 60° de hauteur, & précède l'entrée de la chapelle principale ou mosquée du collége. Cette salle, qui est octogone, a 12 mètres de diamètre; elle possède sa niche (Mehrab) & sa chaire (Member). Trois rangs d’arcades superposées ornent son intérieur, soutenant une belle coupole élancée, dont la hauteur, du sol à l’extrados, est de 27" 20°, Le dôme extérieur, s’élevant au-dessus de celle-ci, a un diamètre de 16 mètres, mesuré à l'extérieur, sur une hauteur de 34"7o°. Le croissant en bronze doré qui le surmonte est de 2" ç0o° de haut, ce qui donne en tout une hauteur de 37" 20°. À l'époque où nous avons visité cet édifice, la BIENSRERÈSIE 27 partie extérieure du dôme, au sud, était dégradée; les briques émaillées s’en détachaient, faute de réparations entreprises à temps. Par la porte à gauche du sanctuaire octogone, on entre dans une grande salle dont les vottes forment 16 petites coupoles soutenues par des piliers. Cette salle est destinée aux prières pendant l'hiver. La façade de la grande arcade du porche de cette mosquée est encadrée par une belle inscription, & ses deux tympans sont richement décorés. Aux angles de cet encadrement s'élèvent deux minarets de 35 mètres de hauteur sur 2" ço° de diamètre, ornés vers la partie supérieure d’une galerie en bois supportée par une corniche en encorbellement, & d’une inscription en lettres noires sur fond jaune. Le petit dôme de la dernière partie du minaret est surmonté d’un croissant en bronze doré. La cour principale (planche XXII-XXIIL) est transformée en un jardin formant quatre compartiments encadrés de plates-bandes de rosiers, de jasmins & d’autres fleurs; le centre est en gazon; le tout est entouré de platanes : de grande taille. Un grand canal de 6" ço° de large, sur la longueur de la cour, divise le jardin en deux parties égales. L'eau de ce canal est courante, encaissée sur les deux rives longitudinales par trois rangs de marches en belle pierre de taille sur lesquelles peuvent s'asseoir ceux qui y font leurs ablutions. Ce canal traverse en tunnel le vestibule principal & lavenue Tcharbagh. Dans le jardin que nous venons de décrire se trouve un café & un restaurant, où les Persans, après avoir rempli leurs devoirs religieux, viennent faire, pendant la belle saison, leur frugale collation de riz, de salade au miel & au vinaigre, de fromage à la crème, accompagné, selon l’usage, d’une tasse de thé ou de café, & de kaliân ou pipe à la persane. Sur la terrasse de la porte principale s'élève un pavillon en bois peint & décoré; c’est là que se placent les mouezzins pour annoncer l'heure de la prière. Tout cet édifice est pavé de dalles de pierre dure. Sa construction est de bonnes briques cuites au four, & les murs sont revêtus de briques émaillées de diverses couleurs, formant des dessins variés de fleurs, de rinceaux, de cartouches, d'inscriptions & de mosaïques, dont l’ensemble offre à l'œil un aspect de splendeur qu'on ne peut s'empêcher d'admirer. Le plan de l'édifice est parfaitement entendu, très-régulier & fait honneur aux artistes qui l'ont conçu & exécuté. On peut se reporter aux planches XVIII à XXXI pour les plans d'ensemble & les détails en lithochromie du medréceh & de la mosquée : nous signalons, entre autres, à nos lecteurs la planche XXIV-XXV qui est une reproduction en couleur des plus fidèles de la partie supérieure du minaret, & la planche XXVI-XXVII qui donne également en couleur de charmants détails des arcades de la cour du medréceh. LE CARAVANSÉRAI DE LA MÈRE DU ROI (CARAVANSÉRAI-MADÉRI-CHAH ) À la suite de ce beau collége (medréceh) se trouve le vaste caravansérai nommé Caravansérai-Madéri-Chah, ou de la Mère du Roi, construit aux frais de la mère de Chah-Sultan Hussein. (Planche XXXII.) Une ruelle de 5" 20° de largeur sépare ces deux édifices. La longueur totale du caravanséraï est de 128 mètres sur 93 mètres de large. Deux cours séparent les bâtiments qui le composent : la première cour a 69" ç$o° de longueur sur 68" 10° de largeur; les angles rentrants sont à pans coupés; deux rangs d’arcades sur la hauteur décorent les façades. Le rez-de-chaussée est élevé d’un mètre au-dessus de la cour; une estrade en forme de terrasse, en avant des arcades, règne tout autour du rez-de-chaussée; on y monte par quatre marches, dans huit endroits seulement. L'entrée principale du caravanséraïi est au Nord sur le bazar dont nous allons parler, & dans l'axe de la’ cour; cette entrée est formée d'une grande arcade formant porche du côté du bazar; l'ouverture du porche est fermée par deux grands vantaux de bois qui donnent entrée dans un vestibule spacieux où se tiennent le gardien & le concierge. Ce dernier, à l'arrivée des caravanes ou des voyageurs isolés, est chargé de leur désigner les salles qui sont à louer. Au centre des trois autres façades de la cour sont les logements plus importants; 28 MONUMENTS MODERNES l'arcade du centre est plus large, elle divise les quatre façades en huit parties, & chaque partie compte six arcades. Celles du rez-de-chaussée forment un porche de 3" ço° de largeur sur 2" 20° de profondeur, & précèdent une chambre de 6 mètres de profondeur : on y dépose les marchandises. Sur le derrière des bâtiments Sud & Ouest se trouvent de vastes salles pour recevoir les marchandises d'une seule caravane. Aux deux angles Sud-Est & Nord-Est sont deux salles octogones réservées aux voyageurs qui n’ont pas de marchandises. Les latrines sont dans les cours situées aux angles Sud-Ouest & Nord-Ouest. On y descend par quatre marches. | À la façade Est, deux arcades communiquent aux écuries. L'on monte au premier étage par huit petits escaliers; cet étage est destiné au logement des marchands & de leurs familles. Au centre de la cour se trouve une estrade octogone de 11 mètres de diamètre, élevée d'un mètre au-dessus du sol; c’est là que les marchands se réunissent & tiennent bourse pour fixer les prix de leurs marchandises. Pendant l'été, ils placent leurs bêtes de somme, chameaux, chevaux ou mulets, autour de cette estrade, pour les avoir sous la main & les charger lorsqu'ils ont à expédier les marchandises achetées dans la ville. Le canal qui traverse le collége traverse aussi cette cour dans les mêmes conditions que celles que nous avons décrites plus haut. La cour des écuries forme un carré long de 78 mètres sur 19" 20° de largeur. Les bâtiments qui l'entourent sur les trois côtés & qui ont $ mètres de largeur, servent d’écurie pour les chevaux, les mulets & les chameaux des caravanes. À la façade, du côté de la porte donnant sur le bazar, sont les chambres des gardiens & des muletiers. Au centre de la cour le canal reparait avec son eau courante, dans laquelle puisent les muletiers pour abreuver & panser leurs bêtes de somme. BI EUZEITIR Contigu aux deux édifices que nous venons de décrire se trouve un bazar éclairé par le haut de la voûte. Il longe ces deux corps de bâtiment de l'Est à l'Ouest. À l'entrée du bazar par le Tcharbagh sont placés d’un côté un café & de l’autre un restaurant. La longueur de ce bazar est de 222 mètres sur 6 mètres de large; il compte quatre-vingt-dix boutiques où l'on vendait tout ce qui était nécessaire à la consommation des habitants de ces deux édifices & des alentours. La construction du caravanséraï & du bazar est, comme celle du collége, en bonnes briques cuites au four. Leur caractère est simple, sévère, approprié à leur destination. La cour du caravanséraï seule a une ornementation en briques émaillées aux tympans de ses arcades. Depuis que la population d'Ispahan a considérablement diminué, ces deux établissements ne sont plus fréquentés. 'AMNCEEANREES CE L'avenue Tcharbagh complète la série des principaux monuments d’Ispahan; elle est lornement & l'orgueil de la ville. Pietro della Valle qui l'avait presque vue naître, car c’est Chah Abbas le Grand qui l'a fait planter, ne cache pas son admiration pour cette belle voie, & la met au-dessus de toutes les avenues analogues qui existaient de son temps en Europe. Après en avoir donné une description détaillée, il finit ainsi : « En un mot, le Tcharbagh est une chose royale & qui a beaucoup de grandiose. Que la première place lui soit cédée de bonne grâce & par la rue del Popolo de Rome & par celle di Poggio Reale de Naples, celle qui est hors de la ville de Gênes & celle de Monreale de Palerme; car le Tcharbagh d'Ispahan, soit dit sans passion, les prime . DE LA PERSE. 29 toutes. » (Pietro della Valle, I, 36. Éd. Rome, 1658.) C’est une avenue de platanes qui a son point de départ à la hauteur du Meidani Chahi, se dirige du nord au sud en ligne droite jusqu’au Zendéroud, & se prolonge au delà de cette rivière. Elle a, en tout, 3,000 mètres de longueur sur 33 mètres de largeur; elle est formée de quatre rangs de platanes très-gros & très-élevés. Les deux allées de côté ne sont pas pavées, elles servent pour les gens à cheval; l'allée du centre est pavée en dalles de pierre dure, divisée au milieu par un petit canal : c'est celle des piétons. Les deux parties entre les trois allées sont couvertes de verdure & de fleurs de toutes espèces. De distance en distance sont des canaux & des bassins de formes & de dimensions différentes destinés à recevoir sans cesse les eaux du Zendéroud & à les répandre au besoin sur les gazons & sur les plates-bandes de fleurs. En tête de cette promenade se trouve encore le pavillon que Chah Abbas le Grand fit construire pour les femmes de son harem, afin que, placées là sans être vues, elles pussent jouir du coup d'œil des fêtes qui se donnaient le long du Tcharbagh. À lautre extrémité, celle du sud, au delà du Zendéroud, se dressait un autre pavillon qui précédait l'immense & beau jardin appelé Hézar-Djérib (mille arpents), jardin complétement ruiné à l’époque où nous l'avons vu, mais restauré depuis, en partie du moins, à ce qu’on nous assure. Les vingt pavillons que l’on voit encore sur les deux côtés de Tcharbagh ne sont plus habités & sont même en partie ruinés. L’avenue, avec ses quatre rangées d’arbres, subsiste encore dans toute sa beauté. Le mot Tcharbagh signifie quatre jardins : ce nom a été donné à l'avenue parce qu’elle a pris en grande partie la place de quatre vignobles (bagh), & comme c'était un bien de mosquées, Chah Abbas le prit à bail perpétuel moyennant une rente annuelle. Chah Abbas portait tant d'intérêt à cette avenue qu'il ne voulut pas qu'un seul arbre y fût planté autrement qu'en sa présence, & on assure que sous chaque arbre il fit mettre une pièce d'or & une pièce d'argent. PALAIS AIINÈH-KHANEH Le palais Aïinèh-Khanèh (pavillon des Miroirs) est une résidence royale située en dehors de la ville, sur la rive droite du Zendéroud, près du pont Baba-Rocn-oud-din. Cette résidence comprend un pavillon orné d'un portique de dix-huit colonnes qui précède quelques salles, & en outre un grand bâtiment carré ayant une cour au centre, entièrement séparé du pavillon Aïinèh-Khanèh. Entre ces deux constructions règne, vers la face Sud, un vaste jardin orné de kiosques, pourvu de bassins aux eaux jaillissantes & de canaux d'arrosage. Le grand bâtiment carré est réservé pour le harem, & dans le pavillon des Miroirs, le souverain, quand il vient à Ispahan, donne des audiences pendant la saison d'été. La longueur totale de ce pavillon est de 44 mètres, & sa largeur de 21 mètres. Le portique fait face au Nord & donne sur le Zendéroud. Les 18 colonnes qui le supportent sont en bois de cyprès de 12 mètres de hauteur, base & chapiteaux compris. Son entablement a 2" 40° de hauteur. À la suite de ce portique se trouve une salle fermée sur les trois côtés par des portes à panneaux & par des fenêtres grillées à compartiments, cette salle en précède une autre moins grande, mais surmontée d’une riche coupole; aux deux angles Sud-est & Sud-ouest de cette dernière se trouvent deux salons précédés de trois porches à large arcade. Sous le portique on voit des bassins avec des jets d’eau, & les quatre colonnes du centre s'élèvent sur des bases en marbre blanc formant un groupe de quatre lions, dont la gueule fait jaillir l'eau qui s'écoule dans le grand bassin. Le sol est pavé de grandes dalles de pierre dure. L’on monte à ce portique par quelques marches au-dessus d'une chaussée pavée également en dalles de pierre qui pourtourne le pavillon. La décoration de ce pavillon, dont l’ensemble est d’un grand effet, est dans le style adopté en Perse pour les constructions de ce genre; ce sont toujours les mêmes combinaisons de compartiments, de cartouches, 8 30 MONUMENTS MODERNES d’ornements, d'inscriptions, de peintures, de dorures, avec profusion de cristaux, de miroirs sur les colonnes, les murs & les plafonds encadrés par des moulures dorées. On peut voir (planche XXXIHI) une vue perspective extérieure du pavillon, prise de la rive gauche du Zendéroud. La planche XXXIV donne un plan, une coupe sur la longueur du plan, & la façade du portique dont la planche XXXV représente une vue perspective intérieure. ÉRECIEMAE PIC Le pavillon appelé Hecht-der-Behicht, les huit portes du Paradis, ou plus communément Hecht-Behicht, Les huit Paradis (1) (planches XXXVI & XXXVII), a été construit par Feth-Ali Chah, bisaïeul du roi actuel, dans l'enceinte de l’ancien palais des rois Séfis, pour y loger pendant l'été ses huit favorites du moment. Chacune avait son appartement séparé; il y en avait quatre au rez-de-chaussée & quatre au premier étage avec les communications établies de l’un à l’autre. Ce pavillon, qui fait suite au Tchéhel-Soutoun que nous allons décrire à son tour, a 30 mètres de longueur sur 26" 3$° de largeur; il est élevé de 2 mètres au-dessus des terrasses. L’on y monte par deux perrons à double rampe de dix marches chacune; ils sont adossés aux façades Est & Ouest & donnent entrée à deux portiques identiques ornés sur les façades de deux hautes colonnes en bois. Ces portiques précèdent une grande salle à pans coupés de 8” 40° au carré, couverte d’un dôme surmonté d’une lanterne également en dôme percé de huit ouvertures garnies de grilles de bois. Au centre de cette pièce se trouve un bassin octogone de 3” 30° de diamètre animé par un jet d'eau. Par les ouvertures des portes à pans coupés on entre dans les pièces octogones de 4" 70° de diamètre & servant de boudoirs. Toutes ces pièces en ont d’autres de service avec des escaliers, les uns pour descendre aux bas offices, d’autres pour monter au premier étage, où fon trouve la même distribution avec les quatre boudoirs octogones communiquant les uns aux autres par des balcons supportés par de riches voussures (planche XXXVII). Le portique principal regardant le Nord sert de salon destiné au roi. C'est là que Feth-Ali Chah avait l'habitude d'assister aux danses des ballerines. Ce portique, supporté par deux hautes colonnes de forme octogone en bois de cyprès, plus fortes de dimensions & de hauteur que celles des deux autres portiques, a 12" 80° de long, 7" 30° de large, & 11 mètres de haut. Au centre de ce portique se trouve un petit bassin long de 2" 80° sur 2" 30° de large, avec son jet d’eau dont l’eau s'écoule par un petit canal à découvert pour former cascade sur la façade Nord. Le plafond de ce portique à compartiments est richement décoré. L’ornementation de la coupole du centre & de la lanterne (planche XXXIX-XL), des voussures & des murs intérieurs de cet élégant pavillon peint & doré, consiste en cartouches, rinceaux, figures de divers oiseaux & fleurs, encadrements de cristaux & verres à glaces qui reflètent les mille couleurs des tapis qui couvrent le sol. Toute cette brillante peinture conserve encore toute sa fraîcheur. On y voit aussi deux grands tableaux où est représenté Feth- Ali Chah assis sur son trône & entouré de plusieurs princes ses fils. Le tout repose sur un soubassement formant socle en beau marbre de Tébriz. Rien de plus agréable que l'effet que produit la vue de l’ensemble. Une terrasse de 12 mètres de largeur pavée en dalles de pierre dure entoure l’extérieur de cet édifice. Au centre de cette terrasse se trouve un petit canal qui reçoit les eaux provenant des bassins intérieurs & extérieurs ; de là elles vont s’écouler dans deux grandes pièces d’eau de 8 mètres de largeur sur $o mètres de longueur, en face des portiques Est & Ouest. Le tout est entouré de hauts platanes, de parterres de fleurs & de gazons. (1) Les mahométans prétendent qu’il y a sept enfers & huit paradis, Dieu aimant exercer plus amplement sa miséricorde que sa sévérité. DE LA PERSE. 31 S On arrive à ce pavillon par de larges allées bordées de rosiers & de jasmins. Celle du Nord communique au palais Tchéhel-Soutoun; celle de l'Ouest a une grande porte ayant sa façade sur l'avenue Tcharbagh. Les autres allées se dirigent dans le jardin fruitier. TCHÉHEL-SOUTOUN OÙ PALAIS A QUARANTE COLONNES Le plus somptueux de tous les palais qui existent actuellement à Ispahan est le palais Tchéhel-Soutoun (quarante colonnes). Il est renfermé dans une enceinte de murs ornée d’arcades, longue de 282 mètres & large de 187 mètres & entrecoupée de canaux, d’allées d'arbres, de grandes pièces d’eau, de gazons & de plates-bandes de fleurs (planche XLT). Chardin nous a laissé dans son voyage (t. III, p. 26. Éd. d'Amsterdam, 1711) une description du palais de ce nom situé dans la même enceinte & construit par Chah Abbas le Grand, mais celui que nous allons décrire n'est pas le même édifice. Le palais Tchéhel-Soutoun d’Abbas a brülé du temps de Chah Sultan Hussein, comme nous l’apprend le père Krusinski. Ce dernier prince assistait précisément à une fête donnée dans ce palais lorsqu'un violent incendie s’y déclara, & bien que, avec quelques efforts, on eût peut-être pu s’en rendre maître, Chah Sultan Hussein, persuadé que ce serait manquer à cette résignation qui fait le fond de la religion mahométane que de lutter contre le fléau, empêcha d’éteindre le feu, disant d’ailleurs qu'il remplacerait le palais brülé par un nouveau encore plus beau. C’est donc le Tchéhel-Soutoun de Chah Sultan Hussein que nous allons décrire. Ce palais a ÿ6 mètres de longueur sur 30" 60° de largeur. Sa façade principale (planche XLIH-XLIH) se présente avec un vaste portique de six colonnes sur trois de profondeur, en sorte qu'au lieu de quarante colonnes comme le ferait supposer le nom, il n’y en a que dix-huit; mais on peut répéter ici l'observation faite à ce sujet par Chardin, que les Persans emploient souvent le nombre quarante pour désigner un certain nombre relativement considérable, quoique inférieur en chiffre, comme, par exemple, lorsqu'ils appellent un lustre ccheltcheragh (quarante lampes). Ces colonnes ont 14" $o° de hauteur; leur diamètre est de o" 60°, & l’entablement avec frise & encorbellement qui les surmonte est de 3" 70° de hauteur. Les colonnes sont en bois de cyprès, de forme octogone & recouvertes, sur chaque face, de glaces retenues par des cadres. Les bases sont en marbre blanc; celles des quatre colonnes du centre sont sculptées de quatre lions groupés qui font jaillir de leurs gueules l’eau dans le bassin carré placé au pied des quatre colonnes. Ce portique est élevé de quatre marches au-dessus des terrasses. Les colonnes supportent un plafond à compartiments où sont peintes des fleurs en or qui ont encore tout leur éclat, avec des cartouches garnis de glaces qui reflètent les brillantes & diverses couleurs de ce salon. Le portique précède la salle du trône, ornée, à son entrée, de deux colonnes un peu plus courtes que les précédentes. Cette salle est carrée de 14” 70° sur chaque face, ornée d’un riche plafond à compartiments ; au milieu de la salle se trouve un bassin de ÿ" 80° de long sur 3" de large avec son jet d’eau. Le trône était placé dans une grande niche à base carrée, se terminant vers le haut par une demi-coupole d’une grande magnificence. Ce trône était, dit-on, en jaspe; il était soutenu par des lions, par des statues de même pierre avec des incrustations de pierres précieuses. Il fut enlevé par les Afghans, lors de leur conquête de la Perse dans le dernier siècle. À droite de la salle du trône se trouve une grande salle destinée pour le roi, & à gauche une autre salle semblable où se réunissaient les ministres. À la suite vient une grande salle à trois coupoles de formes variées, peinte & dorée avec le goût & l’élégance propres à l’ornementation persane. Les murs sont couverts de grands tableaux dus à des artistes persans : c'est assez dire que, sauf l'expression bien rendue des physionomies du pays, ces tableaux ont tous les défauts des peintures persanes : absence complète du dessin & ignorance des règles de la perspective. Deux de ces tableaux représentent des fêtes données par un roi de Perse À des ambassadeurs de l'Inde. Les sujets des autres tableaux sont des batailles livrées tantôt aux Turcs, tantôt aux Indiens. Cette grande salle est précédée 32 MONUMENTS MODERNES d’un portique orné de colonnes sur les façades latérales Nord & Sud. Sur la façade Ouest se trouve un porche & deux petites salles destinées aux officiers de service auprès du souverain. C'est dans ce palais que les rois Séfis recevaient en audiences solennelles les ambassadeurs étrangers. Toutes les ouvertures des fenêtres de ce palais, situées au-dessus du premier cordon, sont en vitres de couleur formant divers compartiments combinés & exécutés avec beaucoup d'art & de goût. Les ouvertures de portes sont fermées les unes par des grillages en bois, d’autres en panneaux pleins ornés de peintures. Tous les murs du portique & de la salle du trône sont décorés, peints & dorés, avec des cadres garnis de glaces à partir du socle jusqu’au plafond; le socle est en beau marbre de Tébriz. Les terrasses qui entourent le palais sont pavées en grandes dalles de pierre dure encadrant des canaux dont l'eau limpide s'écoule dans deux vastes pièces d’eau de 26 mètres de largeur : l’une de 108, l’autre de 78 mètres de longueur. L'entrée principale de ce jardin royal est à l'Est, par un long passage voté, orné de portiques. À l'angle Sud-Est du mur d'enceinte se trouve la porte qui donne accès à un palais nommé Narendjistan ou Orangerie, palais richement décoré. Dans la principale salle de ce palais, celle qui donne sur le jardin & sur le grand bassin à jets d'eau, on trouve des portraits de Feth-Ali Chah & de plusieurs princes de sa famille. Sur les murs on a peint des fleurs, des oiseaux & des animaux. Derrière cette salle se trouve une autre également très-bien décorée avec une riche coupole. Là aussi on voit des portraits de personnages persans & européens. Au centre du mur d'enceinte Sud du jardin royal, par l'ouverture d’une petite arcade, on passe sous une tour octogone qui conduit dans le harem. L'on communique aussi par une porte secrète à ce harem du palais de Narendjistan. À l'angle Sud-Ouest, toujours du jardin royal, l’on entre dans un passage voüté qui conduit dans le jardin fruitier royal où se trouve l’élégant pavillon Hecht-Behicht que nous avons déjà décrit. SEMNMENS ER AR Or RIDER Dans la galerie voütée qui conduit de la cour des écuries à la porte principale du jardin royal du Tchéhel- Soutoun, se trouve à gauche, vers le milieu de cette galerie, une ouverture de porte qui communique à un petit palais qui précède celui des femmes. Dans le plan de ce petit palais, remarquable par une distribution heureuse, on voit une salle destinée au repos pendant les grandes chaleurs de l'été. Cette salle, appelée Ser-Pouchideh (tête couverte), a été construite par le prince Seif-oud-Dowleh-Mirza, fils de Feth-Ali Chah. Elle a 11 mètres de longueur sur 9 mètres de large & 9 mètres de hauteur. Le plafond est soutenu par quatre colonnes en bois de cyprès de forme octogone & dont les bases plongent dans un bassin 8" ço° de long sur 6" 60° de large & de 0"60° de profondeur, hauteur de l’eau de ce bassin. La bordure de ce bassin est en marbre & s'élève de 1" 30° au-dessus du sol de la salle, pavée aussi en marbre. Les colonnes dont nous parlons ont pour base un groupe de quatre figures droites de 1® 8o° de hauteur, qui représentent des jeunes filles vètues d’une tunique, parées de bracelets & de colliers superbes, supportant chacune avec leurs deux mains une tête de lion de la gueule duquel jaillit l'eau qui tombe dans le bassin. Les figures de ces jeunes filles sont posées sur un socle octogone, & sur ses faces l’on voit sculptés divers ornements. Malgré l’incorrection du dessin, les têtes des jeunes filles ne manquent pas d'expression, & lon ne peut sempècher de trouver beaucoup d'art dans la composition de ces figures exécutées en marbre gris. Les colonnes ont 0" 40° de diamètre; elles sont couronnées d’un large chapiteau à cinq rangs de facettes en encorbellement. Autour de cette salle se trouvent quatre autres salles dont trois sont fermées par des grillages en bois, divisés par compartiments avec des chässis ouvrant à coulisses & ornés de verres de couleur. La quatrième salle est en forme d’une grande niche dont toute la voussure se compose de prismes de cristaux superposés les uns sur les autres & qui produisent l'effet d'un nombre infini de diamants réfléchissant les eaux du bassin et les couleurs variées de toute la décoration de cette salle. C’est dans cette salle garnie de riches tapis qu'on se repose dans l'ombre & la fraîcheur. DE LA PERSE 33 Au-dessous du plafond supporté par les colonnes, une rangée de croisées tout autour de la salle procurent du jour à travers des vitres de couleur. La partie du centre est plus élevée, forme atrium couvert par un riche plafond, & le jour y arrive par de jolis compartiments & des châssis en vitres de diverses couleurs. La décoration de cette salle est toute resplendissante de peintures & de dorures. On y a peint des rinceaux, des oiseaux, des fruits, des fleurs, des portraits de femmes richement vêtues & parées, ainsi que des cavalcades représentant des chasses au lion, aux gazelles & des chasses au faucon. Un socle en marbre gris & sculpté règne tout autour de cette salle ; un second socle en marbre de Tébriz sert de lambris au pourtour des salles & des portes. | Cette décoration, éclairée par une lumière douce venant du dehors, reflétée par les innombrables prismes de cristaux des colonnes & des voûtes, & le silence qui règne tout autour & qui n'est troublé que par le bruit léger des filets d’eau qui tombent dans les bassins, la vue des formes & des figures qui ne manquent pas de grâce, produisent une impression qui flatte les sens & font de ce lieu un séjour favorable au repos & au sommeil. BESZE RMI ES TE INIEEAURReS Les bazars sont, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, fort nombreux à Ispahan: chaque quartier de la ville a le sien & l’on y trouve généralement tout ce qui est nécessaire pour la consommation journalière de la population. Mais les bazars destinés à l’industrie se groupent autour de la place royale (Meïdani-Chahi). Celui dont nous avons reproduit la vue sur une de nos planches (planche XLV) est le bazar dit des Taïlleurs. I est situé au Nord de cette place, à l'entrée de larcade Nagarèh-Khanèh. Ce bazar a 8 mètres de large sur 12 mètres de hauteur sous voûte. Il est remarquable par la combinaison de l'appareil de ses voussures & de ses pénétrations parfaitement exécutées en bonnes briques cuites au four, & par sa coupole établie sur les trois embranchements du bazar. Chaque tailleur occupe une boutique & un entre-sol. L'on voit encore ici la vasque en marbre placée au centre de la coupole; le concierge du bazar est chargé de la tenir toujours pleine d’eau fraiche pour désaltérer les tenants de boutiques & les passants. Les tympans des arcades seuls sont ornés de briques de couleurs émaillées. Le sol du bazar n'est pas pavé, ni celui des autres bazars non plus. PIONNPNAAL EENCE RD KT AN La ville d'Ispahan communique au faubourg de Djulfa à travers le Zendéroud par un magnifique pont appelé quelquefois pont de Djulfa, mais plus communément pont d’Allah-Verdi Khan, du nom de son fondateur, généralissime d'Abbas le Grand & ami intime & dévoué de ce prince. Ce pont (planches XLVI & XLVII), qui aboutit à l'avenue de Tcharbagh, a 29$ mètres de longueur sur 13" 75° de largeur. La chaussée est pavée en dalles de pierre, &, sur sa largeur, 9" 20° sont destinés au passage des cavaliers, des caravanes, des chariots & des bestiaux. De chaque côté s'élèvent des galeries en arcades réservées aux piétons. Sur la plate-forme, au-dessus de la vote de ces galeries, on peut se promener malgré le peu de hauteur du parapet. On y monte par de petits escaliers qui se trouvent aux deux extrémités des galeries. Tout le pont est construit en brique sur un soubassement en pierre calcaire dure, qui forme trente-quatre piles y compris les deux culées, & trente-trois ) 34 MONUMENTS MODERNES arches. La largeur des arches est de $" $7°; quatre arches seulement sont un peu plus étroites. Les piles ont une égale épaisseur de 3" 40°. Le radier du pont est pavé en grandes dalles de pierre & il se prolonge en aval sur une largeur de 11 mètres en terminant par deux retraites de o" 90° chacune, formant talus, où l’eau s'écoule en cascade dans le lit de la rivière (planche XLVIH). À l'époque de l'étiage des eaux du Zendéroud, on passe sous les arches du pont par une galerie votée, & sur la largeur de chaque arche se trouvent des dés en pierre de ©" ço° au carré, où sont des rainures pour y placer des vannes en bois, afin d'élever les eaux à o" ço*, hauteur nécessaire pour faire parvenir l’eau dans les canaux d'irrigation établis sur les deux rives. La hauteur du pont, à partir du radier jusqu’au-dessus de la chaussée, est de $" 16°; la hauteur, à partir de la chaussée au-dessus de la plate-forme des galeries latérales, est de 4" 75°, ce qui donne 8" 39° de hauteur totale du pont. Les têtes de ce pont sont flanquées de tours rondes de 3 mètres de diamètre, construites en pierre de taille par assises inégales. Vers la partie sud, une rampe douce de 65 mètres de longueur s’allonge sur le sol de la rive droite & le parapet se termine par deux bornes milliaires ornées d'inscriptions persanes (planche XLIX). PONT DE HASSAN-ABAD Le pont Hassan-Abad (planche L), appelé aussi pont de Baba-Rocn-oud-Din, a été construit par Chah-Abbas II. On l'appelait encore le pont des Guèbres. Ce pont conduit également sur la route de Chiraz. Il est moins long & moins large que celui d’Allah-Verdi-Khan, mais il est plus remarquable que celui-ci par sa construction & son ornementation. Sa longueur est de 126 mètres sur 11” 70° de largeur (planches LI & LIT). Le soubassement de ce pont, construit sur un radier de 26 mètres de largeur, sert de barrage pour élever les eaux du Zendéroud à deux mètres à l'époque des basses eaux, par le moyen de portes à vannes, & pour régler les eaux d'irrigation sur les deux rives, en faisant passer la surverse par des soupiraux d’où elle tombe en cascade dans le lit de la rivière du côté d’aval. Lorsqu'on se promène sur ce soubassement on voit, & on entend l'eau couler sous ses pieds avec un murmure agréable. Les arches sont percées & voütées d’un bout à l’autre du pont & pavées de fortes dalles en pierre dure ayant 3" 40° de long, o" 90° de large & 0" 35° d'épaisseur. Ces dalles couvrent la largeur des soupiraux sur toute la longueur des arches. La construction du radier, du soubassement, des piles & des culées, est en forte pierres dures posées par assises jusqu'à la naissance des voussures des arches. Toute la partie supérieure de la construction est en bonnes briques. X\ La chaussée du pont, élevée à 4" 6o° au-dessus du soubassement, pavée également en dalles de pierre, a 6® 40° de large; celles des galeries réservées aux piétons de chaque côté de la chaussée du milieu ont 1" 60° de large, & sont formées par des arcades dont la plate-forme, élevée de 4 mètres, est assez large pour que deux personnes puissent y marcher de front. Un garde-fou à hauteur d’appui & à jour s'élève sur les deux côtés de la plate-forme. = Aux deux têtes du pont sont deux rampes de 10 mètres de longueur chacune, avec parapets terminés par des colonnes-bornes en marbre précédant quatre pavillons. Au centre du pont on voit deux autres grands pavillons de 7" $o® d'élévation en saillie sur les faces extérieures du pont, de forme octogone avec terrasse & appui à jour au-dessus. Ces pavillons se composent de plusieurs salles voütées & ouvertes par de grandes voussures où des personnes de la classe aisée d’Ispahan viennent pendant les chaleurs de l’été respirer l'air frais & pur, fumer le kaliän & prendre le thé. L'on voit encore dans ces diverses salles des restes de peintures, de dorures, de cartouches, d'inscriptions persanes en vers & en prose. Au-dessus du pavillon du centre, du côté seule- ment d’amont, s'élève une tribune couverte réservée au corps de musique qui exécute des fanfares le jour du vendredi. DE LA PERSE 12) Tous les tympans des arcades ainsi que les balustrades à jour au pourtour des terrasses sont ornés de briques émaillées de couleurs & de fleurs. Divers escaliers facilitent les communications du soubassement du pont aux terrasses & à la tribune de l'orchestre. COLOMBIER — ATECHGAH — COLONNES TREMBLANTES COLOMBIER Les colombiers sont très-nombreux dans les environs d'Ispahan, particulièrement vers la partie Nord-Ouest de la ville, la mieux cultivée, grâce aux cours d’eau qui y abondent. Chaque jardin possède son colombier où lon élève une grande quantité de pigeons pour obtenir la colombine, excellent engrais pour certaines cultures. Ces colombiers affectent en général une construction massive & presque monumentale formée d’une grande tour, d'un donjon, couronné ordinairement d’une corniche avec des ornements peints en rouge & en noir, & d’un mur d'appui dont les briques sont appareillées en forme de damier. Au-dessus des terrasses s'élèvent de petites tourelles à coupole, également en briques posées aussi en forme de damier, par où sortent & rentrent les pigeons qui habitent l’intérieur de la tour. Le colombier dont nous donnons le dessin (Planche LIT) a 13 mètres de diamètre sur 12"70° de hauteur jusqu’à la corniche, niveau de la terrasse. Les épaisseurs des murs ont en moyenne o"8o°. La tour est divisée sur sa hauteur en deux étages; la tour du donjon a 2"80o° de diamètre sur 3"20° de haut. À laxe de chaque pièce intérieure se trouve une colonne en bois qui s'élève sur toute la hauteur, maintenue par des traverses qui vont d’un mur à l’autre & servent en même temps de tirants, pour maintenir l'équilibre des murs, & de perchoir aux pigeons. Dans les intervalles de ces traverses sont des chevilles en bois qui forment des échelons à laide desquels on monte jusque sous les voütes, quand on veut enlever les jeunes pigeons de leurs nids pratiqués dans les parois intérieures des murs. Toute la construction est en bonnes briques cuites au four. ATECHGAH On appelle en persan atech-kédèh ou atechgah un pyrée ou temple du Feu tel que les anciens ignicoles de la Perse en construisaient comme lieu réservé à l'exercice de leur culte. L’atechgah que représente la planche LIII est une ruine située à l'Ouest d'Ispahan, sur un rocher élevé & isolé; on y arrive par des rampes douces; la plus facile est celle de l'Est. Les ruines nous paraissent être modernes; nous y avons trouvé cependant quelques pans de murs construits en grandes briques crues posées sur une couche de mortier de terre & de roseaux, telles qu'on les voit encore aux ruines de Babylone. COLONNES TREMBLANTES C'est dans les environs & vers l'Est de l’atechgah que l’on voit les colonnes tremblantes que les Persans considèrent & montrent aux étrangers comme des objets très-curieux. Ces colonnes ne sont autre chose que deux minarets qui surmontent des deux côtés une grande voussure sous laquelle se trouve le tombeau d'un personnage réputé saint. Le mollah, gardien de ce monument, lorsqu'il reçoit la visite des voyageurs, les invite à monter au sommet des 36 MONUMENTS MODERNES DE LA PERSE minarets; en même temps il fait monter un enfant & un homme qui emploient toutes leurs forces pour -ébranler la tour; cette commotion se communique au minaret où se trouve le voyageur & lui fait éprouver une oscillation pareille à celle que produirait un tremblement de terre. Ces deux minarets sont éloignés l'un de l’autre de 10 mètres; ils ont au centre de leur diamètre une colonne en bois qui forme le giron des marches de l'escalier ; ces deux colonnes reposent sur une autre pièce de bois posée horizontalement sur l’extrados de la grande voussure. En imprimant un fort mouvement à l’une des colonnes en bois, ce même mouvement se fait nécessairement sentir au second minaret. Voilà tout le secret de ce prétendu phénomène. Le mollah fait croire “aux gens superstitieux du pays que le saint est troublé dans son repos par la visite des voyageurs, & il réussit toujours à recueillir des aumônes. MIN PSRIESRR RE EE ER ONUS EM ORROEPNER OS SN Cette ruine (planche LIV) est située sur une éminence de la rive gauche du Zendéroud, à cinq kilomètres au Sud-Est d’'Ispahan. La hauteur de ce minaret est de 39 mètres sur $" 20° de diamètre à sa base; son escalier est à double rampe de marche jusqu’au-dessus de la corniche, disposé par conséquent comme ceux de la halle aux blés à Paris. La corniche, en forme d’encorbellement, est ornée d’une combinaison de nœuds entrelacés, de deux inscriptions en caractères cufiques & de deux frises. Les deux tiers de la hauteur du minaret étaient également ornés. Les briques en couleurs & émaillées sont entièrement dégradées. La partie supérieure au-dessus de la corniche est tronquée, & la galerie en bois n'existe plus. Malgré son état de délabrement, cet édifice présente quelque intérêt par sa construction. Le nom de Roustem Chah n’a été porté que par un prince de la dynastie du Mouton blanc qui a régné en Perse dans les dernières années du xv° siècle dé notre ère. C’est à ce prince sans doute que l’on doit attribuer ce petit monument. La construction de ce minaret & de l'oratoire à coupole est en bonnes briques cuites au four. Au pied de cette éminence se trouve un pont à quinze arches construit également en bonnes briques. C'est le dernier pont que l'on voie sur le Zendéroud aux environs d'Ispahan. ISPAHAN : COUVENT DES DERVICHES. DL nE ba m Yu k SE CACHAN A trois journées de distance d’Ispahan, en suivant la direction du Nord-Ouest, dans une vaste plaine entourée de montagnes, s'élève la ville de Cachan. Cette ville fait, comme Ispahan, partie de l'Irak persan & est située par 3535 de latitude & 86° de longitude. La température y est extrèmement chaude, surtout en été; son ardeur se fait déjà vivement sentir dès les premiers jours d'avril, & pour se mettre à l'abri des chaleurs, qui ne sont pas, comme à Ispahan, tempérées par des brises, on a l'habitude, en été, de passer une partie de la journée dans les serdab ou souterrains construits à cet effet sous chaque maison. L’air cependant n’y est pas malsain. Le pays abonde en grains & en fruits; les melons, les pêches & les figues de Cachan jouissent surtout d’un grand renom. Cette ville passe en Orient pour être infectée de scorpions dont la piqüre serait mortelle pour les indigènes, tandis que les étrangers seraient entièrement à l'abri des attaques de ces reptiles. Les voyageurs européens modernes ont beaucoup contribué à dissiper ces deux croyances à la fois, en constatant d'abord que la piqüre des scorpions de Cachan n'est pas aussi dangereuse qu'on le croit, & ensuite qu'il n'y a aucune raison de penser que les étrangers jouissent de quelque immunité à cet égard. Cachan n’a pas de cours d’eau qui lui soit propre, elle s’approvisionne à une source du voisinage, celle de Finn, conduite dans la ville & dans les alentours au moyen de canaux couverts appelés kanat ou karix. La ville est entourée d’un double mur d'enceinte flanqué de tours rondes. Chardin dit que, de son temps, vers 1680, on comptait dans la ville & dans ses faubourgs, plus beaux que la ville elle-même, six mille cinq cents maisons, quarante mosquées, trois colléges (medresseh) & un grand nombre d’Imamyadeh ou sépulcres des descendants d’Ali; aussi la ville passe-t-elle pour être dévouée à la secte chiite. Ce qui distingue surtout la ville de Cachan, c’est l’industrie de ses habitants : on peut la comparer à un vaste atelier où leur activité s'exerce dans plusieurs métiers. Depuis un temps immémorial & par des procédés qui sont toujours restés à leur état primitif, on y fabrique de belles étoffes de soie: taffetas, moires, damas, velours & brocarts de couleurs & de dessins très-variés & souvent d’une grande richesse. Le cuivre & le zinc y sont travaillés avec beaucoup de soin, & c'est à Cachan surtout que la Perse s’approvisionne en ustensiles de ménage & de voyage, de formes élégantes, ornés de ciselures & d'inscriptions exécutées en creux & en relief. On y travaille aussi l’or, l'argent & l'acier. Les faiences de Cachan ont joui autrefois de beaucoup de renom. L’aspect de la ville, tant à l’intérieur qu’à l'extérieur, est gai & engageant, grâce à ses nombreux jardins & à quelques édifices d'utilité publique, comme bazars, bains & caravansérails bâtis en briques, tandis que la presque totalité des maisons particulières sont élevées en terre. La fondation de Cachan ne remonte guère, selon le témoignage unanime des écrivains orientaux, qu’au vin‘ siècle de notre ère; elle est due à la princesse Zobéide, femme du khalife Haroun al Rachid, deux noms popularisés, en Europe, par les contes des Mille & une Nuits; mais cette date doit sans doute s'appliquer à la ville actuelle, car l'auteur arabe de valeur, Ebn el Acim, cité déjà dans la notice d’Ispahan, en racontant la conquête de la Perse par les musulmans, assure que Cachan & Koum ont fourni à l’armée du dernier monarque sassanide un corps de vingt mille cavaliers. Au point de vue historique, il n’y a rien de remarquable à noter sur Cachan; l’histoire de cette ville se confond en quelque sorte avec celle d'Ispahan, dont elle a presque toujours partagé les vicissitudes; peut-être, cependant, faudrait-il, sur Ia foi d’un dicton persan, reconnaître aux Cachanais un caractère opposé à celui des Ispahanais; car, tandis que ceux-ci passent pour être très-prompts à dégainer, une querelle de Cachanais (djengui Cachi) se dit en Perse d'une dispute où les gros mots échangés de part & d'autre n'aboutissent jamais à des coups. TO 38 MONUMENTS MODERNES DE LA PERSE. Cachan, éprouvée au xvin siècle, comme tant d’autres villes de la Perse, par des vicissitudes politiques, se trouvait comme elles assez délabrée. Elle doit la restauration de ses édifices publics & ses embellissements à ce même Hadji Hussein Khan, qui releva dans les premières années de ce siècle tant de ruines à Ispahan. La population de Cachan se monte actuellement à quarante mille habitants, parmi lesquels on compte une centaine de familles juives & quelques familles arméniennes. Les planches LV, LVI & LVII donnent les détails d’un bain public & d’un bazar. Ces deux édifices se trouvent séparés par la grande rue voütée qui traverse toute la ville; ils sont remarquables par leur bonne construction, par les combinaisons de leurs voütes, par l'entente de leurs plans & par l’heureuse distribution de leurs parties. Ce sont les deux édifices les plus complets & les mieux exécutés de ceux qu'on rencontre à Cachan. Quant aux mosquées, elles n’offrent que peu d'intérêt. Nous ne pouvons clore cette courte notice sur Cachan sans dire quelques mots d’un charmant village situé à D DT LT “| È QE 11 =— }\ [LE 2 hi Ag = ES ET LUS EL JA LL ETES HÉRERE 2 ES l PEVIIRLSe KIOSQUE DE BAGHI-CHAH-I FINN-. 6 kilomètres au Nord-Ouest. C’est le village de Finn, qui, comme nous l'avons dit plus haut, fournit de l’eau à la ville. Au bas d’une haute montagne & près d’une source abondante dont leau fait tourner à une centaine de mètres plus bas une quarantaine de moulins à farine, s'élève un palais construit dans le style des habitations royales d'Ispahan. Entouré de jardins & d’allées de magnifiques cyprès très-hauts & très-gros, ce palais est composé de plusieurs bâtiments, avec des bassins & des jets d'eau. Un kiosque y a été construit par Feth-Ali Chah; il est orné de peintures : une d’entre elles représente ce prince entouré de vingt de ses fils. Finn doit à sa position agréable d'être un lieu de promenades & de parties de plaisir pour les habitants de Cachan. UÉ es CR dE w qe PK \ ann | RÉSIDENCE ROYALE BAGHI-CHAH-I FINN: KOUM La ville de Koum fait partie comme Ispahan & Cachan de l'Irak persan; elle est située au milieu d’une plaine entre Téhéran & Cachan, sur les bords de la rivière de Djerbadekan, qu’on traverse sur un pont à plusieurs arcades à voussures ogivales. Les voyageurs européens qui ont décrit cette ville croient y reconnaître la Khaona, Chaona de Ptolémée; mais, à vrai dire, on ne trouve dans l’histoire aucun fait qui autorise à lui assigner une haute antiquité. On peut cependant admettre d’après Ebn el Acim cité plus haut, dans la notice sur Ispahan, que Koum était une ville assez importante à la fin du règne des Sassanides. L'aspect actuel de la ville est triste; comme dans plusieurs autres villes de la Perse, l'œil d’un voyageur européen y est frappé désagréablement par un grand nombre de maisons vides & tombant en ruine; aspect qui, certes, ne s'y présente pas pour la première fois, qui date de loin & a pu se répéter souvent depuis quelques siècles, puisque les géographes persans du xiv° siècle de notre ère constataient déjà l'abandon & la ruine de plus d’un quartier de Koum. Cette ville n'offre rien, en fait de produits du sol, qui la rende remarquable parmi les cités de l'Irak persan, &, sous le rapport de l'industrie, on ne peut guère citer que la culture de coton, la fabrication des étoffes grossières de coton & la poterie pour l'usage commun. La population de Koum peut être évaluée à une vingtaine de mille âmes. Ce qui rend cette ville digne d'attention, c’est le caractère de sainteté dont elle est revêtue aux yeux des Persans À cause des tombeaux des TOMBEAUX A KOUM. descendants d’Ali, notamment de celui de Fatima ou Fathmé, fille de lImam Mouça & sœur de l’Imam Ali-Reza, superbe mausolée qui fait le sujet de la vignette ci-dessus. C’est à ce caractère de sainteté que la ville de Koum doit le privilége d’être un asile devant lequel s'arrêtent & la justice qui poursuit le criminel ordinaire & la colère du souverain prête à frapper ceux qui ont encouru sa disgrâce. Plusieurs princes de la dynastie de Séfis ont tenu à honneur de reposer après leur mort auprès du tombeau de Fatima, & parmi les souverains de la dynastie 40 MONUMENTS MODERNES DE LA PERSE. actuellement régnante, Feth-Ali Chah s'est fait construire, dans cette enceinte sacrée, une splendide chapelle sépulcrale octogone, où les mollahs ne cessent de réciter le Koran à son intention. La mosquée de Fatima, dont le mausolée remarquable par sa coupole dorée se laisse voir à quelques kilomètres de distance, est un édifice très-vaste composé de quatre grandes cours se succédant l’une à l’autre. La première grande cour est entourée de murs de clôture avec des portiques donnant entrée à deux petites cours où se trouvent les latrines. La seconde grande cour est l'enceinte de la mosquée même. Entre ces deux cours s'élève la salle qui renferme le tombeau de Fatima, & qui est surmontée de la grande coupole dorée. À droite & à gauche de cette salle est la mosquée. La troisième cour renferme le Medrésseh (collége) où les nn ICI 1 eut - Entrée principale. LE EE 11 1 1 lune can 9. Entrée du Medrésseh. . Première cour. 10. Quatrième cour, dite des élèves, 11. Cellules des élèves. Tombeau de Fatima où Fathmé. Mosquée. 12. Entrées de la cour des élèves. Deuxième cour, dite de la mosquée. 13. Bassins avec jets d'eau. Tombeau de Feth-Ali Chah. 14. Gazons, plates-bandes de fleurs et Troisième cour, dite des Medrésseh. platanes. CH ET D CS Cellules des mollahs, professeurs. 15. Cours des latrines, PLAN GÉNÉRAL DE LA MOSQUÉE DE KOUM. mollahs enseignent le Koran. La quatrième cour contient des logements pour les élèves. Toutes ces cours ont des portiques ornés de briques émaillées de diverses couleurs. Le tombeau de Feth-Ali Chah se trouve dans le bâtiment entre la seconde & la troisième cour. C'est une petite salle octogone surmontée d’une petite coupole, richement décorée à l'intérieur de glaces & de cristaux taillés en forme d'étoiles. Au centre de la salle s'élève un sarcophage recouvert d’une plaque d’albâtre sur laquelle est sculptée la figure de Feth-Ali Chah en costume royal; il a à ses pieds deux enfants, dont l’un lui présente un chapelet. Ces figures, assez bien exécutées, manquent de saillie. Les chrétiens peuvent visiter le tombeau de ce prince, mais non pas le tombeau sacré de Fatima. Nous nous sommes borné à parler de cet édifice, gloire de Koum; mais cette ville contient un grand nombre de mosquées, & de chapelles élevées en l'honneur de personnages saints pour les chiites ; les environs de la ville offrent aussi de tous côtés des chapelles sépulcrales. Aucune autre ville de la Perse, si ce n’est Mechhed dans le Khorassan, ne compte parmi ses habitants autant de seiids (descendants d’Ali) & de derviches que la ville de Koum. VUE DE LA MOSQUÉE DE KOUM. TÉHÉRAN La ville de Téhéran ou Tehran, la capitale de la Perse, est située par 35° 40° 47° de la latitude Nord & 5° $o de la longitude Est, dans une vaste plaine bordée au Nord & au Nord-Est par la chaîne de l'Elborz, au milieu de laquelle le Demavend, inaccessible aux voyageurs, dresse un sommet couvert de neiges éternelles. Cette plaine est arrosée par de nombreux cours d’eau, parmi lesquels on distingue surtout le Karedj & le Djadjeroud. C'est même à cette abondance d’eau que Téhéran & ses environs doivent la fertilité de leur sol coupé par des jardins & des vergers remplis de fruits de toute espèce. En été, les chaleurs à Téhéran sont insupportables & l'air y est réputé malsain. Aussi la cour, les grands & tous ceux que des affaires indispensables ne retiennent pas à la ville, s'empressent-ils, dès le mois de mai, de se transporter dans les montagnes voisines du Chemiran ou Chimran, où la température est fraiche, le ciel pur & l'air salubre. L'hiver n’y est pas rigoureux, mais le printemps & l'automne sont pluvieux & humides. Les tremblements de terre s'y font ressentir assez fréquemment, mais rarement avec intensité. Les produits naturels de Téhéran consistent particulièrement en légumes & en fruits : parmi ces derniers, les oranges, les grenades, les pèches jouissent d’une certaine renommée. Téhéran, éloigné de deux lieues environ des ruines de Reï, formait probablement un des faubourgs de cette immense cité; mais c'est en vain qu'on y chercherait soit des ruines d’une antiquité reculée, soit des édifices remarquables des époques plus modernes. Le nom de Téhéran est bien connu des géographes musulmans des xm°, xiv° & xv° siècles, mais ils n’en parlent que très-brièvement. « Téhéran, disent-ils en substance, est un gros bourg à une demi-heure de marche de Reï, bourg rempli de jardins & de vergers & abondant en fruits de toute espèce. Les habitants n’ÿ construisent pas de maisons, mais vivent sous terre comme les gerboises dans leurs trous, & sy cachent à l'approche de l'ennemi, qui est obligé de faire le siége de chaque habitation; mais dès qu'il s’est retiré, les habitants sortent de leurs retraites & se répandent dans les environs, où ils commettent des rapines & des brigandages. Ils ne labourent pas leurs terres avec des bœufs, mais remuent le sol avec des pelles & des bèches; ils n’élèvent ni bestiaux ni troupeaux, pour ne donner à l’ennemi aucune prise sur eux. Ce bourg est partagé en douze quartiers, qui vivent en hostilité permanente les uns avec les autres. Ils ne reconnaissent l'autorité d’aucun souverain; aussi les gouverneurs de la province sont-ils obligés de se contenter d'un payement simulé d'impôts, de taxes ou de tribut. » Voilà ce qu'était Téhéran jusqu’au xv° siècle de notre ère. Cet état primitif & sauvage a changé depuis longtemps. Au xvi° siècle, Chah Tahmasp, deuxième prince Séfi, a fait entourer ce gros bourg d'un mur, & au commencement du xvn° siècle, les jardins & les vergers de Téhéran faisaient l'admiration de quelques voyageurs européens comme Thomas Herbert & Pietro della Valle. Ce dernier appelle Téhéran Ville des platanes, en disant quil y a vu des platanes souvent si gros, que deux ou trois hommes pouvaient à peine en embrasser le tronc. Il ajoute que Chah Abbas, qui traversait souvent Téhéran pour se rendre dans le Mazenderan, avait pour ce bourg une si grande aversion qu'il ne s’y arrêtait jamais, qu'il n'y avait point de palais & que, du reste, il n'existait pas à Téhéran un seul édifice digne d’être mentionné. L'existence de Téhéran comme ville ne date donc que d'environ cent ans. Les magnifiques platanes dont parle Pietro della Valle ne s'y voient plus; ils ont probablement été détruits à mesure que la ville se remplissait d'habitations. Elle devint d’abord la résidence passagère de quelques chefs Kadjars; plus tard, le premier prince de la dynastie des Kadjars, actuellement régnante, Aga Mohammed-Khan, en fit sa capitale, dans les dernières années du siècle passé. Sous son neveu & successeur Feth-Ali Chah, sous Mohammed-Chah, le petit-fils de celui-ci, sous le règne enfin de Nacir-oud-din-Chah, - Ja ville non-seulement s’accrut considérablement en population & en ressources de tout genre, mais encore en édifices publics & privés, où le luxe particulier aux habitations des Persans à l’intérieur remplace, en quelque sorte, la magnificence architecturale si recherchée dans les temps anciens. Les particuliers riches font construire leurs demeures en briques cuites au feu, mais la généralité des maisons sont construites en terre; aussi, il n'est II 42 MONUMENTS MODERNES DE LA PERSE. pas rare de voir, à la suite de pluies torrentielles d'un ou de deux jours, les terrasses plates qui servent de toiture aux habitations s'effondrer & des maisons entières s’écrouler. Les rues de Téhéran sont étroites; elles ne sont pas pavées, malgré les ordres donnés plus d'une fois verbalement par le Chah actuel. Les maisons n'ont pas de façade sur la rue; une simple porte assez basse donne accès dans l'intérieur, où il y a plusieurs cours séparant, comme c’est l'habitude en Orient, l'habitation des hommes, accessible aux visiteurs, de celle des anderouns où harems. La ville forme un carré de 6 kilomètres environ de pourtour avec un mur d’enceinte flanqué de tours rondes crénelées dans quelques parties, le tout construit en briques crues & en pisé. Ce mur est entouré d’un fossé profond. Âu centre de chaque face du carré d’enceinte se trouve une porte défendue par des tours rondes construites en briques cuites & ornées de briques de couleur émaillées. La citadelle (4rk) est dans la partie Nord-Ouest de la ville. Elle est aussi entourée d’un mur d'enceinte & d'un fossé profond, flanquée de distance en distance de tours rondes. Sa principale porte, nommée Deri-Sea'der, « porte de la Félicité, » située sur le côté Ouest, est précédée d'une première porte avec un pont-levis. Cette enceinte, toute bâtie en briques cuites, renferme le palais du roi, avec toutes ses dépendances & pavillons. Ce sont : 1° Divan-khanehi Chah, palais d'audience (planche LXID avec un ralar ou salle ouverte sur le front, richement décorée de peintures, de dorures, de glaces, & supportée par deux colonnes que Kerim-Khan avait fait faire à Chiraz ; 2° Defter khaneh, ou archives; 3° Sandouk-khaneh, garde-meuble de la couronne; 4 Amareti-khorchid, palais du Soleil, beau pavillon où le Chah reçoit quelquefois les ambassadeurs étrangers; ce palais renferme les appartements particuliers du Chah, Khalvex Chahi, & ceux de son harem ou anderoun (gynécée), lequel, à son tour, se divise en deux parties, lune Servistan (bocage de cyprès), l’autre Gulistan, (parterre de roses). Indépendamment de ces édifices, l4rk contient encore des corps de garde & un Djebbeh khaneh ou arsenal. On compte à Téhéran environ quarante mosquées & colléges (Medrèceh), trois cents bains publics & autant de caravansérails, parmi lesquels le plus remarquable & le mieux disposé est celui de Hadji-Mollah-Ali. Parmi les mosquées on doit citer la mosquée royale, Mesdjidi-Chah, qui a une grande cour entourée de portiques & le sanctuaire surmonté d'un dôme. Au centre de la cour est un grand bassin pour les ablutions. La porte principale de cette cour est précédée d’une place entourée de portiques avec un bassin au centre; du côté nord de cette place se trouve l'entrée du collége royal, Medrèceh-i Chah. Les guèbres (adorateurs du feu) ont un quartier particulier à Téhéran. La population de Téhéran, qui, au commencement de ce siècle, ne dépassait pas cinquante mille habitants, peut, en ce moment, être évaluée à cent mille environ. À 6 kilomètres au nord de la ville, sur une éminence, s'élève un vaste palais, le Kasri-Kadjar (palais des kadjars), que Feth-Ali Chah fit construire pour sa résidence d’été. Ce palais (planche LVID est précédé d’un grand jardin clôturé d'un mur & flanqué aux quatre angles de tourelles en briques. Le jardin (planche LIX-LX) a $s$o mètres de long sur 370 mètres de large; il est divisé par des longues & larges allées parallèles sur la longueur & la largeur de ce rectangle, bordées d’arbres de haute futaie, de rosiers, de jasmins & d’arbres fruitiers. Une treille de vigne à raisin sans pepins formant berceau entoure toute cette vaste plantation, au centre de laquelle s'élève un élégant kiosque orné de colonnes en marbre, de bassins & de jets d'eau, & d’une coupole richement décorée de petites voussures superposées. Le jardin se termine par une grande terrasse & un vaste bassin assez élevé pour fournir de l’eau à l’arrosement de toutes les plantations & des gazons. On sort du jardin par un élégant pavillon, pour monter à la terrasse du château par quatre rampes d’escaliers séparés par de larges paliers & ornés, sur leur largeur, de plates-bandes de fleurs de diverses espèces. On arrive sur la principale terrasse par deux grands perrons de trente-six marches chaque. Une grande porte donne accès à un corridor voüté & à une rampe d’escalier qui conduisent à une cour de soixante mètres de long sur cinquante de large. Cette cour est entourée de bâtiments qui contiennent des salles richement décorées, avec leurs antichambres. Ce corps de bâtiment porte, à ses quatre angles, des tours octogones ornées de briques de couleur émaillées. La cour est plantée de hauts platanes & de plates-bandes de fleurs; au centre se trouve un bassin avec un jet d'eau. L’aile Sud du bâtiment est destinée à lhabitation du Chah; les salles sont richement décorées, peintes & dorées. On y remarque des portraits de Feth-Ali Chah & des princes du sang, ainsi que des tableaux représentant des personnages dans le costume européen du xvin° siècle. Vers la partie supérieure de ce bâtiment, sur la façade Sud, s'élève un pavillon (planche LXI) qui domine tout le corps de l'édifice & qui est très-richement décoré de peintures & de glaces. Des fenêtres de ce pavillon on aperçoit tout le vaste jardin que nous avons décrit plus haut, & dans le lointain, au milieu de la plaine parsemée de villages, la ville de Téhéran, beau panorama qui s'étend vers le Sud-Ouest. Du côté Nord-Est se dresse le pic du Demavend couvert de neige. REI Au Sud-Est de Téhéran, & à 4 kilomètres de distance de la porte de la ville, une route à travers la plaine conduit à un joli village appelé Chah-Abd-oul-Azim, du nom d’un Imamzadeh ou descendant d’Ali, dont le tombeau, situé dans cet endroit, est un objet de vénération & un lieu de pèlerinage pour les chiites; grâce aux jardins & aux vergers qui l'entourent, cest en même temps un rendez-vous de promenade pour les habitants de Téhéran. Ce village, qui compte plus de quatre cents familles, des bains & des caravansérails, un bazar & des boutiques, est situé au milieu des ruines & sur les débris mêmes de cette antique ville de Reï qui, dans l'antiquité, se plaçait, par son importance, à côté d’Echatane, de Persépolis & de Babylone, & qui, par son étendue & par le chiffre de sa population, comptait, à quelques époques de son histoire, parmi les plus grandes cités de l'Asie. Aujourd’hui c’est à peine si, en traversant cette contrée voisine de Téhéran, on rencontre quelques monticules, quelques restes de maçonnerie qui avertissent le voyageur qu’autrefois, dans ces lieux, existait une immense cité, une capitale, & encore les débris que l’on y découvre ne datent que de la seconde & plus moderne période de son existence, celle qui commence avec l'islamisme. L'ensemble de ces ruines occupe une étendue de 2,100 mètres du Nord au Sud & de 2,250 mètres de l'Est à l'Ouest; tout ce vaste emplacement est situé au pied d’un chaînon qui part de l'Elborz. Sur le principal rocher isolé, l'on voit les débris d’une citadelle, des restes de murs & de tours en terre dont quelques-unes sont revêtues de maçonnerie en blocage. On y voit aussi des ruines de constructions en briques cuites au four, que les Persans enlèvent chaque jour pour les employer aux constructions qu’on exécute à Téhéran. Au centre de tous les monticules & des murs d'enceinte se trouve une tour circulaire (planche LXIID) construite en bonnes & fortes briques cuites; elle a 16 mètres 6o centimètres de diamètre à l'extérieur, & 11 mètres 20 centimètres à l’intérieur. Sa face extérieure est formée de vingt-deux cannelures triangulaires terminées vers la partie supérieure par trois rangs de voussures superposées, & d’une frise portant encore des fragments d’une inscription en caractères cufiques (planche LXIV). La partie supérieure, qui se terminait par une coupole, est entièrement ruinée. La hauteur de la tour, non compris la frise d'inscription, est de 20 mètres; la porte, à l'Ouest, est encadrée d’un chambranle couronné par une corniche à trois rangs de petites voussures, comme cela se voit dans les monuments de l'architecture arabe. La porte, à l'Est, n’a plus qu’une voussure ogive & son encadrement a disparu. Au-dessus de cette porte l'on voit, dans l'épaisseur du mur, le vide d’un petit escalier en spirale à l’aide duquel on montait au haut de la tour. Sir W. Ouseley nous apprend que, selon la tradition répandue dans le pays, il était d’usage d'annoncer à la ville de Reï les victoires remportées sur l'ennemi au moyen d’un drapeau rouge arboré au haut de cette tour. Vers la partie Est & en dehors des enceintes & des ruines, on voit plusieurs tours construites en maçonnerie de blocage. Une de ces tours est encore bien conservée & l'inscription cufique qui l'orne est faite avec de petites briques cuites au feu incrustées dans la maçonnerie. Cette tour a 11 mètres 8 centimètres de diamètre à l'extérieur & 8 mètres 2; centimètres à l’intérieur, sur une hauteur de 12 mètres, y compris l'inscription. Sa porte vise au Sud; elle est à voussure ogivale à l'extérieur & à plate-bande à l’intérieur, à la hauteur du centre de la voussure. On voit encore vers la partie supérieure, à la hauteur de 7 mètres, deux petits escaliers construits dans l'épaisseur du mur pour monter au haut de la tour. La voüte & la coupole n'existent plus; il ne reste des autres tours qui se trouvaient parmi ces ruines que leurs bases : elles sont carrées. Ces diverses tours ne se rattachent À aucun des murs d'enceinte. Rien parmi ces débris dont on peut encore déterminer la forme ne nous reporte dans la haute antiquité; les inscriptions comme les constructions elles-mêmes sont de la période musulmane, par conséquent, les plus anciennes ne sauraient aller au delà du vi siècle de notre ère. 44 MONUMENTS MODERNES DE LA PERSE. À côté de ces ruines d’un autre âge, on voit, sur la face de deux rochers, deux bas-reliefs très-modernes sculptés sur une surface polie. Celui qui est au nord-est des ruines représente Felh-Ali Chah à cheval, combattant un lion. Celui au nord-ouest, éloigné du premier d’un kilomètre, représente, dans un grand cadre, le même monarque assis sur son trône, & entouré de plusieurs des princes ses fils & de ses ministres. Au bas du rocher jaillit une source abondante d’eau fraîche et limpide. Nous donnons ci-dessous une reproduction de ce dernier bas-relief. Disons maintenant quelques mots du passé de Reï. Cette ville nous est connue sous le nom de Rhagès par le Livre de Tobie, où elle est citée (chap. I, v. 14) comme une ville de la Médie. L'historien d'Alexandre le Grand, Arrien, nous raconte que ce conquérant s'arrêta à Rhagès pendant cinq jours, en cessant là de poursuivre Darius fugitif, & la date de cet événement se laisse assez bien fixer à l'an 331 avant notre ère. Il y a cependant ici une difculté. Strabon (iv. XJ, c. xvur) nous apprend que l'un des généraux d'Alexandre le Grand, Séleucus Nicator, fondateur de la dynastie des Séleucides, bâtit la ville de Rhagès & l’appela Europos; il faut donc admettre ou que la ville de Rhagès n'existait pas encore du temps d'Alexandre le Grand & qu’Arrien a voulu seulement dire que son héros s'arrêta pendant cinq jours dans l'endroit (ri) appelé depuis Rhagès, ce qui, du même coup, prouverait que le Livre de Tobie est postérieur à l’ère d’Alexandre le Grand, ou bien que le mot bârr de Strabon doit être entendu dans le sens de restaura, rebârir. Sous les Arsacides, 224 ans avant J.-C., Reï s'appelait Arsacia, & dans le n° siècle de notre ère elle fut, selon Athénée, la résidence des rois parthes & la plus grande des villes de Ja Médie. Reï prit un développement considérable dès le premier siècle de l’islamisme & fut appelée Cheikh oul belad (Cheikh des cités), soit à cause de son antiquité, soit à cause de son importance. Nous omettons de donner ici, d'après un géographe persan, Amin-Ahmed-Razi (de Reï), le chiffre des maisons, des mosquées & colléges, des bains, des caravansérails, &c., tant ce chiffre nous paraît exagéré. Sous la dynastie des Bouïdes & sous celle des Seljoukides, Reï fut plus d’une fois la capitale de la Perse, mais souvent éprouvée par des dévastations & des tremblements de terre. La décadence complète de Réï date de l'invasion des Mongols en 1221, époque à laquelle, selon les récits exagérés habituels aux auteurs orientaux, sept cent mille individus auraient été passés au fil de l'épée. Sous l’un des plus illustres souverains mongols de la Perse, Ghazan-Khan, Reï fut en partie rebâtie & repeuplée; mais ce ne fut qu'une lueur passagère. On n’en entend plus parler durant tout le règne de la dynastie des Séfis, & il est même probable que c’est la population de Reï qui a fourni le premier noyau à la ville de Téhéran. Ce qui nous confirme dans cette supposition, c’est que l'on voit sans cesse, encore de nos jours, les habitants de Téhéran chercher dans la banlieue des briques & d’autres matériaux pour leurs constructions. BAS-RELIEF A RE. CARAVANSERAILS Les caravansérails sont des auberges ou hôtelleries destinées, tant dans les villes que dans les bourgs ou villages, & même le long des routes dans les endroits déserts, à servir d’abri, de repos & de restaurants aux voyageurs. Souvent ils indiquent les étapes des caravanes & marquent la distance qu'il convient de franchir dans une journée. On les considère comme des établissements d'utilité publique; aussi presque tous les caravansérails, en Perse, ont-ils été élevés à titre d'œuvres pies par des souverains ou par des personnes riches & charitables. Les caravansérails, qui varient quant à la forme, car ce sont tantôt des parallélogrammes, tantôt des carrés & tantôt des octogones, ont presque tous les mêmes dispositions & les mêmes distributions. Un caravansérail a, au centre de sa façade, un pavillon qui domine ordinairement tout l'édifice; ce pavillon est percé d’une grande arcade qui donne entrée à un porche où se trouve la loge du concierge de l'établissement, & des salles pour les provisions de bouche & les fourrages. De 1à, des escaliers conduisent aux chambres de l'étage supérieur & sur les terrasses. Le porche franchi, on se trouve dans une cour entourée de portiques, dont le sol est élevé de 80 à 90 centimètres au-dessus du niveau de la cour, & c’est là que se logent les voyageurs qui, dans les pays chauds, n’ont quelquefois besoin que d’un léger abri clos. Dans quelques caravansérails ces portiques donnent accès à des chambres pourvues de cheminées. Sur les trois façades de la cour on trouve toujours quelques grandes chambres pour recevoir une famille nombreuse. Derrière les chambres & tout autour de l'édifice se trouvent les écuries, dans lesquelles des estrades sont disposées sous des arcades pour recevoir les harnais, les ballots de marchandises & les muletiers (ccharvadars) eux-mêmes. Les latrines sont ordinairement placées aux angles de l'édifice. Le mur qui elôt le périmètre du caravansérail est toujours flanqué de tours rondes avec des meurtrières, où l’on peut se défendre en cas de surprise. Au centre de la cour s'élève, au-dessus du sol, une estrade haute d’un mètre où les voyageurs musulmans se réunissent pour faire leurs prières. Quelquefois ils préfèrent y passer la nuit, pendant la belle saison, pour échapper aux insectes qui pullulent dans ces bâtiments. Les terrasses des caravansérails, car la toiture est toujours en terrasse, servent en été au même usage. Ces bâtiments sont ordinairement construits en bonnes briques cuites; toutes les pièces sont voütées & toutes les voussures sont en ogive persane. On rencontre rarement des caravansérails construits en pierre ou en maçonnerie de blocage; les constructions de ce genre datent de l'époque de la domination arabe & n'offrent aujourd’hui que des ruines. Un caravansérail étant un établissement charitable, le voyageur n'est, à la rigueur, tenu à rien payer pour son logement; mais l'habitude est de donner une gratification au concierge qui fournit aussi, moyennant rétribution, quelques provisions de bouche. Parmi les nombreux caravansérails que l'on rencontre sur les routes de la Perse (nous ne parlons pas ici de ceux des villes), on peut citer comme les plus vastes celui de Maïar sur la route d'Ispahan à Chiraz, & celui de Saad-Abad, sur celle d’Ispahan à Téhéran; le premier est en partie ruiné, le second est en très-bon état & il a cela de particulier, qu’au lieu d’une cour il en a deux. La planche LXV représente le caravansérail de Passengan, situé sur la route de Cachan à Koum & à une journée de distance de cette dernière ville. D’après Sir W. Ouseley, & d’après ce qu'on nous a assuré, à nous, ce caravansérail a été construit au commencement de ce siècle (en 180$) par un riche marchand de Kazwin, nommé Hadji-Mohammed-Baker. Bien qu'il soit petit dans ses dimensions, son parfait état de conservation & la bonne disposition de son plan nous l'ont fait préférer à titre de type des constructions de ce genre. La planche LXVI donne les détails du caravansérail de Amin-Abad, situé sur la route d'Ispahan à Chiraz. Son plan est octogone. Cette forme est rare; nous n’en avons rencontré, dans notre voyage, que trois ainsi construits, & nous donnons la préférence à celui-ci, à cause de son état de conservation & de meilleure disposition. 182 SULTANIEH La ville de Sultanieh est située dans une vaste plaine qui s'étend au nord de Kazwin, sur la route qui conduit de Tebriz à Téhéran. Son histoire n'est pas longue à raconter. En 1290, Argoun-Khan, troisième des souverains mongols de la Perse, descendants de Djenguizkhan, ordonna de bâtir dans le district de Cherouiaz, appelé par les Mongols Kongorolang (pâturage des faucons), une ville destinée à être la capitale de ces nouveaux conquérants. Ghazan-Khan, successeur d’Arghoun, s’occupa aussi de l’édification de la nouvelle cité, mais ce n’est que son frère & successeur, Oldjaïtou Mohammed Khodabendeh, qui l’entreprit activement en élargissant d’abord l'enceinte tracée par Arghoun. Les travaux furent commencés le 1” moharrem 7o$ de l'hégire, le 24 juillet 130$ (de Hammer, Geschichte der Ilkhane, , 187), pour fèter la récente naissance d'Abou Saïd, fils d'Oldjaïtou, & la ville reçut dès ce moment le nom de Sulranieh (l'Impériale). Sous l'impulsion du souverain, les principaux personnages de l'empire commencèrent aussitôt à se construire des habitations; on éleva des mosquées, des palais, des caravansérails, des bains publics. Aussi, en peu de temps, la ville prit un énorme accroissement. Rechid-oud-din, le célèbre ministre d'Oldjaïtou & historiographe des Mongols, fit à lui seul construire tout un quartier de mille maisons, une mosquée à deux minarets, un collége (medreceh) & un hôpital. Oldjaïtou força les meilleurs artisans & fabricants de son empire à venir s'établir à Sultanieh, & après avoir construit la citadelle, il fit élever dans son enceinte un mausolée destiné à lui servir de sépulcre & capable de rivaliser de splendeur avec celui que Ghazan-Khan, son frère, avait fait construire à Tebriz. L'auteur turc du Djihannuma (Géographie générale du monde) assure, on ne sait d’après quelle autorité, que ce magnifique mausolée à été construit dans l’espace de quarante jours, ce qui paraît peu croyable. Sultanieh n’a eu qu’une durée éphémère & sa décadence a été aussi rapide que son élévation. Pietro della Valle (vol. IH, 5° lettre) avait entendu dire, en Perse, que le jour même de la mort d'Oldjaïitou, Sultanieh commença à se dépeupler, quatorze mille familles ayant aussitôt quitté la ville. Après le fils d'Oldjaïtou, Abou-Saïd, la puissance des Mongols de la Perse commença à décliner; elle fut remplacée par celle de Hassan le Grand lIlkani qui s'établit à Sultanieh, en 1340. Lorsque Timour vint du fond de l'Asie mettre fin aux ilkaniens & à tous les princes mongols en général, il s'empara, en 1381, de Sultanieh & détruisit la citadelle. A partir de cette époque, Sultanieh tombait en ruine, & sa décadence était déjà consommée au xv° siècle de notre ère. Le climat de Sultanieh est considéré comme plus froid que celui des contrées d’alentour. Dans la vaste plaine qui s'étend autour de la ville, on aperçoit à tout moment une énorme quantité de gerboïises connues en Perse sous le nom de rats de Sultanieh. L’étendue de cette plaine la rend très-propre aux grandes manœuvres militaires. Les souverains de Perse ont l'habitude de s'y rendre chaque année, & quelquefois le camp de Sultanieh devient une démonstration comminatoire à l’adresse de la Turquie. Feth-Ali Chah a fait bâtir un palais dans cette ville aujourd’hui insignifiante. Le mausolée & la mosquée d'Oldjaïtou sont les plus beaux monuments qui existent en Perse, de l'époque des Djenguizkhanides; nous ne parlerons ici que du premier (planche LXVID), le moins dégradé des deux. La coupole du mausolée s'élève majestueusement, malgré son état délabré, au-dessus des débris du mur d'enceinte qui se prolongent vers le Sud. À gauche se trouve une caserne flanquée de tours; à droite, le palais construit par Feth-Ali Chah & une centaine de chétives maisons; à l'extrême gauche, on voit d’autres dômes & des pans de murs de mosquées & de tombeaux. Le mausolée consiste en une salle octogone surmontée d’une coupole de 24 mètres de diamètre à l’intérieur, sur $4 mètres d'élévation; cette coupole est flanquée de huit minarets. Ce monument est construit en bonnes briques cuites, revêtues dans quelques parties d’autres briques de couleurs émaillées formant revètement. La décoration intérieure était en stuc; sous prétexte de réparation, on a fait malheureusement disparaître la décoration primitive & les inscriptions cufiques, remplacées aujourd’hui par un fort enduit de plâtre & par des caractères persans modernes. Quelques dégradations survenues après cette ornementation postérieure permettent de découvrir & d'apprécier la décoration primitive. À l'extérieur, le dôme, dont la forme est arabe, & la grande a f corniche, présentent encore des fragments de revêtements émaillés blanc & bleu foncé. KAZWIN Kazwin ou Kazbin, car ces deux façons de prononcer & d'écrire ce nom sont également en usage, est une ville assez considérable située dans une grande plaine, au pied d’un versant de lElborz, à cinq journées de distance Sud-Ouest de Téhéran, par 36° 13° 15" lat. nord. Les environs sont habités par les ilias ou tribus nomades; le pays est assez fertile, il abonde en céréales & en fruits. L'eau dont la ville se sert lui vient des puits ou des citernes & des canaux souterrains (Kanat, Kariy) dérivés des cours d’eau des environs. La population de Kazwin est évaluée à quarante mille âmes; elle compte dans son sein des familles de races diverses : arabe, turque, persane & kurde. On fabrique, tant dans la ville qu'aux environs, des tapis & des toiles. La fondation de Kazwin est attribuée par quelques auteurs orientaux au deuxième prince sassanide, Chapour (Sapor D, fils d’Ardechir Babegan, qui a régné vers la fin du m° siècle de notre ère; il en aurait posé les premiers fondements & l'aurait appelée Chadpour; d’autres prétendent que Kazwin n’a été fondée que par Chapour Zoul-Aktaf, le Sapor II des historiens byzantins, prince connu par ses guerres avec les empereurs romains d'Orient, & par la construction de nombreux monuments dont les traces se rencontrent encore dans le midi de la Perse. C’est dans le pays de Kazwin même que Sapor Il, défait une fois par les Grecs, put rallier autour de lui des forces nouvelles & prendre une revanche éclatante, & c’est en souvenir de ce retour favorable de la fortune qu'il aurait construit la ville de Kazwin là où il n'y avait auparavant qu'une bourgade exposée aux attaques continuelles des montagnards du Deïlem. Chapour Zoul-Aktaf (Sapor II) ayant commencé à régner en 308, J.-C., la fondation de Kazwin ne remonterait donc guère qu’au commencement du 1v° siècle de notre ère. Le nom de Kazwin ne s’appliqua d’abord qu’à la citadelle; autour d’elle s’éleva la ville. La conquête de la majeure partie de la Perse par les Arabes eut lieu de lan 18 à 22 de l’hégire (640 à 644, J.-C.), mais le territoire de Kazwin ne subit la domination de l'islam qu'après la soumission de Reï, en 24 de l'hégire (647 de J.-C.), sous le khaliphat d'Osman, après une première tentative faite sous celui d'Omar, & suivie bientôt d’une révolte. Hamdallah Mostowfi Kazwini, auteur de plusieurs ouvrages estimés d'histoire & de géographie du xiv° siècle de notre ère, nous a laissé une description détaillée de sa ville natale. Cette notice traduite & enrichie de notes a été publiée par M. Barbier de Meynard dans le Journal Asiatique (oct.-nov. 1857), & nous ne saurions mieux faire que d'y renvoyer nos lecteurs. Nous nous bornerons ici à quelques indications. Depuis la conquête musulmane, Kazwin a subi de nombreux agrandissements; de nouveaux quartiers furent successivement ajoutés à la ville primitive. Le fameux Haroun-er-Rechid fit construire un mur d'enceinte autour des trois quartiers déjà existants de son temps, & élever la mosquée principale du lieu. Les princes Bouides & leurs ministres l'embellirent de jardins & d’'édifices, dont la plupart n'existent plus. Hamdallah, en parlant, à un autre endroit de sa notice, de la grande mosquée de Kazwin, l'appelle mosquée de l'imam Chafei, & dit qu’elle était l'œuvre de plusieurs époques, & que de grands personnages y ont successivement ajouté, tel une chapelle, tel un portique ou un oratoire. Il n’est pas aisé de dire si c’est de la mosquée primitivement fondée par Haroun-er-Rechid qu’il parle, tant les deux passages de sa description manquent de précision. Il est probable que cette grande mosquée de Kazwin est celle qui porte aujourd’hui le nom de Mesdjidi Chah, mosquée royale. Parmi les monuments les mieux conservés de cette ville, on peut compter le mausolée de Hussein précédé de sa mosquée & situé près de la porte principale de la ville. Ce Hussein était fils de l'imam Ali Reza, mort à l’âge de deux ans, & son tombeau, comme tous ceux des descendants d’Ali (Imamzadeh), est l’objet d’une grande vénération parmi les Persans. Ce monument, dont l'ornementation, tant à l'extérieur qu’à l'intérieur, est en faiences émaillées de couleurs variées, est surmonté d’une coupole élancée; l’ensemble produit un effet admirable, surtout lorsque le soleil vient le dorer de ses rayons. Le tombeau, placé sous la coupole, est un grand sarcophage recouvert d'étoffes de soie 48 MONUMENTS MODERNES & d'or, orné d’arabesques & d'inscriptions placées dans des cartouches. Aux quatre angles s'élèvent des étendards en soie de diverses couleurs ornés également d'inscriptions. Nous donnons ci-dessous la reproductian de ce monument. I n'y a dans le passé de Kazwin rien qui le rende digne d’une mention particulière, la ville & son territoire ont toujours partagé le sort des pays environnants de Reï, de Tebriz & de Hamadan. A l’avénement de la dynastie des Séfis, au commencement du xvi siècle de notre ère, le premier monarque de cette maison qui fut souverain de toute la Perse, Chah Ismail, après avoir pris d’abord pour résidence Tebriz, fit plus tard de Kazwin sa capitale, & cet honneur resta à la ville jusqu'au moment où Chah Abbas le Grand s'établit à la fin du xn° siècle à Ispahan. Kazwin doit à cette résidence des trois premiers Séfis quelques beaux édifices, entre autres celui qui est connu sous le nom de Kolahifrengui (bonnet ou chapeau européen) & où les princes, gouverneurs du pays de Kazwin, ont l'habitude de recevoir des ambassadeurs étrangers. Ce palais a été construit par Chah Tahmasp, deuxième prince Séfi. Pietro della Valle n’a trouvé dans Kazwin que deux choses remarquables, la grande place (Meidani Chahi), un peu moins grande que celle d’Ispahan, & la grande porte du palais royal. Il fait observer aussi que Kazwin, contrairement à ce qui se voit dans toutes les villes de la Perse, n’est point entouré de murs; il faut donc croire que, lorsque le mur d'enceinte construit sous Haroun-er-Rechid fut détruit dans la suite des temps, il n’a été relevé que depuis le xvn° siècle. Nadir Chah a fait construire à Kazwin un pavillon qui porte jusqu'ici son nom, édifice sans ornementation, mais d'un aspect élégant. Quand on a quitté Kazwin pour se rendre à Tebriz, on arrive après deux légères journées de marche à un village nommé Farsidjin situé dans une plaine arrosée par un abondant cours d'eau. Ce village est remarquable par la culture de ses champs, par ses jardins & ses vergers au milieu desquels s'élève un Jmamzadeh (planche LXIX) surmonté d'une coupole. Sir W. Ouseley dit qu'en arrivant à Farsidjin, lui & ses compagnons de voyage ont éprouvé une vive satisfaction, tant l’aspect de ce lieu leur rappelait celui des villages anglais avec leurs maisonnettes, leurs jardins & leur clocher. À trois heures de marche de ce dernier lieu & à douze farsakhs de Kazwin, toujours en se dirigeant sur Tebriz, se trouve la ville d’Abher ou Ebher représentée sur une de nos planches (planche XLIX) par la vue d’une maison appartenant à un khan, personnage notable du pays. Abher, situé près d’une rivière du même nom, au milieu d'un pays fertile, & cultivé avec soin, est le chef-lieu d’un canton; c'était autrefois une ville de quelque importance & dont la fondation est attribuée à Sapor II, le mème auquel nous avons vu attribuer celle de Kazwin. Les auteurs orientaux prétendent que ce prince, séduit par la beauté du site, ayant résolu d'y bâtir une ville, était sur le point d'y renoncer, à cause d’une grande quantité de sources dont le sol était comme criblé, & qu'il ne mit à exécution son plan qu’en faisant boucher les trous à l’aide de gros ballots formés de laines & de peaux de bestiaux par-dessus lesquels on construisit les fondations des maisons. À côté de la ville, sur une hauteur, on voit les ruines d’un fort connu sous le nom de château de Darius, fondé, selon Hamdallah Mostowfi Kazwini, par Darius, & achevé par Alexandre le Grand. Cet auteur donne à la ville d’Abher pour fondateur Keï Khorsow, que quelques savants supposent être le Cyrus d'Hérodote. UN = me) CES = — = LE SNS VTT Drvusro.s MOSQUÉE ET TOMBEAU DE HUSSEIN À KAZWIN HAMADAN (L'ANCIENNE ECBATANE) Voici une ville dont le nom nous reporte vers la haute antiquité de l'Asie occidentale : Hamadan, l’ancienne Ecbatane, rivale de Babylone & de Ninive. C’est peut-être la seule ville de l'Asie qui, éprouvée comme toutes les autres par des vicissitudes sans nombre, subsiste presque sous le même nom, à peu près sur le même emplacement où elle fut bâtie primitivement il y a deux mille cinq cents ans. Elle fut construite, comme nous l’apprend Hérodote, par Déjocès premier, roi mède de la Perse dont la dynastie fut dans la suite renversée par Cyrus, monarque issu de race perse. Le père de l'histoire nous a laissé une description assez détaillée de cette ville & du palais de Déjocès. Dans la Bible (Esdras, VI, 2), Ecbatane porte le nom d'Akhmeta, & les quelques lignes que nous y trouvons sur cette ville, nous apprennent que c’est dans la citadelle bâtie sur une hauteur que se trouvaient les archives de la monarchie des Mèdes dévolue plus tard aux Perses. C'est encore la citadelle d'Echatane qui servait de dépôt aux trésors de Darius & plus tard à ceux d'Alexandre le Grand, trésors qui se montaient à plus d'un milliard de notre monnaie, & dont une partie fut volée, comme l'on sait, par Harpalus, trésorier du monarque macédonien. Sous les successeurs immédiats d'Alexandre le Grand, sous les Arsacides (rois parthes), & sous les Sassanides (du m° au vn° siècle de notre ère), Echbatane n'occupe pas précisément la première place parmi les villes de la Perse, mais elle paraît avoir souvent servi à ces monarques de résidence d'été, à cause de la température beaucoup moins élevée que celle des autres grandes villes de ce vaste empire. En effet, grâce, en partie, à sa position très-élevée au-dessus du niveau de la mer, & en partie au voisinage du mont Elvend (Alvend, Brontès des anciens, Arvand des livres Zends), Hamadan, qui est situé à quelques kilomètres au Sud-Est de cette montagne, passe pour être extrêmement froid, & les poëtes arabes & persans, s'ils vantent la végétation luxuriante de ses plaines, & la parure riche & variée de ses jardins, exhalent des plaintes amères sur l'air glacial & pénétrant que l’on respire à Hamadan pendant une bonne partie de l’année. Hamadan est situé par 34° $3' lat. Nord & 48° 33! long. Est; il fait partie de l'Irak persan & plus particulièrement de la contrée désignée par le nom de Djebal : pays de montagnes. On a remarqué que, contrairement à ce qui a lieu pour presque toutes les grandes villes anciennes & modernes de la Perse, qui sont bâties dans la plaine, Hamadan, comme Rome & comme Constantinople, s'étalait, lors de sa plus grande étendue, sur plusieurs collines. La ville actuelle occupe dans la plaine une partie seulement de l'emplacement de l'antique Echatane; son territoire est arrosé de cours d'eau qu’alimentent les nombreuses sources qui jaillissent du mont Elvend. Un torrent, dont l'eau, d’une rare limpidité, s'écoule en tourbillons floconneux, arrive de cette montagne & traverse la ville, du Sud au Nord. Plusieurs ponts, d’une seule arche ogive, sont construits sur ce cours d’eau, établissant une communication entre les quartiers juifs & arméniens bâtis sur un plateau élevé entouré de quelques pans de murs d'enceinte flanqués de tours rondes en brique & en pisé. C'est autour de ce plateau que la ville est groupée, se prolongeant du Nord au Sud. Les produits végétaux de Hamadan sont ceux des plateaux élevés; on y trouve surtout une grande variété de plantes médicinales, à tel point que, dans l'opinion des Orientaux, il s’en trouve qui guérissent toutes les maladies. Le safran de Hamadan passe pour être le meilleur qu'il y ait au monde. Les bêtes féroces, les reptiles & les insectes nuisibles sont presque inconnus à Hamadan. Hamadan fut conquis par les musulmans en 24 de Fhégire (644 J. C.) & passa successivement sous la 13 de MONUMENTS MODERNES domination des khalifes, sous celle des Bouides, des Gaznevides, des Seldjoukides, des Mongols & des dynasties qui ont régné en Perse avant & après la conquête de Timour. Tantôt capitale d’une grande partie de la Perse, tantôt donnée en apanage à des princes du sang, livrée souvent au pillage & au massacre, cette ville n'eut depuis la conquête musulmane que quelques éclairs de bien-être & de splendeur. Sous les Séfis & après leur chute, Hamadan fut plus d’une fois le théâtre de la guerre entre les Persans & les Turcs. Aga-Mahommed-Khan, Kadjar, y fit démolir la citadelle moderne. Parmi les musulmans illustres connus en Europe, un nom se rattache à celui de Hamadan : c’est celui du célèbre Avicenne qui y naquit, & qui, se sentant très-malade à Ispahan, où il était vizir du prince de ce pays, se hâta de regagner sa ville natale pour y mourir. En effet, il y mourut, quelques jours après son arrivée à Hamadan, en 1036 de notre ère. Le Canon d’Avicenne est enrichi de la description d’un grand nombre de plantes des contrées de l’Elvend, Le territoire de Hamadan offre encore çà & 1à des débris, dispersés sur son sol, d’une antiquité reculée. Un grand nombre de fragments mutilés gisent sous les quartiers de la ville moderne & dans les alentours; ils sont en pierre calcaire & en granit. Parmi ces débris l'on voit un fragment de lion ronde bosse, très-dégradé, mais qui accuse encore un beau galbe de sculpture ancienne. Est-il de l'époque médique ou séleucienne? C’est ce qu'on ne saurait dire. Selon la tradition du pays mentionnée par l'historien arabe Masoudi, ce lion aurait été apporté de l'Inde par Alexandre le Grand, & aurait été longtemps regardé par les habitants de Hamadan comme le palladium de la ville, croyance cruellement démentie lorsque, en 319 de lhégire (931, J. C.), le conquérant deïlemite Merdavidj, s'étant emparé de Hamadan, fit mettre en pièces ce lion colossal. Des voyageurs ont rapporté en Europe, depuis cinquante ans, de nombreuses antiquités, recueillies sur le sol de l’ancienne Ecbatane, & ont signalé en même temps, dans une gorge située au pied de l'Elvend, des inscripions cunéiformes qui ont, depuis, exercé la sagacité de plusieurs savants (Morier, Burnouf, Rawlinson). Vers le Sud, sur une colline de roche calcaire l’on voit l'emplacement de l’ancienne citadelle recouverte £- CULLAUMET - MOSQUÉE EN RUINE 2e aujourd’hui de terre & de décombres; les traces d’une vieille tour isolée, & quelques pans de mur d'enceinte rectangulaire, flanqué de tours rondes construites en briques & en pisé. On voit encore à Hamadan, vers la partie Nord de la ville, les ruines d’une ancienne mosquée de l’époque des premiers khalifes construite en brique cuite, revêtue de stuc, & ornée d'inscriptions cufiques & d’arabesques. Ces ruines ne sont pas sans offrir quelque intérêt archéologique. Nous en donnons ci-dessus une vue perspective, relevée sur place, & indiquant l’état de la mosquée lors de notre visite à ce curieux monument. Mais ce qui nous à paru offrir encore plus d'intérêt à cause de deux noms familiers à tout Européen, c’est un monument situé à peu distance de cette mosquée ruinée, & qui passe pour être le sépulcre d'Esther & de Mardochée. Sous une coupole du style persan s'élève une sorte de chapelle (voir la gravure ci-après) composée de deux pièces dont la première sert de vestibule à la seconde. La première pièce contient quelques objets de l’appareil funéraire, tels que civières, lampes, etc.; la seconde renferme deux sarcophages qui doivent : 58 2 À contenir les restes mortels d’Esther & de son oncle. Ce monument ne saurait, tel qu'il est, prétendre à aucune DE LA PERSE. s1 antiquité, mais son aspect moderne ne sufhit pas pour infirmer d'une manière absolue la tradition populaire juive sur sa destination. Le mausolée primitif aura sans doute été ruiné plus d’une fois (il y a eu, entre autres, des ruines à Hamadan lors de l'invasion de Timour au xiv° siècle), & le monument actuel a été restauré, en dernier lieu, en 1713 par deux pieux Israélites. On a fait observer que les événements racontés dans le livre d’Esther s'étant passés à Suse, on s’attendrait à trouver son tombeau & celui de son oncle plutôt à Suse qu'à Hamadan (Echatane). Cette objection a, selon nous, peu de valeur. Esther & Mardochée pouvaient bien préférer reposer après leur mort à Echatane qu'à Suse, si, comme cela est probable, Ecbatane & Hamadan ont été toujours fortement peuplés de Juifs. Quoiqu'il s'agisse des temps bien plus rappochés de nous, le récit de Benjamin de Tudele, rabbin voyageur du xu° siècle de notre ère, qui a trouvé cinquante mille Juifs à Hamadan, autorise cette supposition, & ce même rabbin n’était que l'écho de la croyance de ses coreligionnaires, en signalant à Hamadan ce tombeau d’Esther & de Mardochée. On peut encore se demander comment un monument sacré pour un peuple opprimé & méprisé par les mahométans, aurait pu se conserver à côté des mosquées & des habitations musulmanes, s’il ne s'était pas en quelque sorte imposé aux égards des maîtres du pays par son antiquité & par la vénération dont il était l’objet? Il est permis de croire que le peuple aux longues espérances est aussi un peuple aux longs souvenits. La population de Hamadan ne se monte guère qu'à 40,000 habitants. Les Juifs y comptent 200 familles. TOMBEAUX D’ESTHER ET DE MARDOCHÉE KERMANCHAH La ville de Kermanchah, appelée par les géographes arabes Karmacin, est le chef-lieu de la province du même nom limitrophe du pachalik de Bagdad. La ville s'élève sur le penchant d'une montagne, sur la rive droite & sur le côté Ouest du Karasou qui coule impétueusement du Nord au Sud, & traverse même la partie basse de la ville. Rien n'égale la beauté du pays d’alentour, qui lui a valu parmi les orientaux de ces contrées le nom de Paradis. La fondation de cette ville date des Sassanides; elle est attribuée à Behram (le Vararanes IV des écrivains byzantins) qui a régné de 388 à 309 de J. C. Quelques-uns de ses successeurs y établirent leur résidence & contribuèrent à rendre cette contrée, déjà fertile, plus florissante encore par la culture du sol, par la plantation de jardins, & par la construction d’édifices de plaisance. Le voisinage de Kermanchah conserve encore des traces du séjour de ces princes amis de larchitecture & de la sculpture, car c’est à peu de distance de Kermanchah, environ deux heures de marche, du côté Ouest & du côté Est, que se voient la sculpture du Taki-Boustan & les inscriptions de Biçoutoun, monuments sassanides décrits dans les Monuments anciens de la Perse. Depuis la conquête musulmane, Kermanchah n’a jamais joué un rôle important; sous les Séfis, elle se ressentit du bien-être général de la monarchie & le perdit avec leur chute. Sous Feth-Ali Chah, Kermanchah a été la résidence de Mohammed-Ali Mirza, le plus guerrier & le plus ambitieux des fils de ce monarque. Ce prince était l'aîné de sa race, mais comme il était issu d’une mère esclave & que son père nomma pour son héritier présomptif Abbas-Mirza, né d’une princesse Kadjare, Mohammed-Ali Mirza, outré de cette préférence, n’hésita pas à déclarer à son père qu'à sa mort l'épée seule déciderait de la possession du trône de la Perse. Aussi, sa province de Kermanchah, où il gouvernait en maître absolu & où il maintenait dans l’obéissance les tribus guerrières de Kurdes, était pour ainsi dire un vaste champ d’exercices & un arsenal où ce prince préparait des armes pour de futurs combats, & où il accueillait avec empressement des officiers français & anglais comme instructeurs & comme futurs champions de sa cause. Sa mort mit fin à ces projets ambitieux; la province de Kermanchah passa à son fils & retomba dans la nullité commune à toutes les autres provinces de la monarchie persane. Kermanchah est le passage des caravanes de commerce & des caravanes, presque plus nombreuses encore, de pieux pèlerins chiites, qui, des contrées les plus éloignées de la Perse, se rendent à Kerbela, plaine aride de l'Irak arabe sanctifiée par la fin tragique de Hussein, fils d’Ali. Ces communications incessantes entre les deux États musulmans, la Perse & la Turquie, devraient faire de Kermanchah une ville riche & brillante. Elle est loin de l'être. Du haut des terrasses de ses maisons, plantées, comme nous l'avons dit, sur le penchant d'une montagne, l'œil embrasse un vaste & beau paysage, mais la ville elle-même n'offre rien de remarquable; ses rues sont étroites & sales; les mosquées & les édifices des particuliers étaient, en 1840 du moins, la plupart, dans un état d'abandon voisin de la ruine. La population de Kermanchah, composée de Kurdes, d’Arabes, de Juifs, d’Arméniens, monte à 20,000 habitants. KERMANCHAH TÉBRIZ OÙ TAURIS Tébriz, une des villes les plus importantes de la Perse, est la capitale de la province d'Azerbaïdjan (demeure du feu sacré), nom dans lequel il est facile de reconnaître l’Atropatène des auteurs de lantiquité classique & l’Atrpatkan des écrivains arméniens des premiers siècles de notre ère. Depuis un temps immémorial, cette province, berceau, à ce que l’on croit, de Zoroastre & du culte qu’il avait fondé, a occupé une place importante dans les annales de fran. Elle paraît avoir toujours eu pour chef-lieu une grande ville, & avoir servi de résidence aux monarques de la Perse, au moins pendant une partie de l’année; mais c’est une question encore controversée parmi les savants géographes modernes, si la capitale de lAtropatène nommée Gaza, & Gazaka chez Strabon & chez Ptolémée, Ganzaka ou Kandzaka chez les auteurs byzantins, & Seconde Echatane chez les historiens arméniens, occupait exactement l'emplacement actuel de Tébriz, ou si sous Gabris de Ptolémée ne se cache pas le nom de Tauris, Tébriz (Voy. Karl Ritter, géog. Asie IX, p. 775 & suiv.). Quelque plausibles que puissent être ces hypothèses, une chose est certaine, c’est que la ville musulmane de Tébriz a été, selon le témoignage positif des historiens arabes, fondée par la princesse Zobeïdeh, nièce & femme de Haroun-er-Rechid, en l’an 17$ de l’hégire (701 de J. C.) & que les auteurs arabes des x°, x1° & xu° siècles de notre ère ne mentionnent Tébriz que comme une localité de peu d'importance. Trente-neuf ans après sa fondation, Tébriz fut détruite par un tremblement de terre; elle fut rebâtie par le khalife abasside Motewekkil en 245 de l'hégire (857 de J. C.), mais environ deux cents ans après, en 434 de l’hégire (1042 de J. C.), un nouveau tremblement de terre la changea en un monceau de ruines. Elle fut toutefois rebâtie de nouveau & continua pendant plusieurs siècles, malgré les commotions fréquentes mais moins désastreuses que les deux premières, à s’accroître en étendue, en population, en richesse & en importance politique & commerciale. En 1721, Tébriz fut encore éprouvée par un terrible tremblement de terre qui coûta, dit-on, la vie à quatre-vingt mille personnes, & ces convulsions se sont renouvelées depuis, quoique avec moins d'intensité. Outre les tremblements de terre, cette ville eut encore souvent, du moins dans les premiers siècles de son existence, à souffrir des inondations, mais il paraît qu'on y a remédié enfin, au moyen de nombreux canaux & de dérivations des eaux venant des montagnes voisines. On comprend combien ces sinistres ont dû être funestes aux édifices & aux monuments que la piété des musulmans & la magnificence des souverains & des grands se plaisaient à élever dans cette ville. Aussi presque tous ces monuments sont aujourd’hui en ruine. La capitale de lAzerbaïdjan eut successivement pour maîtres les khalifes abassides, les Bouides, les Seldjoukides, la branche des Atabeks de lAzerbaïdjan & les chahs du Kharezm, & fournit plus d’une fois, pendant les guerres que se livraient ces dynasties, des épisodes intéressants qui attestent la bravoure & l'énergique résistance de ses habitants. La plus brillante époque de Tébriz commença presque avec l'établissement de la domination des Mongols en Perse; car, sauf leur séjour pendant l'automne à Meragha, c’est à Tébriz que résidèrent constamment les souverains persans de la race de Djenguizkhan, jusqu'à ce que Sultanieh l'eût remplacé comme capitale. Tébriz fut encore, à la chute de la dynastie des Djenguizkhanides, la capitale d’une autre dynastie éphémère, celle de Melek-Echref (Voy. la notice sur Ispahan), connu par son caractère ombrageux & par ses cruautés. Mais c’est néanmoins ce prince, confiné lui-même comme une chauve-souris dans une habitation obscure où il faisait préparer sous ses yeux tous ses repas, qui agrandit Tébriz & l’embellit par de nombreux édifices, en forçant les gens riches à construire des mosquées, des bains & des jardins. L'invasion de Timour mit fin pour quelque temps à l'importance de Tébriz. Sous les dynasties turcomanes, d'abord celle du Mouton-Noir (jusqu'à 1468), & ensuite celle du Mouton-Blanc, Tébriz change souvent de maitres. Mais à l’avénement de la dynastie des Séfs, dans la personne du chah Ismaïl, 100 de notre ère (906 de l'hégire), elle devient la capitale de toute la Perse, conquise au bout de quatre ans par la valeur 14 $4 MONUMENTS MODERNES DE LA PERSE. & les talents du jeune Ismail. Son successeur le chah Tahmasp ayant transporté sa résidence à Kazwin en 152$, & le chah Abbas le Grand l'ayant définitivement fixée à Ispahan, Tébriz ne fut, pendant les xvi*, xvn° & xvin* siècles & jusqu'à nos jours, que la capitale de l’Azerbaïdjan, & eut plus d'une fois à souffrir des guerres entre la Perse & la Turquie. Presque de nos jours, sous le règne de Feth-Ali Chah, Tébriz fut la résidence de son fils & héritier présomptif du trône, Abbas Mirza, qui aimait à sentourer de militaires, d'artisans & de savants européens. Grâce à l'impulsion donnée par ce prince, & à sa position qui la place, sous le rapport commercial, entre la Perse, la Turquie & la Russie, la ville de Tébriz est devenue une cité très-importante & elle s'agrandit encore sans cesse. Tébriz est situé au fond d'une vaste plaine, au pied d’une haute chaîne de montagnes où se groupent, à ses versants Sud, plusieurs collines coniques couvertes encore çà & là de ruines, de forts & de masures. La ville est traversée par le Mehranroud, rivière qui coule de la montagne Sehend & dont l’eau est très-bonne. L'air de Tébriz passe pour être très-sain, & les Persans assurent que le nom même de la ville l'indique assez, car teb-rix signifie fébrifuge. Ce qui a pu ajouter à cette réputation de salubrité de Tébriz, ce sont les sources minérales chaudes qui existent dans le voisinage, & qui possèdent des propriétés curatives. Le climat de Tébriz est très-rigoureux en hiver, le pays est très-fertile, abondant en grains & en fruits. Les environs de Tébriz renferment des carrières d’un beau marbre agatisé. Les bazars & les caravansérails de la ville sont vastes, voûtés, la plupart construits en briques cuites, & comme la ville est en quelque sorte l’entrepôt du commerce entre l'Europe & l'Asie, il y règne une grande activité commerciale. Nous avons dit plus haut que la période la plus brillante de Tébriz a été celle de la domination des Djenguizkanides. Le plus illustre parmi ces princes, Ghazan-Khan (mort en 700 hég., 1300 J. C.), aussi remarquable comme souverain que distingué par ses aptitudes variées (1), signala son règne de cinq ans par un grand nombre d'établissements & de constructions dont la majeure partie à Tébriz : des écoles, un hôpital, une académie, une bibliothèque publique, des bains & des bassins d’eau, &c. Le monument le plus. remarquable construit par Ghazan-Khan a été le mausolée qu'il destinait à sa propre sépulture dans le quartier Chemb au Sud-Ouest de la ville. Ce monument présentait la forme d’un dodécagone & offrait sur chacune de ses douze faces un signe du Zodiaque. La hauteur de l'édifice, depuis le sol jusqu’au sommet de la coupole à l'intérieur, était de plus de 140 mètres; la hauteur de la coupole d'environ 45 mètres, & son pourtour de $o mètres. Treize cents ouvriers travaillaient sans cesse à ce monument qui n’est aujourd'hui qu'une imposante ruine. L’historiographe des Mongols dont nous avons déjà parlé, Rechid-oud-din, qui était en même temps ministre de Ghazan-Khan, fonda à Tébriz un faubourg qu'il appela de son mon Rechidiieh où est située la citadelle Kalaa-Rechidjieh, plus d’une fois mentionnée dans les annales de la ville, mais dont il ne reste que le soubassement d’une immense tour circulaire construite en briques & en moellons. On voit encore dans la partie Sud de la ville, les restes d’une construction colossale en briques cuites & jaunes très-bien appareillées, construction connue sous le nom de citadelle & de Mosquée de Khodja-Ali Chah. Ces restes ont été convertis en arsenal par Abbas-Mirza, & en 1840 on y voyait encore quelques pièces de canon, des boulets, des bombes, etc. La ruine la plus remarquable de Tébriz est celle d’une mosquée (planche LXVIN) désignée sous le nom de Mosquée Bleue, à cause de la couleur bleue des briques qui domine dans l’ornementation de cet édifice; on l'appelle aussi mosquée des Sunnites; elle a été bâtie au xv° siècle de notre ère par Djehan-Chah prince de la dynastie du Mouton-Noir. Le tremblement de terre de 1721 en a renversé le dôme & les minarets, mais l’on peut encore y admirer la grande porte & des fragments de revêtements en briques émaillées formant des combinaisons d’entrelacs & d’ornements dans le style arabe. L’émail de ces briques est d’un éclat bien supérieur à celui des briques employées dans les beaux édifices d’Ispahan; on est frappé également de la manière dont ces briques de diverses dimensions sont appareiïllées entre elles & posées sur une couche de ciment extrêmement dur. Le soubassement des murs intérieurs de cette Mosquée était en beau marbre veiné & agatisé provenant d'une montagne à source minérale située à 6o kilomètres environ au sud de Tébriz. Le soubassement de la façade principale était en belle pierre calcaire dure & colorée. La longueur de l'édifice est de $2 mètres de façade sur $2 mètres de profondeur. (1) Son historiographe, Rechid-oud-din, homme lui-même très-instruit, nous apprend que Ghazan était forgeron, menuisier, tourneur, fondeur, peintre, doreur, qu'il connaissait l'astronomie, la botanique, l’alchimie, la médecine, et qu’il avait à peine son égal dans la connaissance de l’histoire de son peuple. CHIRAZ La ville de Chiraz, capitale de la province du Fars, n’est représentée dans cet ouvrage que par la vue des tombeaux des deux poëtes qui lui appartiennent en propre, Sadi & Hafez. Ces deux noms sufiraient seuls à sa gloire, mais Chiraz a d’autres titres encore à la célébrité & à l'illustration. Depuis des siècles, cette ville est considérée en Orient comme l'école & le foyer de cette élégance des manières & du langage, & de ce vernis de civilisation asiatique, qui semblent rapprocher le plus les Persans des Européens de l'Occident. Le grand nombre de savants musulmans & de beaux esprits qui y ont fleuri à toutes Îles époques lui ont valu le surnom de Dar-ol-elm (demeure du Savoir) que les voyageurs européens traduisent volontiers par l’Athènes de la Perse. | Chiraz est assise au fond d’une vallée fertile, traversée par de nombreux canaux souterrains qui lui fournissent de l’eau en abondance & par deux cours d’eau, Abi-miri & Abi-rocni ou Rocnabad, ce dernier, petit ruisseau d'un mètre de largeur, immortalisé dans les délicieux vers de Hafez. Des montagnes coniques entourent cette riante vallée, remplie de jardins, couverte des plus beaux cyprès, éclatante de parterres de roses, animée par les accents des rossignols, qui, dès le printemps, y chantent, pendant le jour & pendant la nuit, d’une voix plus sonore &, on dirait, plus passionnée que partout ailleurs. En un mot, Chiraz est la ville des cyprès, des roses & des rossignols, & si lallégorie des amours de la Rose & du Rossignol à pris naissance dans une contrée particulière de l'Orient, c’est Chiraz qui pourrait, avec le plus de droit, prétendre à cet honneur. Le climat de Chiraz est très-chaud; en été, le thermomètre y monte à 45 degrés Réaumur, mais l'air y est sain. En hiver, la douceur de la température y attire un nombre considérable d'étrangers. En sortant des gorges des montagnes qui entourent Chiraz on a au Nord-Est, à dix lieues de distance, les ruines de Persépolis, & à l'Ouest, à peu près à la mème distance, celles de Chapour, décrites les unes & les autres dans les Monuments anciens de la Perse. Chiraz est éloignée d'Ispahan de douze journées de marche au Nord-Ouest. Les tombeaux de Sadi & de Hafez sont tous les deux situés en dehors de la ville. Le Cheikh Moslih-oud-din-Sadi, ou tout simplement le Cheikh, comme l'appellent les Persans, naquit à Chiraz en 1194 de notre ère. II parcourut presque toute l'Asie, prit part aux guerres des musulmans contre les croisés européens en Syrie, fut quelque temps leur prisonnier, &, rentré dans sa patrie, il mourut âgé de cent deux ans, après avoir charmé, déjà de son vivant, toute la Perse, par son esprit & par ses écrits en prose & en vers, les uns empreints d’un sentiment religieux & moral très-élevé, d’autres de caractère érotique & quelquefois trop libres. Son Gulistan (parterre de roses), traduit, depuis le xvn° siècle, en presque toutes les langues européenties, son Bostan (jardin), ses Kacidas (odes & élégies), ses ghazels, sorte de sonnets, sont toujours encore le modèle du bon style & du beau langage persan, & font les délices de tout ce qui parle le persan en Perse, en Turquie & dans l'Inde. Le Khodja Chems-oud-din-Mohammed Hafez, ou le Khodja par excellence, vécut en plein xv° siècle de notre ère. Les dates de sa naissance & de sa mort ne sont pas faciles à préciser. Il paraît avoir d’abord été garçon boulanger, mais son talent poétique du premier ordre le tira bientôt de l'obscurité & fit de lui le protégé, le compagnon, le favori, recherché quelquefois en vain, des plus puissants princes de son temps. IL s'attacha particulièrement aux princes Mozafférides, mais fut comblé d’égards par leur redoutable vainqueur, le conquérant Timour. Hafez n’a laissé que des poésies détachées, des ghazels, où sous le langage tantôt purement érotique, tantôt mystique, percent souvent les idées d'un libre penseur. Il est pour les Persans un poëte dans le sens le plus 56 MONUMENTS MODERNES élevé du mot, un Wates, & son Divan (recueil de poésies) partage seul avec le Koran l'honneur d’être consulté comme un oracle. On l’ouvre au hasard pour y chercher un conseil, un avertissement, une réponse au vœu que l’on forme. Ce sortilége qui répond aux sortes Virgilianae de l'Europe du moyen âge s'appelle en persan Téfauul. Les restes de Hafez reposent dans un terrain isolé,. situé au Sud-Est de la ville & appelé Hafeziieh. C'est un terrain qui était autrefois clos de murs. Un jardin qui touchait au monument est rempli d'arbres touffus, abritant sous leur ombre les nombreux pèlerins admirateurs du poëte. La tombe est formée d'un socle en pierre calcaire dure & d’un second socle plus élevé de marbre agatisé de Tébriz. Une inscription, quelques vers tirés de son propre Divan ornent cette tombe. On voit dans ce jardin d’autres tombes encore, celles des admirateurs du poëte qui ont voulu reposer auprès de ses cendres. Un grand bassin & un jet d'eau complètent ce lieu, à la garde duquel est préposé un mollah qui montre aux visiteurs un exemplaire du Divan du poëte, élégamment écrit, mais moderne. Nous donnons ci-dessous une vue perspective du tombeau & du jardin qui l’entoure. us oo TOMBEAU DU POÈTE HAFEZ À CHIRAZ Plus près de la ville se trouve le tombeau de Sadi. Dans une salle voütée, à angle d'un grand bâtiment entouré d’un mur de clôture avec un jardin, se trouve la tombe du Cheikh. C'est un sarcophage en pierre calcaire tendre, couvert d’ornements & d'inscriptions arabes & persanes; au pied de ce monument se trouve un bassin d’eau limpide rempli de poissons qui, par respect pour la mémoire du Cheikh, sont réputés sacrés. Ebn-Batouta, voyageur arabe du xwv° siècle, parle déjà du tombeau vénéré de Sadi; celui de Hafez peut dater du commencement du xv° siècle. Les tremblements de terre auront plus d’une fois réduit ces monuments à un état de délabrement. Kerim-Khan les a fait restaurer dans la seconde moitié du dernier siècle, mais les tombeaux du Cheikh & du Khodja se présentent de nouveau sous l'aspect de ruines. La gravure que l’on voit à la fin de ce chapitre est la reproduction du tombeau du grand poëte persan, tel qu'il était à l'époque où nous l'avons visité. La fondation de Chiraz ne date que de la conquête musulmane du Fars, au vu* siècle de notre ère, de l'époque où l’armée arabe, lancée au siége d’Istakhr (Persépolis), campait dans les contrées environnantes. À la domination directe des khalifes sur le Fars succédèrent toutes celles que nous avons énumérées dans notre notice sur Ispahan. Chiraz a été la capitale d’une branche des Bouides, d’une branche des Atabeks Selghour, contemporaine de Sadi, & plus tard la capitale des Mozafferides, contemporains de Hafez. Elle fut encore une fois la capitale de toute la Perse, lorsque Kérim-Khan, de la tribu de Zend, voisine de Chiraz, y établit sa résidence & celle de sa dynastie éphémère. C'est à Kérim-Khan que Chiraz doit la restauration de quelques édifices anciens & la construction . Hi vd RAT AL DEN CAMMERSIE 2 de plusieurs monuments nouveaux. Parmi ces derniers, les plus remarquables sont la grande & belle mosquée du Vékil (Mesdjid-i-Vekil), & le bazar du Vékil (Régent), titre que Kérim-Khan se contentait de porter au lieu de celui de Chah. Une grande mosquée, qui, depuis des siècles, porte le nom de Mesdjidi-Nô (nouvelle mosquée), a été construite, au xin° siècle, par un des Atabeks; elle fait encore, malgré son état de délabrement, l’ornement de la ville. La citadelle (l4rk) de Chiraz, fortifiée par Kérim-Khan, sert de résidence au gouverneur (Beglerbeï) du Fars & renferme plusieurs corps de logis. Parmi les beaux jardins de Chiraz, on peut citer le Baghé-Takhr, planté en amphithéâtre sur le versant d'une montagne; le Baghé-N6 & le Baghé-Del-Goucha, dans lequel se trouve la source appelée Tehechméi-Sadi, source de Sadi. La ville & les environs possèdent un grand nombre d’Imamyadehs ou mausolées des descendants d'Al. Tous ces édifices portent des traces de tremblements de terre. Deux fois, de nos jours, Chiraz a été cruellement éprouvée par ces commotions : en 1849, où périrent, dit-on, douze mille personnes, & en 1862. Avec ce chapitre se termine de fait la notice descriptive des monuments divers reproduits par les planches de la Perse moderne. L'auteur a pensé que ce texte ne serait complet qu’à la condition de développer en quelques mots les principes qui ont guidé les architectes persans dans la construction des voussures & des coupoles. Ces considérations toutes spéciales, qui ferment le livre, forment l’objet du chapitre suivant. JL Ci) | IE FA : = AIÉ= ge PIPAANE NID = cé TITLE 2 if tue ES 5 A — nr TN ait Re nl CS a M Ni x TN ESA © SNL AE S EFI “ie à CS ae A" LE : = | (ES AUS 22 on LT 5 ER PA M Ë S £ CA ZE, NS Laon EU Es CSSS E DCR SRE EVLARD.2 TOMBEAU DU POËTE SADI GS ORIGINE DES COUPOLES ET DES VOUSSURES Le chapitre qui précède clôt le texte relatif à la description des Monuments de la Perse moderne, dont nos planches fournissent la reproduction. Il nous reste, pour compléter ces renseignements, à dire quelques mots sur l’origine des voussures & des coupoles. La planche LXXI donne : 1° Le plan & la vue d'une tente des Iliates, tribus nomades turkomanes, dont le pays est compris entre la mer Caspienne, la mer d’Aral & le khanat de Khiva, bien que leurs mœurs vagabondes les portent à changer, selon les saisons, leurs demeures & les stations de leurs troupeaux. La forme de cette tente, qui date de la plus haute antiquité, & qui n’a, de même que les mœurs de ces peuplades, subi aucune altération, semble avoir été adoptée, en Occident & en Orient, dans la construction des monuments romains & byzantins. 2° Woussure sassanide. Sous la dynastie des Sassanides, qui a régné en Perse du m° au vi siècle de notre ère, cette voussure à été surhaussée dans la construction des voütes & des coupoles & a pris la forme ovoïde. 3° Woussure arabe. Ceux des Arabes qui, au vu° siècle de notre ère, envahirent la Perse & l'Inde, conser- vèrent le surhaussement dans la voussure, mais à plusieurs cintres ; c’est-à-dire que ces voussures formèrent angle à leur sommet. Les autres Arabes, à la même époque, sous la dénomination de Maures, employèrent dans leurs constructions, en Afrique & en Espagne, la voussure hémisphère outre-passée, dite fer de cheval. 4° Voussure persane. Les Persans, à partir du xvi° siècle de notre ère, modifièrent à leur point de vue le galbe des voussures à plusieurs cintres, & donnèrent un renflement à l’intérieur des coupoles. 5° Voussure ogivale. Du x au xu° siècle de notre ère, la voussure arabe à plusieurs cintres fut introduite en Occident à la suite des Croisades, & adoptée dans toutes les constructions des édifices religieux, civils & militaires. Au xim° & xiv° siècles, cette voussure fut surhaussée & inscrite dans un triangle équilatéral; ensuite, vers le xv° & même une partie du xvi siècle, elle fut inscrite dans un triangle isocèle, époque de la déchéance des voussures ogivales. PLANCHES. LORS LH ES NES ET AA ANA IQ cr, EN CNE N'AIENT EN ONE IE nous Co Dm UNE D OMS Se HONÉRQUURSES SAME XAVIER XVI-XVII, . . . DNA. es Mot XX =XX CR OCCMTMUNRRE ET XXII-XXIII . . . XX LINE XERN XXVI-XXVII . . XX ND RCI. DC DD, 0.0.0 ICT, XXXVIII . . . . XXXIX-XL. . . . ISPAHAN 0 TABLE DES PLANCHES Panorama d’Ispahan Plan général d'Ispahan Mosquée Djumah. Plan . —— Vue de la cour. Place royale & mosquée Mesdjid-i-Chah. . Mosquée Mesdjid-i-Chah. Plan général. — — Porte principale — — Vue de la cour. — — Détails. Lt Re _. — Coupe sur la ligne A-B du plan . — — Coupe sur la ligne C-D du plan. Medréceh Maderi-Chah-Sultan-Hussein. Vue extérieure . — — Plan du collége . _ — Vestibule de l'entrée principale. — — Vue extérieure de la Mosquée . — — Minaret & détails — — — Détails des arcades — 1 — Coupe sur la ligne A-B du plan du Medréceh. — Coupe sur la ligne C-D du plan — Caravansérail Chah-Sultan-Hussein . Pavillon des Miroirs. Vue extérieure perspective — Plan, façade & coupe = Vue perspective intérieure. Pavillon des huit portes du Paradis. Vue extérieure — — Plan & coupe. — > Vue perspective intérieure = _ Détail de la coupole. Jardin & pavillon Tchehel-Soutoun, dit des 40 colonnes. Vue perspective . = Le _ Pavillon . Intérieur du palais Tcharbagh . Bazar des tailleurs. PAGES. TABLE DES PLANCHES, PLANCHES XLVI. + + + + IsPAHAN. . . . . Pont Allah-Verdi-Khan. Vue perspective . on OT LE. — Seconde vue perspective . SUV te es =— Plans généraux Le UT EE _- == Détails, plans & coupes . LAON ES Le —— Pont Hassan-Beg. Perspective & élévation ED M ete TO cs. Plans généraux . EIRE GLS — —— Détails . ARS of & EU — Vue d’un colombier . : MUR AE pe Se 2 —_ Vue & détails du minaret Chah-Roustem. Nr RE un D KACHAN . . . . Bazar Hadji-Seid-Hussein & bains publics. Plan & coupe IAA e Se ee — _ Æ Vue intérieure . LOL EE — — — Vue perspective. CNE EN TE TéH£RAN. . . . Château de Kasr-i-Kadjar. Vue perspective. RD en Een AUS Es — = Plan & coupe. SL En Tutos bo — — —— Kiosque LC LIEN AE. ES Pavillon du trône. SO ie PLU à AL, TRUE Tour en briques aux ruines de Reï. SR MN OL: —_— Détails de la tour construite en pierres . He En Le CaRAVANSERAIL. Passengan, sur la route de Téhéran DAV EN aise — Amin-Abad, sur la route de Chiraz . Dent RTE Mosquée & Tomssau de Mohammed-Khoda-Bendeh. MARNE CE Mosquée des Sunnites. Plan & coupe . : TP M ae - GRANDE Maison à Ebher. — Imanzapen @& CimETIÈRE à Farsidjin. DR Se Le Si. Tauris. Maison à Tauris. — Maison au village d’Alvar . FRITES NE, PARALLÈLE DES Courozes & DES VOUSSURES 20 = E—— 00e PARIS. — J, CLAYE, IMPRIMEUR, RUE SAINT-BENOI!', 7. fui 4 { | MONUMENTS MODERN DEP EEE : | | PL. [IL (D MOSQUE ROYALE — PLACE ROYALE FAUBOURG DJOULFA PONT ALLAH-VERDI KHAN PONT HASSAN-BEG s \ L | (1: | 2 PA El Au = ÿ nn fire ii re | . “dti RE —— à he cé EU LE M RES F in f fi ii ï = UE ‘A, CUILLAUMOT P.COSTE ARCHITECTE æÆ ] # \} \ M Ÿ \! \ NE 1 De S DE LA PERSE. MONUMENTS MODERN Hussein- abad, ee. Khadjour Dervazèh-Zilléh Séid-Ahmedioun. Djoubareh Tokhtchi. Sipoulek . 16 Aqucdue 20 Citadelle, 26 Coupole du Bazar des Taiïlleurs , 27 Bazar des Chaudronniers, 35 Caravanserail, imaver, 200 maisons eidan-i-Kohneh, 350 VILLE D'UJSPAHAN, QUARTIERS 1-N0 , au Nord-Ouest, 5oo maiso Musulmanes, maisons Musulmanes, Djamala - Koula , 35o maisons habitées, — A Z … 4 LD D À CZ CL 2e 5 A NICE AL D'JSPAHAN. CH.BURY EC BOUDROT CRAV ‘ F| M} 1 FN ENT RAR f s Y'én [1 . La . F - ae u £ . à L Lt L à L - FA 5 EC POP K Fr AT © »“ L Je À x Lis | A , p . : ue A : à É à £ | | ÿ N'y fl PA 0 ; l , F ; ; er Lu { ’ n ) 4 Cu F : x ' 1 LL dis l ’ L L s A # ÿ L [l : art * * ‘ F u D CNTE L : " | La een | : L re. L Û : L és L » Ps « » En n s : &: 23 LR: : CR Û brie ae ent re Are LË at 3 FES CS ,S3A . E ù ; on D ; 2 k (in “ û & : ; pe en ñ ( _ + CR 24 , à, # A NT ! £ FT ne J i Li > L : LE nr à Fr es t e re k " : ; a | er KA ‘ 3 EUX à Cu à ete K w Un L nid : Hs S CES) ? + # 3 a A L ne FE # ñ " au É OT AR Le É . ' an ee Fe Æ É PR LA a Mis # : \ n n L mar cf ï " LAURE ñ " es f. PRE 1 . - er PRE ge ee ET FERRER Cr rex a : ï LS ‘ L RE + x | k o L 7 RES MERE FTaN No + Ke = PSS TE FALSE ne ; j | fie L CEE Lier : É pr 4 4 : on : Ü L 1. FE Wu È 3 L Ù " PS RUE | RASE EN ES NTS MODERN ONUM Sanctuaires . 9 _ Divers 10 — Niches (Kibla, point de — Porte principale de la Mosquée Djoum'ah. 1 © a] [ei De CO) = Er ct = MER CE) RES) OURS = ec a fé © > © 5) = [0] ie © Plusieurs autres Portes. DES _— Chaire (Mimber). 12 __ Mosquée Abd-Lazis. 3 — Grande Cour. __ Bassins pour les Ablutions. 18 _ Entrée principale de la Mosquée Abd -Lazis. 5 — Oratoire. 14 — Ancienne Mosquée. 6 — Estrade pour faire la prière en plein-air. COS boire. pour 7 — Vasque contenant l'eau le Atrines. avec Dôme et minarets. 8— Sanctuaire Mèétres 50 20 10 Echelle de BOISSEN CRA “us JMOUM AH | | LA MOSQ DS PARA o. (®) 5 Le) ra & ü fi Ÿ £ Re a. 5 e ÿ : l'es ur apendl ci x AVHO LOWNVT" T ŒuuT IN 9NV NVAVASI AV WOTCQ SL 7e SUD _ LOC) © ER HO EC 2 OkCY 1] Ii GS] |! ATEN ( STE 7 AA ENS re Dr RL 7 Et ME 1 L Le CR: re : h « h PAR PT VE re Lece[e[e[s[uleleréCoLererSTSre rs rare) ( ai +7 Chromo SPLSrS Fe À € * ; 3 . * » 3 -” à & Ê « \ ne LL: : 4 x es = e æ ne - . à - Pl + * + L sd - E 4 = LD n » | RSE [ JDPENSSRNE ASP ik 1 LEGENDI Bornes en Calcaire 6ris O B __ Mur d'enceinte à hauteur d'appui Apr C __ Porche de la Mosquée IE DD ee le Entr Vestibule F __ Cuvettes pour l'eau à boire P rincipa G — Entrées de. la Mosquée EE 2 de Cour pavée en dalles _ cran 1 __ Bassin pour les Ablutions K __ Porche du Sanctuaire 1e N pole M __ Niches devant les quelles se fait la pri Sanctuaire à Grande Cou ere Chaire © __ Salles pour les prières P __ Porches Q — Salles à Dômes R __ Portiques N° de dalles ours pavees Fr LC S ‘eau d U __ Portes de Débasement TmMBassinsel. Jets © V __ Cours des latrines Xe ] Citerne Y __ Escaliers des Tribunes et Terrasses 20 10 5 jen 0 Metres Echelle de beta etoile] CRAV : a L du < A Ve és at Se Et x | PQ [él DRE s060l50 7 = PERS sa ISERE SEE ée re Lf|le 0e = oo né ÈS HOT In lex ; = | WA 72777 PORTE PRINCIPALE I 10 1 20 25 L l + + Mèetres P,COSTE ARCHITECTE À MOREL = Editeur . BU RY G RAV L'OE ORErO res DS PA RANM Imp.Lemercier, Paris, ‘ SUEJ ISDISUST AU] MADT TION V NVEVAasr ÉTÉ RSSQIRAS EAS S OCR LORS RER HIIT HAITIHIVA “ALORLIHONV 4LSO9 4 Sfr CH GOW SENINNNON: (© Ha te SO ME LA 4 di ‘ANOUPI -TIHON'V SAR AE | Me ele et een con. AN = : ANNEXE UNIES ALOBLIHOUV a£SO9 «a ENS | | | SAUIIN : | = | — | | — + 30 37114H98 ; | Lo) ci 0 î a Oo | \ | ‘a | 1 = Z [el Se re = FA Co QAR = ŒQ) 5 1) | \ / - | NT < Y. ‘ La è û “| Ÿ —— À ne TV | | | à NL à © d HE o À y! ee LE 4 _ | | œ Te 3 A LÀ © 7 | j l À LÀ e À En) ÿ | | £ 2 | | É £ Z pa | ITITITITIT CTTÉTITITITILTITITITITTI LIN Ta | 1 v1 10 SINHACON SININNNON dari . ll cl RTC L D] 4 \ # na à pe: É li | l À | | | { | MONUMENTS MODERNES JE NE RS F i D her à 1 20 É PT ER ES "4 Ph FAT “+ NE PTE à è 1 ll . | (l | A JR / me 4 0 X | 0) AL ® - PUS À ÿ , | + | x . | . _ 2 ZZ 7 7 1 Ç 4 ; 7 À L 7 RS I 7 177 à S Ÿ LL al AX 7 7 | / ee oe net SOBR* À : / AS ABS OCR LS A RSRA TO n VERQIE NY = en \ Peut ï don AR D jé c IE , A De Ai Le JE Ù AA NN. a ee Z = ee A Fe) & CAO 0 RAR RC SAND MAIN = / -. Ê ; = 6 es o d ) &k \ “A ©) de Ne Ê e S 5 ‘ 7 ) TG —— — SE 0 Ed) : 4 Ÿ de l à Ÿ EVE VEEEOT Ü OAI NI OmE ON ÉUULOSURE je Ye NA ALT (SR à OOAIDAI 0 ZAotenal : NT 1115 < 271) pi NA D À ÿ CT) « ) Q ÿ DE DEL Ge) : 7 : ' SOA \: APTE AB AAA i 1Z Ste nn (IE 'ADROEOR* AOLDRORE AORDRON ï DEC OAQRO OO ss ee D RE Je | Va Se | Tao A TANT Z Se PTE ATEN EE UE) | D) OO) 0 UE IR SACE 0 OLn 2e mA SI one EE HR URBAN | 1e qe ne _ L L RE En EARE CEIUE 1 = RON £Ce G © DES G : El à Le À 7; À C ER TZ CJorer De cena rl ea Be PAIX 16 ©ÿ 6e < ; « ) 2H VX — QE SUIS QE AE OERS 7 nl> PÜe PSS ele je a Da all SE S de à ee el” = IE | EN DS “ AN Ô © SPAS QIÉ Nr Q IS 8 à DEN Il 0 0-0) 0 lo È A EQe ; . ® —i| N°4 le SIDA = Se Aloe AI O\|E | ul : “| LE. 6) 6 0 CE À MSIE Es I DIE : és OO OOR deb }et JA AOROEORS EOSCECE (a ÊTTTSTIS JeTeTeTeISTeTe (o7o7o7 ne ae à SL UBRaUE rar tra x Qp de Re S dde QE UE En à | à a - ER AIS “ls Ko nel NS EP 16 DIRE DIE BIÈFOIE ll als ; \ 1 A . 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COUPE SURVPA LICNE C2, HUCGUET JXE CRAV: Imp.Lemercier et CN RARES Fait ne a : VUS LOZDVANVS ‘TO NVEMAS f) n' JE A SE MaovW HAISSHOa NW 4941109 aLJali uv aLSOD ‘ à AK Id a ©} 27 [( La OS NY (es CON SENANWNNON PO UT TE EN UN CS A 2 Le PEU EPRPRELT, I MONUMENTS MODERN | | a Pi OL SÉCRNDE SUITE DU Lies COLLECE MEDRESSEH on done SULTAN -HUSSEIN CARAVANSERAIL 24 __ Chaire à précher (Mimber). 1__ Entrée du Caravansérail. | Eu 6 0) CS fe Ë 25 __ Cours des Latrines. 2 :Porche, 39 26 __ Reservoir. 3 Salles des Marchands à ET EE EEE EE SOON I EL EL LEE LITE LE 27. _= Cuisine. 4 __ Salles reservées . : in 4 4 28 Chapelle 5 Escaliers des Lo$Sements . O 29 __ Vasques contenant de RUE ] 6-_Cours des Latrines. #0 D ec Det nee duGolléserSunele L (®] 8 __ Estrades en avant des Salles | | | À 31 __ Grand courant d'eau. | EN Se | | ou des Boutiques des À | | | pa h Marchands . | ; # 32 __ Platte-bandes, en Rosiers, o __ Estrade au centre de la Cour X ; 3 Jasmins, Lauriers - roses 10 __Courant d'eau d COU | ER | # & Fe | : et hauts - Platanes. 11 Cour qui sépare le Meédresseh | Poe L & [| ou -PPAITICS d'avec le Caravanserail. | LAVER È CRE VMS 34 __Pavé en brosses dalles de “i : à + À [e\ À [(@] ] ps KR à ‘ des de communication “ : s + ÿ L He l Pierre dure. n L | | avec les Ecuries. = ir | = € | 35 __ Café 18 Entrée des Ecuries par 6 hf a5 | | | LÉ P " 8 | | | 14 36 __ Entrée du Bazar. le Bazar, | | : f FE a g = - = —— 37 __ Portier. APTE PES 14 __ Chambres des Gardiens et LL | fe ; q 38 __ Cafés et Restaurant. des Muleuers. | PO mie TE 2 : VOULC, 15 = Ecuries . % DES 1Ê » APR RAT TE | | 10 2 Sortie! du Bazar : | a) n | 16__ Courant d'eau. Qi M du 54 SO nn SE 1 7 6 EE" "7 ; Perd | f is ; 15 x __ Boutiques. ] | DCE PORN PTE Ke ae 0 1 En CO, MIRE 6 0 Re % ti es PER A CEE & | COLEEC MÉDRES SES Ù CRANDE AVENUE TCHARBAGEH MADERI-CHAH SULTAN - HUSSEIN HU | ù RQ 12 | | | & LE | | ps Cascade. | i | Entr Rat pa L | | É ; , | 17 MER princ pale du d 42 Bassin et Jet-deau. 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VOUSSURES SASSANIDE, DU IER AU XVIE SIECLE = & = == 16 Parties. 16 Parties, VOUSSURE DE LA SALLE DU PALAIS À CTESIPHON COUPÔLE DU PALAIS A FIROUX-ABAD ENME EN BABYLONIE FE RSE VOUS SUR] 16 Parties AFRIQUE ET ESPAGNE CORDOUE-— IXE SIECLE ALHAMBRA XIE SIECLE [es EAUX ARCEAUX ; INTERIEUR DE LA COUPOLI (eu) | NN KKRKKKI 16 Parties, Æ 16 Parties Le MINES ER ERETARENRES HENRI SYRIE > ASIES EAN EN PERSE 2 DU FER SIEGE MONA 24 T] - 18 Parties, VOUSSURES PERSANE. DU XVIE AU XVIIIE SIECLE PERS RS. AE AR REeRE le A Sp u ÿ PR ONPANTES EU) + Si _ Alu 18 Parties. a Le Etre = Fe IOPPSRITES NE RECaA cast J =... en ns FANS HE “ CE ohne 1 arties, ARCEAUX EXTERIEUR DE LA COUPOLI : INTERIEUR DELA COU POLE À ARCEAUX OCIVALES 18 Parties A Res : ENERE S 16 Parties, PRE DU XIE AU XIE SIECLE ÉRCOSRE ARCHITECTE CL , SAUVAGEOT GRAV Û RARES DES OUSSURES. Imp. Lemercier, Paris A MOREL. Editeur so ( k É 4 POUR RENE # PET ; . 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